Complexe
La calvitie, dernier tabou masculin
Il est jeune, beau, riche, amoureux, mais le prince Harry a un souci, il perd ses cheveux. Sur les photos de paparazzi, de près ou de loin, ça se voit. Comme tous les hommes de sa famille avant lui, son grand-père Philippe, son père Charles et son frère William, le mari de Meghan est frappé par la malédiction des Windsor: à 35 ans, sa jolie toison rousse laisse désormais entrevoir le sommet du crâne. Il se murmure même en coulisse que le nouveau résident de L.A. profiterait de sa liberté nouvelle et de la proximité de certains grands noms de la chirurgie esthétique pour en finir avec cette pesante tradition familiale. Ce en toute discrétion, car le sujet est sensible…
Un homme sur deux dans la cinquantaine
Princes, acteurs, hommes politiques, ouvriers ou cols blancs… nul n’est épargné; le fléau du tif clairsemé est comme le Covid-19, il frappe sans distinction de classe et de manière souvent très précoce, au grand dam de ceux qui n’attendent pas le nombre des années pour songer à échanger leur shampooing bio solide contre une bouteille de lotion Petrol Hahn. Selon des chiffres de la Société française de dermatologie, l’alopécie androgénétique, c’est le nom savant de l’affection, concerne déjà 30% des hommes dans la trentaine pour atteindre un mâle sur deux à la cinquantaine, âge auquel elle semble se stabiliser.
Jérémy, 47 ans, fait partie de ceux qui ont appris à gérer progressivement leur nouveau look clairsemé:
Toutefois, à sa grande surprise, Jérémy a vu ses cheveux devenir certes plus épars, son front s’agrandir, mais sans virer chauve. «Aujourd’hui, à l’approche de la cinquantaine, ils couvrent encore ma tête. Je fais attention de ne pas les couper trop courts pour qu’ils restent couvrants.» Comme Jérémy, beaucoup d’hommes scrutent l’évolution capillaire de leurs aïeux mâles pour avoir une idée de ce qui les attend. Pas si bête, puisque l’hérédité semble jouer un rôle dans le processus. Une étude génétique publiée en 2017 par l’Université d’Edimbourg, qui cherchait à créer un algorithme mathématique pour anticiper le risque de chute de cheveux, a toutefois créé la surprise en concluant: «Les ascendants maternels influent majoritairement sur la prédisposition génétique à perdre les cheveux.»
Vie et mort du cheveu
Toutefois, d’autres phénomènes entrent en ligne de compte, entre cycles naturels et facteurs hormonaux. Le docteur Pierre Quinodoz, chirurgien plasticien et esthétique à Genève, spécialiste des liftings et de la chirurgie des paupières, et qui a pratiqué la greffe de cheveux, explique: «Le cheveu a un cycle de vie de plusieurs années qui se divise en trois phases: la phase anagène, ou phase de croissance, la phase catagène, où la pousse est ralentie, et la phase télogène, où il meurt, chute et est remplacé par un nouveau. Se rajoute un facteur hormonal, notamment la testostérone, dont le mécanisme d’action n’est toujours pas très clair.»
En effet, cette hormone mâle, transformée en dihydrotestostérone par une enzyme, semble causer un emballement des cycles du cheveu et l’épuisement de leur capital surtout, chez des personnes sans doute génétiquement prédisposées, sur le vertex, la partie supérieure du crâne. Pour le médecin, qui voit se succéder dans son cabinet les patients soucieux de remédier aux affronts du temps qui passe à coups de chirurgie, parfois lourde, la calvitie est loin d’être anodine.
Un vrai complexe
Une obsession, un mal-être… c’est ce qu’a ressenti Nicolas Boulez quand il a commencé à perdre ses cheveux très précocement, à peine sorti de l’adolescence. Pour pallier ce problème, le Français, qui ne quitte plus sa casquette, opte pour une solution radicale et se rase la tête: «J’étais dans une sorte de déni.» C’est lors d’un entretien d’embauche que le déclic se produit: «La personne en face de moi m’a demandé si mon look était dû à une maladie ou des convictions politiques», explique-t-il.
Surpris par le peu d’informations qu’il trouve sur les sites français, il se tourne alors vers les forums américains, nombreux et beaucoup plus décomplexés sur le sujet. Il décide alors de transposer le concept en France, créant l’International Hairloss Forum. «Nous comptons aujourd’hui 12 500 utilisateurs, sans compter ceux qui nous consultent sans s’inscrire. Beaucoup d’hommes qui confient leur mal-être, vont à la pêche aux infos et, à visage découvert ou anonymement, partagent leurs photos.»
La greffe miraculeuse
Pour les mâles pas disposés à faire leur chauving out et à assumer le crâne d’œuf, la greffe, qui consiste à prendre des cheveux sur les parties où ils ne tombent pas (comme les côtés ou la nuque) pour les réimplanter en zone désertique, est la panacée. Pour autant qu’ils ne soient pas du genre chochottes. Eric, 57 ans, actif dans la finance, n’a pas hésité à employer les grands moyens pour un résultat qu’il juge lui-même optimal: «Je n’étais pas un cas grave, mais la cinquantaine passée, je commençais sérieusement à me dégarnir sur le haut des tempes. Ça n’était pas une version de moi qui me satisfaisait», confie-t-il. Soucieux de son image, le Genevois, qui prend alors déjà du Minoxidil, un traitement médicamenteux pour densifier les cheveux, décide de partir vers la Grèce pour des implants capillaires.
