nos lectures d'été 2022
«Persuasion», «The Gray Man»: 10 excellents romans adaptés en films et séries
Littérature et audiovisuel font bon ménage. Et se nourrissent joyeusement l’une l’autre par un système d’allers-retours gagnant-gagnant mis en place il y a des décennies.
Concrètement, le principe est d’une logique commerciale implacable. De fait, quand un réalisateur adapte un best-seller en film ou en série, il s’assure un joli succès via les fans du roman. Lesquels vont se ruer dans les salles obscures ou binge-watcher sur une plateforme. Pour déguster s’ils sont conquis d’avance ou par simple curiosité s’ils sont sceptiques. Parallèlement, quand un-e auteur-e (ou un-e ayant droit) autorise la transposition filmique d’une œuvre, celle-ci bénéficie de facto d’une (re)mise en lumière. Donc d’un élargissement potentiellement énorme du nombre de lecteurs: pour peu qu’on soit séduit par un scénario, on a tendance à vouloir comparer avec l’original… ce qui nous pousse à acheter le bouquin qui, comme par un heureux hasard (!), vient justement d’être réédité - quand il n’est pas proposé en coffret luxueux. Or, selon la force et l’intérêt de l’écrivain-e, on se plongera ensuite dans ses autres écrits et le cycle vertueux peut recommencer.
Le procédé est simple, diablement efficace et, de notre point de vue, porteur de belles surprises puisqu’il permet souvent de (re)découvrir des textes formidables, tous genres confondus. La preuve par cette petite sélection non exhaustive de titres à (re)lire, dont les adaptations en images sont à voir actuellement ou très attendues dans les semaines à venir…
Emma, de Jane Austen (Éd. Hauteville)
Paru en 1815, ce somptueux récit brodé par l’inimitable Jane Austen a déjà inspiré de nombreuses reprises filmiques (cinéma, séries ou téléfilms). Il raconte avec beaucoup d’humour et d’ironie coquine la vie de l'Angleterre provinciale du début du XIXe siècle via les petites magouilleries d’Emma Woodhouse. «Belle, intelligente et riche», cette demoiselle de 21 ans se la joue en effet entremetteuse, bien décidée à organiser la vie amoureuse de son entourage. Las… inexpérimentée, elle ne comprend à vrai dire pas grand-chose au cœur ni aux sentiments et joue ainsi avec le feu. Au risque de se brûler elle-même. Roman d’apprentissage, écrit avec une délicatesse toute austenienne, ce petit bijou est à dévorer (ou redévorer!) de toute urgence et sans modération!
Emma, sur Netflix
Ce film réalisé par la photographe Autumn de Wilde aurait dû sortir en 2020. Mais pandémie oblige… Quoi qu’il en soit, finalement mise en ligne sur Netflix début juillet, cette énième relecture de l'œuvre de Jane Austen est immédiatement entrée dans le Top Ten. Elle le mérite - elle est une vraie réussite. Il faut dire que si la réalisation classique est irréprochable, les dialogues piquants et l’esprit austenien parfaitement restitué (tant pis pour les libertés prises!), le casting est particulièrement impeccable. Avec mentions spéciales à Bill Nighy (Love Actually, The Second Best Exotic Marigold Hotel, Harry Potter, etc. ), impayable dans la peau d’un Mr Woodhouse délicieusement hypocondriaque, et Anya Taylor-Joy (Le jeu de la Dame), idéalement petite peste en Emma. Bref, du grand boulot!
