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8 mars

Mon féminisme est connecté

Feminisme connecte

«Les nouvelles militantes reprennent les répertoires d’action mobilisés par les féministes historiques, mais leurs modes d’expression se ressourcent dans la culture numérique et leurs discours sont amplifiés par leur diffusion via les réseaux sociaux», résume ainsi Josiane Jouët, dans la «Revue des médias».

© Getty

On pourrait dire que tout a commencé le 15 octobre 2017.

Ce jour-là, Alyssa Milano commence son tweet par ces mots: Me too. Et l’actrice américaine propose à toutes celles qui, comme elle, ont été harcelées ou agressées de commenter son message avec ce hashtag. Sans se douter que, quelques millions de retweets, likes et commentaires plus tard, le paysage numérique ne serait plus tout à fait le même. C’est la première fois qu’une vague féministe prenait une telle ampleur, aussi rapidement.

Retour en grâce

La dimension numérique de cette déferlante est la caractéristique première d’une nouvelle ère du féminisme, une troisième vague, après celle des suffragettes, dans les années 20, et le militantisme des années 60-70. Les blogs, d’abord, puis les réseaux sociaux, ont ravivé le mouvement, mais à plus large échelle. Ils ont drainé un nouveau bassin de militantes, plus jeunes (20 à 35 ans en moyenne), qui ont baigné dans le numérique toute leur vie et qui en maîtrisent les codes. «Les nouvelles militantes reprennent les répertoires d’action mobilisés par les féministes historiques, mais leurs modes d’expression se ressourcent dans la culture numérique et leurs discours sont amplifiés par leur diffusion via les réseaux sociaux», résume ainsi Josiane Jouët, dans la «Revue des médias».

Cette professeure émérite de l’université Paris-II, spécialiste du féminisme digital, parle d’un féminisme «hyper connecté, jeune et joyeux tout en étant engagé», qui utilise beaucoup l’image et, désormais, les memes, pour faire passer son message. Ou ses messages, plutôt. «Sur le web, toutes les tendances s’expriment, allant d’un féminisme qualifié de réformiste pour ses appels à l’égalité femmes-hommes dans la vie professionnelle et sociale, à un féminisme plus sectoriel fondé sur la demande de la reconnaissance des identités sexuelles», poursuit Josiane Jouët.

N’oublions pas qu’on revient de loin. «Il y a quelques années, le terme de féministe était encore dégradé, Je me rappelle de ces stars qui signaient des tribunes dans les médias pour dire qu’elles ne se sentaient pas féministes ou de ce mouvement sur Facebook, I’m not a feminist because, avec des femmes qui expliquaient pourquoi elles ne se considéraient pas comme féministes», se remémore Saniha Ozem, féministe de son propre aveu devenue plus e-militante depuis le 14 juin 2019. «Parce que le féminisme diabolise la famille traditionnelle», «parce que je veux aimer et obéir à mon mari», «parce qu’être sifflée dans la rue n’est pas une agression», à l’époque, le buzz était clairement du côté des anti-féministes…

Mais voilà, depuis, #Metoo, #BalanceTonPorc sont passés par là et le ton a changé. «Il s’est passé quelque chose d’assez monumental sur les réseaux sociaux en très peu de temps, avec l’éclosion de comptes de memes, de citations, de podcasts, comme Les couilles sur la table, mais aussi de nouvelles égéries, comme Mona Chollet, Virginie Despentes ou Chloé Delaume», poursuit la Lausannoise.

Pressions et burn-out

Autant dire que si les réseaux comptent leur joli lot de pépites féministes et inspirantes (voir notre sélection), ils sont aussi – forcément – le nid d’un cybersexisme crasse. Anaïs Bourdet est bien placée pour l’évoquer. C’est elle qui est derrière le fameux compte (Tumblr, puis Instagram) Paye ta schnek, qui relayait les témoignages de victimes de harcèlement ou de viol. En juin dernier, fatiguée et abattue, elle dépose les armes, victime d’un «burn-out militant».

«Parce que durant 7 ans, j’ai absorbé la violence des récits des victimes, plus tout le harcèlement que ces témoignages généraient sur les réseaux, sans oublier la violence que c’est d’être une femme dans la rue, simplement», explique-t-elle.

De retour, (avec son Instagram Sissis la famille) elle a décidé de s’orienter vers un féminisme plus positif, qui relaie les moments de sororité, des témoignages de femmes qui se sont entraidées. «Toutes les formes de lutte sont indispensables et il faut parfois reprendre une dose de tendresse, car cette bataille est épuisante. Comme un athlète de haut niveau, il faut parfois récupérer. Quand on se bat, c’est indispensable si on veut que le combat dure.»

Au bout du crayon, sur Instagram

Qui? Anne W, alias Anne Wehr, est une jeune illustratrice, autrice et conceptrice parisienne.

Quoi? Ses dessins feelgood et humoristiques mettent en scène des jeunes femmes qui nous ressemblent: courageuses, paresseuses, rêveuses et très philosophes. Déculpabilisant à souhait.

Qui? Hilda Atalanta est une dessinatrice queer installée à Amsterdam, aux Pays-Bas.

