Rentrée littéraire 2023: Les coups de cœur de la rédaction

Comme l’oiseau

C’est le chant des oiseaux qui accompagne le 31e roman d’Amélie Nothomb. Celui qu’elle entendait enfant au Japon, puis qui se tut lors de son arrivée en Chine. Un chant qui se module au fil des pages jusqu’à devenir une métaphore de son travail d’écriture, puisque l’auteure belge rêve de voler comme un oiseau. Et de parler avec les morts aussi, et avec son père en particulier. Une faculté qui caractérise les dieux «psychopompes» dans la mythologie grecque, accompagnateurs de l’âme des morts dans leur voyage. Un adjectif qu’elle marie à l’oiseau qu’elle rêve d’être, capable de relier les mondes invisibles, de communiquer avec les morts, et de s’élever par l’écriture comme elle le fait dans ce magnifique récit. [FR]

Psychopompe, Amélie Nothomb, Éd. Albin Michel

En mode Stranger Things

Enfant, on a déjà au moins eu peur une fois, seul, chez soi. Pour Arty, 11 ​ans, c’est plus compliqué. Il est persuadé que sa maison a essayé de l’étrangler. Paul, son père, a imaginé lui-même les plans de la bâtisse. Et si ça avait bouleversé l’ordre naturel? Sa mère, Catherine, est antiquaire, experte dans le nettoyage des vieux objets: se doute-t-elle de quelque chose? Avec l’aide de ses cassettes vidéo et de son amie Anna, Arty s’apprête à vivre l’aventure de sa vie. «On ne dit pas assez que ces épreuves sont nécessaires. Elles nous construisent, et les murs qui se dressent devant nous sont juste assez hauts pour que nous puissions les surmonter.» [AR]

La maison vénéneuse, Raphaël Zamochnikoff, Éd. Belfond

Futur dystopique

Après le succès de son roman La Saison des feux (adapté en minisérie par Reese Witherspoon et Kerry Washington), l’Américaine Celeste Ng donne sa vision d’un monde agenouillé devant un conservatisme extrémiste. Dans cette société aux lois liberticides, une famille étasunienne se bat pour pouvoir de nouveau «profiter de la vie», alors que les personnes étrangères et les livres qui appellent à la résistance, comme ceux de la mère poétesse de Bird, n’ont simplement plus leur place. Glaçant. [JM]

Nos cœurs disparus, Celeste Ng, Éd. Sonatine

Bouffées d’oxygène

À l’étroit dans le deux-pièces parisien où elle vit avec son amoureux, Souheila vivote. Pas de quoi se plaindre, sa vie est sur des rails et elle ne manque de rien. Ou plutôt si, elle manque de l’étincelle qui pourrait tout rehausser. Son oxygène, elle le trouve en allant se faire masser dans un salon thaï de son quartier, un peu par hasard. C’est sa bulle sans filtre, son moment d’évasion intérieure, son désir de disparition assouvi l’espace d’une heure hebdomadaire. Tout va bien jusqu’au jour où le salon de massage ferme subitement. La voilà prise malgré elle dans un imbroglio qui va bouleverser son existence… avec à la clé une rencontre aussi inattendue que magnétique. Sous la plume précise de Mazarine Pingeot, on se laisse embarquer dans cette aventure singulière avec délectation. [FR]

Le salon de massage, Mazarine Pingeot, Éd. Mialet Barrault

Émoji aubergine

Dans une société où la place du sexe et de la nourriture sont inversés, la moindre envie de croquer une pomme devient un acte inavouable. Les journées sont rythmées par le coït: le week-end on n’est donc pas invités chez des amis à dîner, mais à baiser. Laetitia, jeune trentenaire, éprouve de l’appétit. Un désir qu’elle ose difficilement avouer à son copain Bertrand. Les fringales deviennent plus fréquentes et les barres sustentives qu’elle déguste avec lui sont si insipides que, malgré sa peur et sa culpabilité, elle décide d’apprendre à cuisiner. Une fois par semaine, elle descend dans une cave clandestine pour émincer des oignons, faire sauter des courgettes ou tailler des aubergines. Une découverte de saveurs qui vont faire exploser ses papilles. Mais gare à la police des mets si les effluves d’huile d’olive sont trop forts! [BL]

Dès que sa bouche fut pleine, Juliette Oury, Éd. Flammarion

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Toxique est la nuit

Hazel traverse la vie à 1000 à l’heure, elle ne s’y attarde pas vraiment. Simplement, elle attend qu’elle passe. Cassé, cet oiseau nocturne aux yeux soulignés de noir enchaîne les coups d’un soir sans jamais envisager l’amour. Elle se noie dans l’ivresse de la nuit parisienne pour ne rien ressentir. La drague, une chorégraphie bien rodée qui consiste à attaquer froidement et broyer les hommes qui croisent son chemin. Jusqu’au jour où elle tombe sur Ian, son alter ego tout aussi brisé, qui la fait plonger dans une relation plus que toxique. Ça mènera Hazel aux confins de contrées insoupçonnées, ou quand le destin joue à la roulette russe. [BL]

