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La cheffe Virginie Basselot pose ses valises à Genève
Bleu, blanc, rouge. Ce col tricolore, emblème des lauréats du concours de Meilleur ouvrier de France, les cheffes qui l’arborent sont rares: deux seulement depuis 1924, date de création de l’épreuve. En 2015, huit ans après la Biarrote Andrée Rosier, c’était donc au tour de Virginie Basselot de se voir couronnée du titre. Et de ceindre son cou du prestigieux liseré. Deux grands cuisiniers auront été à l’origine de cette vocation à l’excellence.
Veste et tablier immaculé, pantalon et chaussures de travail de rigueur, les cheveux resserrés dans un chignon haut placé, le regard clair et le pas décidé, la jeune cheffe attise les curiosités, tandis qu’elle traverse le bar du prestigieux hôtel genevois La Réserve. Les business-men en complet veston interrompent un instant leurs sérieuses discussions, tout comme les jolies dames aux odeurs poudrées et aux sacs griffés. Depuis le mois d’octobre 2016, la Française de 37 ans a quitté les lumières de sa capitale pour prendre la responsabilité des quatre tables, dont une gastronomique, de cet hôtel de luxe. Une surprise, à vrai dire, pour celle qui venait tout juste d’obtenir une première étoile au Saint-James, restaurant parisien dont elle avait totalement repensé la formule. Pour celle aussi qui, femme, jeune, talentueuse et MOF, devenait un objet de curiosité médiatique bien au-delà de la presse spécialisée.
Derrière cet étonnant rebondissement, il y a d’abord une histoire de rencontres, d’êtres humains, révèle-t-elle: «Après dix-huit ans passés à Paris, je n’avais pas forcément envie de partir, mais j’ai été touchée par la maison, par son côté familial et par les personnes qui gèrent l’équipe, notamment son directeur, Laurent Branover. Et puis la présence de ma meilleure amie à Bellegarde a sans doute joué un peu.» Tout comme celle, on imagine, de Didier de Calvez, récemment promu à la tête des hôtels La Réserve et qui fut longtemps directeur du Bristol où la jeune Normande fit ses armes aux côtés du chef triplement étoilé Eric Fréchon.
Sortie de sa coquille
A la seule évocation de ce dernier, madame la Cheffe exécutive a les yeux qui pétillent. Et tandis que les mains jusqu’ici serrées se dénouent, la parole se libère et les éloges pleuvent: «C’est mon mentor! Quelqu’un de très réservé, qu’il faut mériter, mais d’une extrême loyauté. Il fait partie de ces hommes qui tiennent toujours leurs promesses.» Aux côtés du grand chef de l’Epicure, la table gastronomique trois étoiles du Bristol, la jeune Virginie Basselot a donc renforcé sa technique: «Eric Fréchon est d’une rigueur incroyable, rien n’est jamais laissé au hasard, toutes les personnes qui ont travaillé avec lui peuvent en témoigner», dit-elle de l’inventeur des célèbres cannellonis au foie gras, à l’artichaut et à la truffe, naguère péché mignon de Nicolas et Carla Sarkozy alors résidents de l’Elysée voisin. Mais, protecteurs et généreux, le chef et son second Franck Leroy ont aussi aidé Virginie la taiseuse à sortir de sa coquille: «J’étais là pour travailler, je ne cherchais pas le contact. J’étais très renfermée et ma timidité était une souffrance. Ils m’ont fait considérablement évoluer là-dessus et j’ai tout fait pour changer. Avant, j’aurais été incapable d’aller vers les clients à la fin d’un service.»
©Guillaume Mégevand
C’est d’ailleurs pour ses deux «exemples» que la jeune chef s’est impliquée dans le concours de MOF, accumulant des heures d’entraînement nocturne au terme de journées de travail déjà bien chargées: «J’ai voulu être comme eux, atteindre l’excellence, transmettre. Tout en restant humble – car tout ça n’est quand même que de la cuisine!»
Le frisson, la vitesse, le voyage...
Volontaire et dotée d’une grande force de caractère, Virginie Basselot excelle aujourd’hui dans un métier qui, enfant, ne la faisait pas rêver. Née en Normandie dans une famille d’aubergistes qui cuisinaient le lapin au vin blanc et les poissons à la crème, elle se rêvait pilote de chasse: «J’ai grandi non loin des plages du Débarquement. Les uniformes, le frisson, la vitesse, le voyage… c’est cela qui m’inspirait. Mais tout le monde me disait que c’était très dur pour une femme de rentrer dans l’armée de l’air.» Et c’est vers une profession tout aussi majoritairement masculine que la jeune fille de 15 ans se tourne alors, débutant son apprentissage. Elle a 19 ans lorsqu’une opportunité se présente au Crillon, à Paris, où son père la pousse à se rendre, arguant que c’est dans la capitale que «tout est possible». Commis de cuisine dans ce deux-étoiles, elle passe par tous les postes, nourrissant sa curiosité naturelle et étanchant sa soif d’apprendre avant de rejoindre, un an plus tard, la brigade du Grand-Véfour et son très charismatique chef: «Le lieu était mythique, marqué par des hommes comme Raymond Oliver. On parlait beaucoup de Guy Martin et de sa créativité, de ses trois étoiles, j’avais envie d’aller voir.» Virginie passe trois années aux côtés du génie savoyard et élargit son champ des possibles: «C’est un personnage, un artiste aux côtés de qui il est hyper motivant de travailler. C’est quelqu’un qui ose, qui met toute son excentricité dans sa cuisine», dit-elle, faisant appel à sa mémoire sensorielle pour se remémorer les saveurs de sa tarte à l’artichaut, de son agneau au café-chocolat ou de son canard à la pastèque-vodka.
La rigueur d’Eric Fréchon, la créativité de Guy Martin, ses propres racines normandes... la cuisine de Virginie Basselot est riche de tous ces univers. Et d’une poignée de souvenirs plus enfouis. Son plat signature par exemple, le cabillaud cuit au beurre citron-mélisse servi avec des légumes de saison sur un lit de perles du Japon, lui a été inspiré par une cuisinière normande qui ne jurait que par le tapioca pour sublimer ses potages. Une recette comme un hommage discret à... sa grand-mère!
Ce qui la dope Les bonnes nouvelles. Et prendre un billet d’avion pour partir loin, sac à dos ou en all inclusive, peu importe.
Son don particulier Les sauces, que j’aime particulièrement préparer. Une sauce à civet par exemple, c’est un vrai travail de cuisinier!
Sur sa shamelist J’adore grignoter des gâteaux industriels. Et j’ai toujours du Boursin dans mon frigo. Pas très gastronomique, évidemment.
Son dernier fou rire Les enfants de ma meilleure amie, qui vit à Bellegarde. Ils n’en ratent pas une!
Son buzz Le chef français installé aux USA Daniel Boulud, qui vient d’être condamné à verser 1,5 million de dollars de dommages et intérêts à un de ses clients. Celui-ci aurait trouvé un bout de paille de fer dans son canard...
Sa news Femme Le titre de Meilleure Pâtissière 2016 de Nina Métayer, la toute jeune collaboratrice de Jean-François Piège dans son Grand-Restaurant à Paris.
Son actu Depuis octobre 2016, elle est aux commandes des restaurants de La Réserve, à Genève. Et vient de présenter la nouvelle carte du Loti, sa table gastronomique (ici son foie gras confit aux pommes...).
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