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Le TDAH est de plus en plus diagnostiqué chez les femmes

Le TDAH est de plus en plus diagnostiqué chez les femmes

«Sur les réseaux sociaux, j'ai par hasard entendu parler du TDAH. En lisant les symptômes, je me suis dit: mais c'est moi, ça! On y parlait de grandes difficultés à se concentrer sur une tâche, de grande anxiété, d'impulsivité...» - Rebecca, 32 ans.

© GETTY IMAGES/MALTE MUELLER

«Je savais que je souffrais de problèmes d'attention depuis l'enfance. En classe, mes profs me disaient que j'avais des capacités, pourtant j'ai toujours été une élève moyenne, je n'arrivais pas à être assez réceptive durant les cours ni à me concentrer suffisamment pour bien réviser avant un examen.»

À force de s'accrocher, Rebecca, Fribourgeoise de 32 ans aujourd'hui, a heureusement réussi à aller jusqu'au bout de sa scolarité et à boucler un apprentissage, avec, à la clef, un job qui lui plaît beaucoup. Mais le hic, c'est que ses soucis d'inattention l'ont poursuivie jusqu'à l'âge adulte.

«Un jour, j'ai pris conscience que j'oubliais très souvent les choses que j'avais prévues d'emmener avec moi en partant de la maison. Un repas préparé pour la pause de midi, un cadeau pour un anniversaire, ma liste de courses pourtant posée devant moi sur la table...»

«J'avais aussi souvent des retards dans mes paiements parce que je perdais les factures à régler.» Tous ces micro-incidents faisaient partie du quotidien de Rebecca et passaient inaperçus jusqu'à ce que ces oublis à répétition finissent par l'agacer. «Sur les réseaux sociaux, j'ai par hasard entendu parler du Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité, le TDAH. En lisant les symptômes, je me suis dit: mais c'est moi, ça! On y parlait de grandes difficultés à se concentrer sur une tâche, de phobies, de grande anxiété, d'impulsivité, de tendance à se lasser facilement des choses... Je cochais vraiment toutes les cases.»

Un trouble au sens médical

Au bout d'une période de réflexion, Rebecca a osé parler de sa situation à sa médecin généraliste, qui l'a prise au sérieux et l'a dirigée vers un psychiatre. Bingo: à l'issue d'une phase de tests, elle est enfin ressortie avec une réponse: oui, elle était bien atteinte de TDAH. «Cela a radicalement changé ma façon de voir les choses, au lieu de culpabiliser tout le temps et de me dire que j'étais faible ou stupide, je pouvais interpréter mes comportements à la lumière de ce que je savais de ce trouble. J'en ai parlé à mon partenaire, à mes ami-e-s et au travail pour qu'ils et elles comprennent mieux certaines choses dans ma manière d'être. Mon chef, par exemple, a été très compréhensif et m'a proposé des aménagements dans mes tâches.»

Aussi étonnante qu'elle puisse paraître, l'expérience de Rebecca est loin d'être isolée. Car le TDAH, s'il se manifeste dès l'enfance, est de plus en plus souvent diagnostiqué à l'âge adulte, davantage chez les femmes que chez les hommes. «Il s'agit d'un trouble défini par un syndrome, avec plusieurs signes et symptômes pouvant s'exprimer en même temps», éclaire Kerstin Jessica von Plessen, professeure en psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent-e au CHUV.

«C'est bien un trouble reconnu au sens médical du terme, avec un spectre à trois dimensions: l'inattention, l'hyperactivité et l'impulsivité. Souvent, c'est au moment de l'arrivée à l'école que le TDAH est détecté, car les tâches académiques exigent une capacité d’attention et de concentration plus élevée.»

Du moins, chez les garçons. «Durant l'enfance, on enregistre entre trois et quatre fois plus de diagnostics chez les garçons que chez les filles, pointe la professeure du CHUV. Au niveau mondial, environ 5% des enfants et adolescent-e-s sont concerné-e-s, mais seulement une petite fraction est repérée avec un TDAH.»

Plus discret chez les filles

Une différence entre les genres qui a une explication scientifique: ce trouble se manifeste très souvent par de l'hyperactivité et de l'impulsivité chez les garçons, des comportements qui se font vite remarquer lorsqu'il faut rester calme et se concentrer en classe. En revanche, chez les filles, les symptômes se limitent fréquemment à de l'inattention, beaucoup plus difficile à détecter par les autres.