Persuasion, de Jane Austen (Éd. Gallimard - Folio Classique)
Dernier roman de Jane Austen, publié à titre posthume en décembre 1817, Persuasion raconte les retrouvailles d’Anne Elliot et de l’amour de sa vie, Frédérick Wentworth, qu’elle avait renoncé à épouser sept-huit ans plus tôt, après s’être rangée aux arguments de ses amis et de sa famille qui ne trouvaient pas le jeune homme suffisamment convenable. Entendez: pas assez fortuné… Comme toujours chez Austen, qui choisit le ton de l’ironie et de la légèreté, ce récit est une critique malicieuse de la société British du début du XIXe siècle. En l’occurrence, elle s’attaque aux pressions de tous ordres auxquelles les jeunes femmes de son époque étaient soumises sous couvert de choix. Une merveille, évidemment…
Persuasion, sur Netflix
Signée Carrie Cracknell, cette adaptation a été très mal reçue par la presse anglophone, qui hurle au scandale en raison des grandes libertés prises avec le texte originel. En cause: le langage actualisé, les costumes chronologiquement décalés et, surtout, la personnalité d’Anne (remarquable Dakota Johnson), qui, de jeune oie blanche et timide chez Austen, se transforme en demoiselle pétillante, extravertie et souvent mordante dans cette version-là. On ne peut pas donner entièrement tort aux critiques… si on se la joue puriste. En revanche, si l’on accepte la licence créative, on apprécie ce film magnifiquement incarné et qui, en prime, permet de se délecter de panoramas fabuleux.
Le serpent de l’Essex, de Sarah Perry (Éd. Christian Bourgois)
Publié en 2016, Le serpent de l’Essex, de Sarah Perry, nous plonge dans l’Angleterre du XIXe siècle. Soit une période moralement étriquée et pétrie de principes patriarcaux particulièrement frustrants pour les femmes qui rêvent de libertés. Ce qui n’est pas sans incidence sur les mésaventures racontées ici. En l’occurrence, celles de Cora. Trentenaire devenue veuve, celle-ci décide d’envoyer balader l’establishment et de vivre sa passion pour la paléontologie. Son fils et sa gouvernante sous le bras, elle quitte donc Londres et emménage dans un petit village de l'Essex, à la recherche d’un mythique dragon des mers - potentiellement un dinosaure qui n’aurait pas évolué au fil des millénaires, espère la jeune femme. Evidemment, rien ne se passe comme elle l’imaginait. Mais de rencontres en péripéties et de remise en question en chassé-croisé amoureux, la vibrante Cora finit par se rencontrer elle-même…
The Essex Serpent, sur Apple TV
Plutôt fidèle à l’intrigue, cette minisérie en 6 épisodes réalisée par la cinéaste britannique Clio Barnard est remarquable à plus d’un titre: éclairages, reconstitutions, décors, paysages et ambiances sont parfaits. Tout comme le sont aussi les dialogues et, surtout, les acteurs: en Cora, Claire Danes est épatante, tandis que Tom Hiddleston colle parfaitement à son personnage de pasteur sceptique et torturé. Un bémol, toutefois: entre les deux, la chimie ne prend pas tout à fait - du moins pas aussi clairement que dans la version papier. Ceci mis à part, on se laisse entraîner dans ce tourbillon gothique avec un réel plaisir. Et c’est ce qui compte, finalement.
Le temps n’est rien, d'Audrey Niffenegger (Éd. J'ai Lu)
Premier roman de l’Américaine Audrey Niffenegger, sorti en 2003 aux Etats-Unis et publié en français en 2005, Le temps n’est rien raconte la belle et triste histoire de Claire et Henry. Belle parce qu’il est question d’amour vrai et absolu. Triste parce que le héros, atteint d’une chronodéficience (anomalie génétique qui le fait voyager dans le temps), ne cesse de disparaître sans crier gare pour se retrouver (tout nu!) quelque part entre les sixties et les années 2000, faisant des allers-retours dans sa propre vie. Sa dulcinée, elle, attend son retour sans rien pouvoir y faire. Et passe donc une bonne partie de son existence dans l’incertitude et la solitude. Comme l’expliquait l’auteure, qui disait avoir écrit ce récit dans une période de frustration intense, ce conte mi-romance, mi-fantastique est «une métaphore des relations ratées».
The Time Traveler’s Wife, sur Canal+
Après avoir été adapté au cinéma en 2009 (avec Rachel McAdams et Eric Bana dans les rôles principaux), ce roman singulier a été repris en main pour HBO par le génialissime Steven Moffat - à qui l’on doit, entre autres, Sherlock et plusieurs des meilleures saisons du Dr Who. Dans la peau de Claire et Henry: Rose Leslie (Game of Thrones) et Theo James (The Witcher ou Downton Abbey), qui forment un couple franchement adorable. Même si elle ne suit pas mot à mot le roman, cette minisérie en 6 épisodes reste relativement fidèle au texte et aborde donc également des thématiques telles que le déterminisme, l’identité ou le libre-arbitre. Mais à la sauce Moffat. Avec créativité et humour, donc.
