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Portrait: Céline Zufferey, éditée chez Gallimard à 25 ans

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Pour Céline, tout est centré sur le style, et elle lit «en professionnelle» les romans des autres; pas seulement pour le plaisir mais pour voir comment c’est fait.

D’où vient ce talent, alors? «Je ne sais pas», dit la jeune Valaisanne. Il faudrait peut-être demander à l’instituteur qui lui refusa la gommette qu’elle recevait toujours pour ses compositions françaises. Sauf ce jour-là: une élève de 12 ans ne pouvait pas avoir écrit un tel texte, Céline l’avait forcément chipé à un écrivain! Elle dut créer une nouvelle histoire, enfermée dans la classe avec l’enseignant soupçonneux, pour qu’enfin il la croie. Et que, de son côté, elle se dise qu’elle avait quelque chose de spécial.

Pourquoi j’écris? Je n’en sais rien. Je pourrais très bien ne pas écrire, je ne me dis pas: Si je n’écris pas, je meurs! L’écriture n’est pas du plaisir, ce roman m’a pris deux ans, ça a été beaucoup de souffrance. La littérature, c’est pour moi d’abord une passion en tant que lectrice, ensuite une manière d’organiser le monde tel que je le vois.

Donc quelque chose de central dans sa vie, tout de même? Céline Zufferey rit franchement: «J’aime beaucoup les pandas aussi, je pourrais en parler des heures durant…» Les pandas? «Oui, depuis que ma grand-mère m’en a offert un en peluche. Je l’ai toujours. Il s’appelle Panda. J’en ai plein d’autres.» Un temps: «Mon but, c’est d’être un écrivain tellement célèbre que je puisse aller toucher des pandas.»

Humour et passion

L’intervieweur n’est pas surpris de se faire gentiment mettre en boîte: «Sauver les meubles» séduit non seulement par le style, l’histoire, l’atmosphère et le propos, mais aussi par l’humour de Céline, pince-sans-rire et fine mouche. Elle a su se couler dans la peau d’un homme, photographe aux ambitions artistiques déçues, qui s’embauche dans une boîte genre Ikea et shoote à la chaîne, pour les catalogues, des images stéréotypées auxquelles sa vie, y compris amoureuse, se met à ressembler. Jusqu’à ce que…

Oubliant les pandas, Céline redevient la jeune femme sérieuse et déterminée:

L’écriture est une passion, mais pas une injonction divine. Du coup, si je décide d’écrire, je dois le faire à fond.

On revient à la charge: comment cette fibre créative s’est-elle formée? Personne dans sa famille n’a jamais écrit. Ni son père, Sédunois passionné de vélo, ni sa mère infirmière, Eurasienne élevée en France. Mais ils sont grands lecteurs et amoureux de la langue, intransigeants sur le mot juste. Chaque soir, à tour de rôle, ils lisaient une histoire à la petite Céline; et dès qu’elle se mit à lire, sa mère lui demandait pourquoi elle aimait ou non chacun des livres qu’elle dévorait. «J’avais un budget illimité pour m’en acheter».

La lecture ne fait pas l’écrivaine, ce sont les succès scolaires qui poussèrent Céline à écrire des nouvelles, vers ses 15 ans, et à les présenter à des concours. «Très importants! La première instance de légitimation, par des gens qui ne me connaissaient pas du tout.» Mais, pour passer de quelques nouvelles primées au métier d’auteure, il faut bien une tape dans le dos? Non – l’idée était la sienne, c’est le soutien qui est venu de parents admirés pour leur largeur d’esprit. «Quand je suis sortie du collège en affirmant: Je veux faire une école d’écriture à Bienne, la seule de Suisse, et le diplôme ne mène à rien! Ils m’ont dit: Eh bien, vas-y! Et quand j’ai raté l’entrée à l’Institut littéraire de Bienne, ils m’ont soutenue pour aller à l’Université

Gallimard séduit

Ce sera Fribourg. Le bachelor en littérature et anthropologie sera suivi d’un master en écriture, à Berne. La combinaison idéale pour écrire «Sauver les meubles». En amont, une enquête sur le monde de la photographie de catalogue et une réflexion sur la vision factice de vie heureuse que le marketing détermine dans l’imaginaire des consommateurs; en aval, un travail acharné sur l’écriture. Pour Céline, tout est centré sur le style, et elle lit «en professionnelle» les romans des autres; pas seulement pour le plaisir mais pour voir comment c’est fait. Parmi ses préférés, Duras, Djian, Don DeLillo, Bret Easton Ellis, Faulkner. Elle cite Chuck Palahniuk («Fight Club») et surtout William Gibson («Le neuromancien») comme inspirateurs plutôt que modèles.

L’influence américaine s’est renforcée à 17 ans, grâce à un cours estival de langue. A l’Angleterre, elle préféra New York: l’école était située au 63e étage de l’Empire State Building! Au retour, elle écrivit, et fit imprimer à deux exemplaires, un livre, cadeau de Noël à ces parents toujours prêts à la soutenir. Ils la renvoyèrent à New York l’année suivante! Elle y est retournée depuis, en a ramené une nouvelle, «New York K.O.» (Paulette éditrice). Rencontré son compagnon, journaliste et conférencier spécialisé dans les arts numériques qu’elle vient de rejoindre à Lyon. Transpiré sur ce roman qu’elle présente comme travail de master. C’est alors qu’invité à faire partie du jury, un éditeur de Gallimard (inconnu d’elle), séduit, soumet le manuscrit à son comité de lecture. La suite est connue, et on attend maintenant… la suite de son œuvre.

Son actu: du 8 au 10 novembre, une tournée de rencontres dans trois des librairies indépendantes membres du nouveau collectif romand Littinéraire.

Ce qui la dope: passer des journées à regarder des films et à lire sous la couette.

Son don inattendu: «Le sport!» Le VTT, comme son père? «Mettez plutôt la marche.»

Sur sa shamelist: je n’ai pas réussi à lire plus de 30 pages de «Voyage au bout de la nuit» (mais je n’ai pas abandonné).

Son dernier fou rire: partager avec un ami écrivain les joies et les déboires de la rentrée littéraire.


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