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Rencontre avec Eileen Hofer, singulière romanesque tout-terrain

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«Elle [Audrey Hepburn] acceptait son âge. C’était une des premières remarques que je m’étais faite. Je la trouvais belle à mourir en étant comme elle est. Elle dégageait énormément d’empathie.»

© MICHELE BLOCH STUCKENS

Eileen Hofer est une aventurière. Une vraie. De celles qui ont mille et une vies et fuient le ronron d’une zone de confort. De celles que l’on retrouve toujours là où on ne s’y attend pas. Eileen Hofer sort aujourd’hui la biographie en bande dessinée (ou roman graphique) Audrey Hepburn (Éd. Michel Lafon) illustrée par Christopher et basée sur la vie de la plus suisse des stars du Hollywood d’après-guerre. L'exposition «Audrey Hepburn, une vie en bande dessinée» est également présentée du 1er juillet au 3 septembre 2023 au Musée Bolle de Morges.

Une femme qui scénarise la vie d’une autre, on commence par chercher les similarités, forcément. Dans le cas présent, il en existe. Même plus qu’on ne pourrait l’imaginer. Pour commencer, à l’instar de l’iconique interprète de Breakfast at Tiffany’s, la Genevoise d’origine turco-libanaise par sa mère et suisse par son père a l’âme tout-terrain. Elle propose que l’on se retrouve au Cottage, le café-restaurant avec vue sur le monument Brunswick, le mausolée situé au Jardin des Alpes, face au lac. Avec Eileen, rien n’est le fruit du hasard, l’édifice est l’une des étapes de ses visites olfactives de la Cité de Calvin. «Ne pouvant plus voyager en tant que journaliste, j’ai suivi une formation universitaire à la Faculté des lettres pour devenir guide», déclare celle qui ajoutait une corde à son arc pendant le Covid. Guide certifiée du patrimoine et de la culture, elle offre ces visites aux personnes défavorisées, malades et aux réfugiés avant de les ouvrir au grand public. «Il était important pour moi de leur offrir un moment sympa lors duquel on se retrouve avec quelques personnes.»

© MICHEL LAFON

Une renaissance

On ne sait pas grand-chose de ce mystérieux Monsieur Brunswick, très à cheval sur son image et bling-bling avant l’heure. C’est l’odeur de poudre de riz qu’il utilisait pour ses perruques qui nous amène ici. L’histoire est romanesque, comme celles qu’Eileen Hofer aime transmettre. L’existence de cette virtuose du rebondissement n’est pas moins fantasmagorique. Sa vie personnelle bascule le 1er juin 2020. Ce jour-là, en randonnée sur le sentier des falaises de Saint-Jean à Genève, elle glisse sur la terre friable de l’ancien glacier et fait une chute d’environ 10 mètres. Elle survole un rocher de plus de quatre mètres de haut. Sauvée par une liane autour de laquelle s’enroule son pied, elle atterrit sur la rive grâce à ce lien de fortune qui lui évite de tomber dans l’eau un peu plus loin. Les pompiers qui la secourent assurent qu’elle est une miraculée.

«Je suis tombée comme une marionnette désarticulée. Je me suis cassé le poignet, le genou, les côtes. Je ne pouvais plus bouger la tête. J’ai vécu une expérience de mort imminente», déclare-t-elle. S’ensuivent trois mois alitée puis un an de rééducation durant lequel elle doit tout réapprendre, à commencer par marcher. Un comble pour cette reporter née. Qu’à cela ne tienne. Tomber sept fois, se relever huit: le proverbe japonais semble avoir été écrit pour elle. Sa chute, elle la considère aujourd’hui comme une renaissance.

«Mon accident n’est pas arrivé par hasard. Je tirais sur la corde depuis huit ans et il fallait que j’apprenne à éviter l’entourage toxique, observe-t-elle. Avant, mes amis s’inquiétaient: "Mais, tu ne comprends pas les alertes?" Mon corps se cassait dans tous les sens, j’étais accidentée quatre mois par an. J’ai des cicatrices partout et j’ai dans ma cave deux paires de béquilles, une attelle, une minerve. D’ailleurs, j’ai toujours dit que j’allais faire un guide du routard des hôpitaux des pays dans lesquels j’ai voyagé!» confesse-t-elle dans un éclat de rire.