Sur un mauvais adieu, de Michael Connelly (Éd. Calmann-Lévy)
Dix-neuvième volet du cycle boschien, Sur un mauvais adieu, de Michael Connelly, est sorti en français en 2018. Retraité de la police de Los Angeles, Harry Bosch est désormais à la fois détective privé et réserviste bénévole au San Fernando Police Departement, où il donne quelques coups de main quand nécessaire. Des casquettes qui lui valent ici de devoir mener deux enquêtes en parallèle - durant lesquelles on recroisera avec bonheur le demi-frère de Bosch, l’avocat Mickey Haller. D’un côté, la recherche de l’enfant abandonné d’un riche vieillard qui, se sentant au bout du rouleau, veut en faire son héritier. De l’autre, la traque d’un violeur en série. Comme toujours chez Connelly, dont l’écriture est efficace, voire rude, l’intrigue est émaillée de questionnements liés notamment aux traumatismes causés par la guerre au Vietnam ou au racisme anti-latino. En clair: du pur Bosch!
Bosch: Legacy, sur Amazon Prime Video
Comme ce fut le cas pour les autres saisons - celles qui retracent la vie de Bosch avant sa retraite -, cette nouvelle volée de 10 épisodes n’est fidèle que de (très) loin au roman, du moins en termes d’intrigue. Mais finalement, et alors? Car non seulement Connelly a lui-même participé à l'adaptation mais, en plus, les charmes conjugués de Titus Welliver (Bosch), de Madison Lintz (sa fille Maddie), de Los Angeles et de la bande-son jazz opèrent parfaitement. Autrement dit… Que demander de plus, à part une suite prochainement?!
The Gray Man, de Mark Greaney (Éd. L’Archipel)
Tout juste publié en français, The Gray Man est le premier tome d’un cycle qui compte aujourd’hui douze épisodes. Signé Mark Greany, qui a collaboré avec Tom Clancy sur la série des Jack Ryan, ce thriller suit Gentry, un ancien agent de la CIA devenu tueur à gages et dont la tête est aujourd’hui mise à prix pour avoir assassiné le frère d’un dictateur africain. Au programme: de l’action, de la castagne, de la corruption, des magouilles et des voyages - avec, même, une escale en Suisse. Malgré des invraisemblances et aberrations géopolitiques - à vous de les repérer! -, l’affaire se révèle pourtant suffisamment bien menée pour qu’on se prenne au jeu, surtout par une après-midi ensoleillée en bord de piscine!
The Gray Man, sur Netflix
Tourné avec un budget colossal - 200 millions de dollars, quand même… - ce film réalisé par les frères Russo (Captain America ou Avengers - End game) peut plaire quand on aime le muscle et l’action sans prise de tête. Ou si l'on est inconditionnellement fan de Ryan Gosling.
Les liaisons dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos (Éd. Gallimard - coll. Folio Classique)
Roman épistolaire sorti en 1782, Les liaisons dangereuses, de Pierre Choderlos de Laclos, se compose de 175 lettres magnifiquement écrites. Ce procédé est aujourd’hui peu utilisé, mais il permet de faire avancer le récit en donnant l’occasion à chacun des protagonistes d’exprimer ses points de vue et sentiments les plus intimes. Sans avoir l’air d’y toucher, l’ensemble de cette correspondance décortique avec subtilité et acuité les rapports humains et soulève des questionnements sociétaux intemporels - notamment sur les relations hommes-femmes.
L’intrigue? Elle relate les petits jeux pervers auxquels se livrent deux libertins, la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont. Manipulateurs, sans scrupules, prêts à n’importe quoi pour lustrer leur propre image ou se venger de quiconque aurait eu la mauvaise idée de blesser leur ego, ces anciens amants, suffisants et bouffis d’orgueil, se jouent ainsi des conventions et de la morale, se montrent aussi odieux qu’impitoyables et sèment le malheur et la honte autour d’eux. Sans broncher. Petit à petit, pourtant, à force de bafouer jusqu’à leurs propres sentiments, ils se laissent déborder. Et d’alliés indéfectibles, ils deviennent ennemis, se déclarent la guerre… Ce chef d'œuvre sublime, forcément sublime, est à (re)lire de toute urgence!