Quoi? Brunes, blondes, épilées, poilues, asymétriques ou tordues… son compte se veut une «célébration de la diversité des vulves». De quoi en finir avec les diktats anatomiques et esthétiques.

Qui? La Française Cécile Dormeau travaille pour plusieurs agences de design et de graphisme à Hambourg et Berlin.

Quoi? Elle imagine des illustrations ou des gifs autour de l’acceptation de soi et du body positive. Ses personnages ont des poils, des bourrelets, les seins qui tombent. Et ils s’en fichent complètement.

Qui? Eugénie Edbart est une illustratrice free-lance installée dans le nord-est de la France.

Quoi? Ses dessins rose bonbon montrent des corps, des clitoris, des utérus, des trompes… d’une manière esthétique, tout en faisant passer le message. On retrouve ses illustrations en sti-ckers, t-shirts, tote-bags pour porter ses slogans toute la journée.

Les podcasts

Qui? L’émission est animée par la journaliste Victoire Tuaillon.

Quoi? Sous ce nom un peu vulgaire, Les couilles sur la table, se cache un podcast un brin intello (mais très accessible) qui parle de féminisme sous l’angle de la masculinité à travers des thématiques comme le harcèlement ou les tâches ménagères. On y entend des invités prestigieux.

victoire tuaillon
© Wikimedia Commons

Qui? La journaliste Clémentine Gaillot, spécialisée dans les domaines du cinéma, du théâtre et du genre (Libération, Le Monde, Slate…), entourée de plusieurs chroniqueurs et chroniqueuses.

Quoi? Quoi de meuf?, ce podcast intersectionnel (au croisement de plusieurs discriminations, comme le machisme, le racisme…), drôle et sans langue de bois, débat de la pop culture et de sujets comme le syndrome de l’imposteur, la pédocriminalité ou encore la littérature féminine.

Qui? Ancienne journaliste à Elle, Lauren Bastide anime ce podcast produit par Nouvelles Ecoutes, le studio de podcasts qu’elle a créé.

Quoi? Deux fois par mois, dans une chambre d’hôtel, La Poudre diffuse une conversation avec une femme inspirante, artiste, militante, politique, comme Mazarine Pingeot, Cécile Duflot ou encore Mona Chollet.

Qui? Aux côtés de la graphiste Anaïs Bourdet (de Sis sis Family), on trouve la journaliste Margaïd Quioc et la consultante en culture digitale Elsa Miské.

Quoi? Chaque mois, Yesss donne la parole des Warriors soit plusieurs femmes ordinaires qui, dans tous les domaines possibles, ont gagné une bataille contre le sexisme.

© Gerard Julien AFP

Les féministes d’ici sur Instagram

Qui? Collectif de colleuses anonymes, l’affichage sauvage sur les bâtiments étant illégal.

Quoi? En lettres noires sur fond blanc, des phrases chocs autour des féminicides placardées sur des bâtiments urbains. Une initiative lancée par nos voisines françaises dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, au mois de novembre dernier, et reprise ici.

Qui? Lucie, une jeune enseignante de 25 ans, elle-même victime de harcèlement de rue.

Quoi? Des tranches de vie et des histoires de harcèlements ordinaires comme peuvent en subir nombre de Lausannoises qui envoient leurs histoires.

Qui? Un collectif de féministes romandes.

Quoi? A la base, c’était un projet participatif d’affichage pour la grève féministe du 14 juin 2019. C’est désormais un compte qui promeut la visibilité des femmes en proposant de petites biographies de personnages féminins issus de tous les domaines.

Qui? Un collectif de féministes romandes.

Quoi? Sur les affiches publicitaires, dans la presse d’ici et d’ailleurs, sur les réseaux sociaux… cette police du féminisme pointe du doigt le sexisme à travers les mots ou les images.

Le poids des mots sur Instagram

Qui? La Française Marie Bongars est à la tête de ce compte et du podcast Une sacrée paire d’ovaires.

Quoi? Des mots, rien que des mots, pour faire passer le message féministe à travers infos, citations, statistiques. Marie Bongars consacre aussi quelques stories à une revue de presse commentée.

Qui? Le nouveau compte de la militante féministe marseillaise Anaïs Bourdet (cf. texte principal).

Quoi? Elles s’entraident au quotidien et le racontent à travers de petites histoires qui font du bien. Ces tranches de vie, ces femmes qui se serrent les coudes face au machisme, sont une ode à la sororité.


Qui? Coline Charpentier est prof en banlieue parisienne. Son livre, T’as pensé à, Guide d’autodéfense sur la charge mentale, vient de sortir en Livre de Poche.

Quoi? Ce compte recueille témoignages et petites phrases chocs autour de la charge mentale pour être, selon son autrice, le «partenaire des couples équilibrés».

Qui? L’autrice et éditrice lyonnaise Astrid Toulon a créé ce compte en 2015.

Quoi? A coup de phrases drôles, dures ou cocasses conjuguées à la deuxième personne du singulier, ce compte détruit le sexisme et les stéréotypes de genre.


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