La tentation du rasage
Filer en Grèce, ou en Turquie, pour se faire greffer des cheveux, Pierre, 40 ans, y a songé: «C’était une des étapes de mon cheminement capillaire. Aujourd’hui, j’envisage de me raser entièrement, ce qui me semble être la moins mauvaise solution.» Un changement radical puisque, depuis sept ans, Pierre porte les cheveux longs attachés en bun sur le sommet de la tête. «Au début, c’était vraiment pour le côté style, aujourd’hui, mon chignon, c’est mon cache-misère. Avec l’âge, l’étirement de l’élastique et le reste, je suis hyper-dégarni sur le dessus. C’est horrible, lorsque je lâche mes cheveux, je ne me reconnais plus, j’ai l’air d’un fou. C’est exclu que je montre ça et même que j’en parle. Depuis six mois, j’ai pris la décision que le moment venu, j’allais tout raser. Je repousse au maximum, car je sais que ce sera sans retour possible.»
Alors que, comme Pierre, les hommes se fichent de leurs rides ou de leurs premiers cheveux blancs, la perte de leurs cheveux est bel et bien un traumatisme. Pour Françoise Bartoli, psychiatre, psychothérapeute et auteure de La crise du milieu de vie (Ed. Odile Jacob), c’est un passage symbolique fort:
La puissance virile du poil
Christian Bromberger, anthropologue et professeur émérite d’ethnologie à l’Université d’Aix-Marseille, a fait de la pilosité un de ses sujets de prédilection. Auteur de Le sens du poil, une anthropologie de la pilosité (Ed. Créaphis), il voit dans la chevelure de l’homme un signe de sa force. «Les poils, et donc les cheveux, sont un symbole de virilité et de sexualité. Alors que dans nombre de civilisations, ou religions, on couvre les cheveux des femmes, le poil masculin ne cesse, lui, de s’exhiber. De Samson aux héros médiévaux, tous arboraient une abondante chevelure.» Il ajoute:
Quid alors des icônes masculines adeptes de la boule à zéro, de Yul Brynner à l’impressionnant Dwayne Johnson, alias The Rock, qui ont incarné ou incarnent la figure du mâle dans toute sa splendeur? «Il y a en effet une ambiguïté créée par le fait qu’on a associé calvitie et trop-plein de testostérone, que plus un homme serait chauve, plus il serait viril. Cette explication a le mérite d’aider certains à s’accepter», conclut Christian Bromberger.
Et les poils dans tout ça?
Les hommes n’ont jamais fait autant attention à leur pilosité. Encore faut-il savoir où raser, épiler, dompter et laisser en friche
Le dos et les épaules
C’est l’épilation la plus demandée par les hommes dans les instituts de beauté et c’est, corollaire, la zone du corps où les poils sont le plus rarement appréciés. Du coup, le choix peut ici être radical. «L’épilation est plus rapide lorsqu’elle est faite à la cire, mais plus durable avec la lumière pulsée, résume Claudio Bocchia, le responsable de Masculin Center, présent dans cinq villes romandes. Les clients très gênés par leur pilosité préfèrent choisir du définitif.»
Les aisselles
Que ce soit pour lutter contre les odeurs, pour une certaine praticité (l’application de certains déodorants) ou par choix esthétique, la pratique s’est largement démocratisée et la plupart des hommes prennent soin
de cette zone. Ici, les poils, plus épais, peuvent facilement s’incarner. On peut donc très bien se tourner vers une tonte courte. Règle de base: on n’utilise pas la même tondeuse pour le visage et pour le reste du corps.
Les parties intimes
C’est un peu le dernier tabou, mais il est en train de tomber, notamment avec l’apparition de campagnes marketing décalées sur les réseaux sociaux, afin d’inviter les hommes à faire le ménage et l’apparition de tondeuses spécialement conçues pour cette zone, comme celle de la marque Manscaped. De nombreux instituts, toutefois, préfèrent ne pas proposer ce service à leur clientèle masculine, donc mieux vaut se renseigner avant…
Les bras
Encore peu pratiquée il n’y a pas si longtemps, l’épilation des bras est en plein boum. Selon le patron de Masculin Center, la mode des tatouages pourrait en grande partie expliquer l’intérêt des mâles à s’occuper de cette partie de leur anatomie. Si la pilosité est très importante et gêne, alors on opte plutôt pour une épilation à la cire.
La poitrine
Tondre ou ne pas tondre? Ici, tout dépend du degré de pilosité et de ses goûts personnels. «Pour le torse, on peut choisir d’assumer son côté ours, à la différence du dos, résume Claudio Bocchia. On évite cependant la demi-mesure. Si on a trois poils, on épile tout.» Gare, car c’est une des zones les plus sensibles du corps! La lumière pulsée ou le laser sont des options idéales et durables, mais restent plus chers que la cire.
Les jambes
Chez beaucoup, c’est la zone la plus poilue du corps, mais peu d’hommes s’en occupent, sauf certains sportifs, comme les cyclistes. Si on vit mal l’abondance de poils ici, on peut tout à fait utiliser une tondeuse pour raccourcir tout en gardant un duvet pour un effet un peu plus naturel ou opter pour la cire. Les poils repousseront alors de façon moins fournie.
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