Hazel, Sarah Koskievic, Éd. de la Martinière

Au galop dans le Lot

Maria Pourchet a fait la couverture du numéro de la rentrée littéraire de Télérama. Cette consécration par le journal prescripteur français est méritée. Western est incroyablement vif, les phrases galopent et cinglent dans tous les sens. Il ne s’agit par de cow-boys et de grandes chevauchées dans les plaines américaines, mais plutôt de la fuite d’un comédien qui se réfugie dans le Lot (on a connu mieux comme lieu d’évasion). [GS]

Western, Maria Pourchet, Éd. Stock

Syndrome de l’imposture inversé

Issue d’un milieu modeste, Nadia est vendeuse chez Zara malgré un diplôme universitaire. Elle rencontre Guillaume à la salle de sport, issu, lui, d’un milieu bourgeois qu’il méprise, cultivant une attitude de loser agaçante. Ébloui par l’intelligence de sa maîtresse autant que par sa plastique, il décide de réparer l’injustice d’une société basée sur la méritocratie. L’engrenage s’enclenche, avec une cascade de conséquences qui broient le glamour dans lequel ce roman avait pourtant commencé. [VF]

​Le Diplôme, Amaury Barthet, Éditions Albin Michel

Blessures de l’enfance

Après avoir reçu le Prix Médicis 2020 pour Le cœur synthétique, Chloé Delaume est de retour avec les mêmes personnages. Dans Pauvre folle, on reconnaît en l’héroïne Clotilde Mélisse le double littéraire de l’auteure, toutes deux partageant un passé brutal, celui d’une mère tuée sous leurs yeux (un féminicide). Le temps d’un trajet en train direction Heidelberg, la quinqua bipolaire dissèque son histoire d’amour à sens unique, donc impossible, avec cynisme et drôlerie. Et s’interroge: «Le féminisme radical est-il compatible avec une histoire d’amour hétérosexuelle?» [JM]

Pauvre folle, Chloé Delaume, Éd. Seuil

Panayotis sans filtre

Dans la jungle de la rentrée littéraire 2023 sort le récit autobiographique de l’humoriste français, débutant dans l’émission de Yann Barthès, Quotidien, et triomphant avec son stand-up Presque, disponible sur Netflix. Après avoir abordé dans son spectacle ses rendez-vous amoureux et ses souvenirs d’enfance, Panayotis Pascot lève le voile sur sa propre existence, avec des thèmes intimes tels que la relation avec son père, son homosexualité et la dépression. [JM]

La prochaine fois que tu mordras la poussière, Panayotis Pascot, Éd. Stock

Détabouiser la pilosité

Sarah Bourru, Aurore Pageot, Amandine Petit-Martin et Julie Hélénon ont fondé le collectif français Liberté, Pilosité, Sororité en 2018, dans le but de détabouiser la pilosité des corps féminins. Parce que l'intime est politique, les autrices - qui animent le compte Instagram @payetonpoil - militent pour offrir le choix à toutes de s'épiler ou non. Choix qui semble encore aujourd'hui orienté par le regard masculin, le manque de représentation des femmes poilues, ainsi que la société de consommation. Dans leur essai à paraître le 29 août 2023, les «exp-hair’tes» déconstruisent les mythes liés à la pilosité, abordent les injonctions à l'épilation et partagent leurs expériences personnelles et quelques conseils pour se regarder avec bienveillance, le tout d'un point de vue féministe, évidemment. [LI]

L'égalité à quelques poils près, du Collectif Liberté, Pilosité, Sororité, Éd. Leduc

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Plongée au cœur du Léman

Si Malatraix, son premier polar, nous emmenait sur les sentiers de montagne, Dormir en Peilz (vous avez la référence?), de l’écrivaine romande Emmanuelle Robert, nous tire cette fois vers les profondeurs du Léman. Problèmes rencontrés par une plongeuse en s’attaquant au record de profondeur dans le lac, disparition mystérieuse d’un notable sur son paddle au large de l’île de Peilz… et si quelqu’un cherchait à se venger? [JM]

Dormir en Peilz, Emmanuelle Robert, Éd. Slatkine

Belle sororité

Après Vladivostok et Sokcho, Elisa Shua Dusapin nous emmène dans le Périgord et raconte les retrouvailles entre deux sœurs. Agathe, qui écrit des scénarios aux États-Unis et Véra, aphasique depuis l’enfance, restée dans la maison familiale. La plus solide n’est pas celle qu’on pense. Véra, que sa sœur a laissée avec le père pour partir à New York, semble avoir avancé dans la vie alors que l’aînée est tournée vers le passé et se prend les pieds sur ses racines. La vieille bâtisse craque de partout, les sentiments entre les sœurs aussi. L’écrivaine confirme son talent pour déployer une écriture économe, qui caresse les personnages et les bruissements de la nature. [GS]

Le vieil incendie, Elisa Shua Dusapin, Éd. Zoé

Mère Courage

Albina supporte un mari qui boit, qui la frappe plus qu’il ne lui parle et des beaux-parents constamment sur son dos. Comment tient cette nani (maman en albanais)? Grâce à ses cinq enfants, la prunelle de ses yeux. Un jour, alors qu’elle se rend à la laverie, elle tombe sur l’annonce d’une vieille dame qui cherche une femme de ménage. La promesse de se soustraire à son insupportable quotidien raconté sans détour par la Bulloise Mélanie Richoz (un passage comporte la sensible thématique du suicide). [AR]

Nani, Mélanie Richoz, Éd. Slatkine

Kim de l’Horizon enfin en français!