Les liaisons dangereuses, sur Netflix
Propulser les personnages originaux dans un collège de Biarritz au XXIème siècle, pourquoi pas - l’idée n’était pas mauvaise. Et d’autant moins que les problématiques soulevées par Laclos sont toujours aussi actuelles et donc transposables. Malheureusement, si les aspects vanité, manipulation, jalousie, image et apparence (importantissimes dans le roman) sont très vaguement abordés, notamment sous l’angle des réseaux sociaux, la réalisatrice Rachel Suissa a clairement délaissé d’autres dimensions. Dont le féminisme de Laclos - fût-il clairement insuffisant aujourd'hui. Ou la désespérante dualité de l’être humain. Ajoutez à cette déconfiture interprétationnelle le charisme d’huître de comédiens mal dirigés, des dialogues pauvres et une facture aussi basique que sans imagination, vous obtiendrez un navet insipide, frustrant et donc parfaitement dispensable. Dommage…
Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens (Éd. du Seuil)
Sorti en français en janvier 2020, ce somptueux roman est la première fiction de la biologiste et zoologue américaine Delia Owens. Le récit, qui se joue de la temporalité et tresse des entrelacs malins entre histoires et époques, commence en 1969 par la découverte d’un cadavre. Et se concentre sur le parcours de Kya, abandonnée par sa famille dans les années 50, alors qu’elle est encore enfant, et qui, ainsi livrée à elle-même, se débrouille tant bien que mal dans les marais de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. De page en page, on voit ainsi évoluer la gamine dans ce milieu a priori hostile mais qu'elle va rapidement apprendre, comprendre et apprivoiser.
Poétique, émouvante et remarquablement sensuelle (on voit, on entend et on sent littéralement les paysages!), cette ode à la nature, à la liberté et à la différence aborde de nombreuses problématiques sociétales telles que solitude, violence, justice, racisme, sexisme…
Là où chantent les écrevisses
Sortie: le 17 août 2022 au cinéma
Réalisée par Olivia Newman, avec Daisy Edgar-Jones et David Strathairn, cette adaptation n'est pas encore sortie en salle. Sera-t-elle à la hauteur de ce roman envoûtant? On l’espère!
Le talentueux M. Ripley, de Patricia Highsmith, (Éd. Calmann-Lévy noir)
Thriller psychologique redoutable publié en 1955, Le talentueux M. Ripley est le premier d'une série de cinq romans que Patricia Highsmith a consacré à Tom Ripley, personnage pour le moins troublant, engagé dans une vie de tromperie, de fraude, de duperie et de meurtre….
Ripley, sur Showtime
Sortie: pas de date officielle pour l'instant, pas plus que de diffuseur en Europe.
Créée par Steven Zaillian, avec Andrew Scott, Johnny Flynn et Dakota Fanning, cette série en huit épisodes commandée par Showtime promet du trouble et du glamour. Mais pas de réel suspense puisque l'histoire est archi-connue!
Le Seigneur des anneaux, de John Ronald Reuel Tolkien (Éd. Pocket)
Faut-il encore présenter l’univers créé par J.R.R. Tolkien? Quinze magazines n’y suffiraient pas tant l'œuvre est riche et foisonnante! Blague à part, on ne saurait trop conseiller la lecture de ce cycle romanesque allégorique et follement poétique où s'entremêlent destins individuels et communs, aventures et philosophie, visions d'horreur et de paradis...
Le seigneur des anneaux - Les Anneaux de pouvoir, sur Amazon Prime
Sortie: le 2 septembre 2022
Pour ce que l’on en sait à ce jour, la première saison, qui comptera 8 épisodes, nous replongera en Terre du Milieu, bien avant les événements narrés dans Le seigneur des anneaux. La diffusion de ce préquel étant annoncée pour le 2 septembre, on a donc encore juste le temps de se refaire les versions longues de la formidable trilogie cinématographique signée Peter Jackson!
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