«C'est en effet une forme moins flagrante, d'autant plus que culturellement, les jeunes filles sont plus incitées à se tenir à carreau et à ne pas avoir de comportements sociaux problématiques, relève Daniela Brustolin, présidente de l'ASPEDAH, l'Association Suisse romande de Parents et d'Adultes concerné-e-s par le Trouble du Déficit d'Attention/Hyperactivité. De ce fait, elles tendent à compenser pour essayer de maîtriser elles-mêmes leurs symptômes.»

«Mais ces efforts se font au prix d'une énergie cognitive énorme, et au fil des années, ils finissent par entraîner de plus grands risques de souffrir de crises d'angoisse, de troubles du sommeil ou de troubles du comportement alimentaire, de burn out, de dépression, parce que le TDAH n'est pas traité.»

Découverte fortuite

C'est d'ailleurs souvent lors de ce genre d'épisodes que les femmes, devenues adultes, se mettent à se poser des questions sur les raisons de leurs maux. «Beaucoup parviennent à compenser jusqu'à ce qu'elles commencent un emploi et aient une vie de famille, mais avec les attentes sociales croissantes, les agendas complexes, tout devient plus difficile au quotidien, souligne Daniela Brustolin. Ainsi, l'enjeu est de détecter le TDAH le plus rapidement possible.»

Une démarche autrefois compliquée puisqu'on pensait que ce trouble s'éteignait progressivement avec l'adolescence. «Or on sait désormais que le TDAH peut persister à l'âge adulte, même si parfois les symptômes s'estompent ou disparaissent, indique la présidente de l'ASPEDAH. 4% des personnes concernées vont garder ces problèmes pendant toute leur vie.» La médiatisation croissante de ce trouble, en particulier son existence chez les adultes, a également permis de mieux le repérer. «On compte davantage de moyens de découvrir cela par soi-même», confirme Kerstin Jessica von Plessen.

Un trouble à ne pas négliger

Dans l'univers des réseaux sociaux par exemple, plusieurs plateformes sont consacrées à l'information sur le TDAH, comme le compte @la_mini_coach_tdah sur Instagram, qui publie des informations sur ce trouble, prodigue des conseils et raconte le quotidien de personnes vivant avec ces symptômes. On constate d'ailleurs depuis plusieurs années «une recrudescence des demandes d'information de la part de la gent féminine, confirme Daniela Brustolin. Beaucoup sont déjà en emploi, mères de famille, elles traversent des situations difficiles où elles se sentent désorganisées, épuisées... Il y a beaucoup de personnes en quête de diagnostic.»

Mais ces démarches en valent la peine.

«Savoir repérer le TDAH est important, car il est possible de le soigner et de soulager la vie des gens qui en souffrent», note la professeure du CHUV.

«Les réponses vont des stratégies à appliquer dans son quotidien, des conseils pour les proches sur l'attitude à adopter, jusqu'à un traitement médicamenteux dans un deuxième temps si le patient ou la patiente est très perturbée par ses symptômes. Plus on le détecte tôt, mieux c'est, car on diminue alors les risques de problèmes académiques et de troubles anxieux ou dépressifs.»

Ce qui n'est pas toujours aisé dans la pratique. Si le TDAH a fait l'objet de campagnes d'information massives en Scandinavie ou dans les pays anglophones, ce n'est pas toujours le cas en Suisse et en France. «On voit encore beaucoup de cas où des femmes adultes sont soignées pour des burn out et des dépressions sans qu'on se soit demandé s'il ne s'agissait pas de troubles associés découlant d'un TDAH, témoigne Daniela Brustolin. Dans certains cas, les médecins généralistes vont traiter ces troubles en eux-mêmes sans soupçonner une telle cause et le TDAH va rester caché.»

Des coûts qui peuvent freiner

Mais même lorsqu'une démarche de détection est proposée, c'est parfois celle-ci qui peut poser problème chez les adultes. En cause? Son coût élevé.

«Le diagnostic est essentiellement clinique et se déroule en général en plusieurs consultations chez un pédiatre ou un psychiatre sachant mener ces tests», décrit la présidente de l'ASPEDAH.

«Les coûts sont donc pris en charge par la LAMAL, mais on voit cependant nombre de jeunes adultes avec des franchises très élevées. Face à une démarche dont les tarifs peuvent atteindre plusieurs milliers de francs, beaucoup préfèrent reporter cela à plus tard.»

En outre, il y a parfois besoin de mener des tests dans un cabinet de psychologue, et là encore, l'ordonnance peut en partie être prise en charge par l'assurance, notamment la complémentaire. «Quoi qu'il en soit, mieux vaut ne pas se précipiter de son propre chef chez un-e psychologue pour demander un diagnostic, l'idéal est de passer d'abord par son médecin généraliste», conseille Daniela Brustolin.

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