Publié en allemand en janvier 2023, le livre de l’auteur suisse Kim de l’Horizon a reçu le prix du Livre allemand ainsi que le prix Suisse de littérature. Aujourd’hui enfin traduit en français sous le titre Hêtre pourpre, le roman brise les frontières narratives assignées généralement au genre. Une mention spéciale au travail de traduction, la langue française étant encore plus rétive que d’autres aux nouvelles forces d’innovation littéraire. Hêtre pourpre irrigue la joie, honore les femmes, la liberté. [GS]

Hêtre pourpre, Kim de l’Horizon, traduit par Rose Labourie, Éd. Laffont

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Louise Erdrich, la voix amérindienne

Chez Louise Erdrich, les fantômes se baladent en liberté et, souvent, nous prennent la main pour nous aider à avancer. Ici, un fantôme du nom de Flora hante la bibliothèque et obligera Tookie, une femme d’origine amérindienne dans la quarantaine, qui vient de sortir de prison, à retourner sur ses pas et à chasser ses propres démons. Ceux de l’Amérique seront plus tenaces et, très vite, dans la ville de Minneapolis, tout va partir en vrille. George Floyd meurt sous les coups, le monde est paralysé par une pandémie… Cette Sentence confirme l’exceptionnelle force littéraire d’Erdrich, Prix Pulitzer 2021. [GS]

La Sentence, Louise Erdrich, Éd. Albin Michel

Itinéraire d’une femme trans

Maria, jeune libraire portant un nom féminin depuis quelques années seulement, s’est libérée du corps offert à sa naissance. La transition n’a pas été facile, ni à New York ni en Pennsylvanie où elle est née. Elle décide sur un coup de tête, de partir dans le Grand Far West à la recherche d’elle-même. On sait depuis Brokeback Mountain ou le dernier film d’Almodóvar que l’Ouest américain peut être un horizon pour réaliser (ou non) ses rêves. Le roman d’Imogen Binnie est devenu culte aux États-Unis, il débarque au galop en français pour la rentrée littéraire. [GS]

Nevada, Imogen Binnie, Éd. Gallimard

Hernan Diaz, le Pulitzer 2023

Après Au loin, le romancier américain Hernan Diaz signe un second livre qui plonge dans l’Amérique des années 1920, puis des années 1930 pendant la Grande Dépression. On y croise Benjamin Rask, un génie de la finance, et Helen, son épouse éprise d’art. La fortune du couple grossit, se nourrissant du krach de 1929, alors que Helen sombre dans la folie. Ce résumé ne rend pas compte de l’incroyable force littéraire du roman. Métaphore étourdissante des errances de l’Amérique et du capitalisme carnivore, Hernan Diaz désarçonne en permanence, les voix qui racontent la même tragique histoire jaillissent de toutes parts. Les personnages féminins sont magnifiés, Diaz donnant corps et vie à celles qui furent réduites à des rôles d’épouse ou de secrétaire. [GS]

Trust, Hernan Diaz, Éd. de l’Olivier

Des histoires plutôt que la mort

Six mois après avoir été poignardé aux États-Unis, l’écrivain britannique Salman Rushdie publie un nouveau roman, Victory City, qui raconte l’histoire d’une femme au XIVe siècle qui va ériger un empire, subir l’exil et les menaces dans un monde patriarcal. Il s’inspire d’un récit épique indien autour de la figure de Pampa Kampana, qui créa une ville utopique où règnait la tolérance, Bisnaga, et assistera à sa destruction. Le roman est désormais traduit en français. La publication de La cité de la victoire de Salman Rushdie montre que raconter des histoires peut triompher de la mort. [GS]

La cité de la victoire, Salman Rushdie, Éd. Actes Sud

Adorée sur Booktok

Après Good Girl Complex, l'autrice canadienne revient avec une nouvelle romance pour jeunes adultes à paraître le 11 octobre 2023 en français. Adorée sur Booktok avec ses protagonistes fortes et ses héros sexy aux airs de mâle alpha, Elle Kennedy nous plonge à nouveau dans la ville portuaire d'Avalon Bay, pour suivre cette fois-ci l'histoire d'Evan et de Gen. Lorsqu'ils étaient en couple, les deux exs partageaient une passion destructrice et toxique. Mais maintenant qu'ils ont grandi, et que Gen revient enfin dans sa région natale, comment se dérouleront leurs retrouvailles? L'héroïne veut se poser, et malgré son attirance physique pour Evan, il n'est toujours pas un partenaire idéal. Si vous aimez les comédies romantiques distrayantes, les scènes un peu hot et les récits de seconde chance, ce roman est fait pour vous! [LI]

Bad Girl Reputation, Elle Kennedy, Éd. Hugo Roman