«L’intuition plus affûtée qu’auparavant, je ressens vraiment un avant et un après mon accident, je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie.»
© DR

«Je la trouvais belle à mourir»

À la fin de sa convalescence, elle cherche une activité à faire avec des amis à Morges et découvre qu’Audrey Hepburn avait vécu à Tolochenaz. Ne connaissant pas grand-chose de l’actrice anglaise muse de Givenchy à ses heures perdues, elle se dit pourquoi pas. Au même instant, une connaissance la contacte: «Écoute, tu ne le sais peut-être pas, mon mari Christopher est auteur de bande dessinée. Parmi ses projets actuels, il a l’envie de faire une bande dessinée sur Audrey Hepburn et j’ai pensé à toi pour le scénario.» Entre l’exploratrice aux mille et une facettes et la plus glamour des ambassadrices de l’Unicef, la connexion est faite.

Tout comme l’actrice anglaise, Eileen Hofer aime fouler du pied les régions du monde en quête d’humanité et de vérité. «Enfant, je me rappelle avoir vu cette dame très élégante, âgée, ridée, très fluette, qui tenait des enfants épuisés en Somalie ou au Soudan, se souvient Eileen. Ma mère m’avait raconté qu’Audrey Hepburn était une grande actrice très connue. Je la trouvais incroyable. Déjà, elle acceptait son âge. C’était une des premières remarques que je m’étais faite. Je la trouvais belle à mourir en étant comme elle est. Elle dégageait énormément d’empathie. Sa fibre sociale me touchait.»

Des aléas de reporter aux pages cocktails

Comme la star, la Genevoise est empathique et n’est pas programmée pour la mesquinerie. Tel un ange bienveillant, Audrey Hepburn et son âme accompagnent Eileen Hofer pendant qu’elle écrit le scénario de la biographie durant son rétablissement. Les signes ne trompent pas. Héritier de l’élégance et de la générosité d’Audrey Hepburn, Luca Dotti, le fils cadet de l’actrice, accepte de dévoiler quelques anecdotes sur son illustre maman. Certaines figurent dans le livre, d’autres pas. Il relate la stupeur des habitants de Tolochenaz lorsque, au moment d’emménager à la Paisible, ils ont vu la star débarquer assise avec les camionneurs plutôt qu’en limousine.

«C’était une femme de terrain qui en même temps était super glamour», résume l’autrice.

Une posture qui, une fois encore, fait écho à ses propres aventures. Autant à l’aise en reportage à Salvador de Bahia au Brésil qu’en tournage en Azerbaïdjan ou en Turquie – où réside bon nombre de sa famille maternelle – que sur les tapis rouges, l’ancienne rédactrice des pages cocktails du Matin Dimanche peut toujours compter sur son système D pour tirer le meilleur parti de chaque situation. «Quand j’étais en charge des pages mondaines, je faisais mes boulots de cinéaste habillée avec ma veste militaire la journée et je me changeais durant le trajet qui sépare Lausanne de Genève dans les toilettes du train, se remémore celle qui refuse de s’enfermer dans une case. Je mettais mes lentilles, je me maquillais, j’enfilais ma longue robe en boule sous ma veste, j’enfourchais mon vélo que je déposais devant les palaces genevois, je remettais tout en place, prête à m’immerger dans l’ambiance chic!»

Invitée sur une île privatisée avec sa casquette de cinéaste à la Mostra de Venise en 2017, elle constate à son arrivée à l’aéroport que sa valise manque à l’appel. En cinquante minutes chrono, elle dévalise les boutiques dans le dédale des rues autour de la piazza San Marco. Je disais à l’autre femme dans la même situation que moi: «Pensons à Coco Chanel, elle a toujours dit: une robe noire. Misons sur la simplicité efficace!» On a fini par trouver une robe avec une paire de chaussures. Puis on a juste eu le temps de rentrer dans la chambre d’hôtel pour se changer. J’ai utilisé du cirage à chaussures pour maquiller mes cils avant la montée des marches. On a tellement rigolé!»

Bio express

1976 Naissance à Zurich

2002 Voyage en Afghanistan et premier documentaire présenté au Festival du film de Locarno, 5 to Five Kabul City

2012 He was a Giant with brown eyes, premier long métrage tourné en Azerbaïdjan et présenté en première mondiale à Rotterdam

2021 Première bande dessinée, Alicia, prima ballerina assoluta, parue aux éditions Rue de Sèvres avec Mayalen Goust​

2022 Visites guidées olfactives dans Genève

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