Femina Logo

psycho

Comment les petites vengeances renforcent le couple

Comment les petites vengeances renforcent le couple

À quoi ressemble une petite vengeance? «Parfois il ne s’agit même pas de planquer les clés de voiture, mais de les mettre à un endroit qui est le bon mais pas souvent utilisé par exemple», répond le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

© GETTY IMAGES/TIM ROBBERTS

Oublier de mettre la bière au frais. Semer la pagaille dans les DVD en échangeant les boîtiers. Déplacer les clés de la voiture. Tirer l’eau chaude à la cuisine pendant que l’autre prend sa douche. Ces taquineries du quotidien, il faut l’admettre, font parfois du bien. Elles ont le mérite de faire sourire intérieurement leurs auteur-e-s, et ce d’autant plus s’ils et elles jouent les innocent-e-s. Pour le sociologue Jean-Claude Kaufmann, ces «petites vengeances» comme il les appelle dans son nouveau livre Petites vengeances ou les trahisons positives dans le couple (Éd. de L’Observatoire), ont même «le pouvoir quasiment magique de consolider le couple». Après avoir mené l’enquête au cœur des ménages et recueilli de nombreux témoignages, il répond à nos questions pour trouver le bon dosage dans la trahison positive.

FEMINA Qu’est-ce que vous entendez par «petite vengeance»?
Jean-Claude Kaufmann Au sein du couple, la petite vengeance est un rééquilibrage personnel. C’est une méthode individuelle pour améliorer le fonctionnement conjugal en inversant les sensations: de négatives, elles deviennent positives et font descendre les tours quand il y a agacements ou insatisfactions.

C’est-à-dire?
Dans un couple, on n’arrête pas de compter les mauvais points et c’est normal, c’est structurel car lorsqu’on s’engage à deux, on fait une croix sur une partie de sa liberté individuelle. Parfois, ces mauvais points sont effacés par de bons moments. Mais parfois ils s’accumulent et là il faut traiter cette accumulation. On peut le faire en ouvrant la discussion, mais ce n’est pas toujours simple si on est énervé et ça peut augmenter un conflit qui à la base était limité.

On peut choisir de s’offrir des respirations, en changeant simplement de pièce, en sortant un moment ou en entrant dans une petite bouderie non agressive qui ne dure pas des jours. Quant à la petite vengeance bien maîtrisée dont je parle dans le livre, d’une manière un peu magique, elle efface toute la sensation négative.

En quoi est-elle magique?
Ce qui m’a frappé, c’est quand c’est plus fort que soi et qu’il y a un fou rire qui échappe. Comme pour cette femme qui me racontait que lorsqu’elle commence à bouillonner à l’intérieur, elle ouvre le robinet à la cuisine pendant que l’autre prend sa douche: dès qu’elle entend le cri dans la salle de bain, elle éclate de rire, ça lui fait du bien et elle est totalement libérée des agacements qui auraient pu miner la relation.

Les sensations sont inversées. Ça fonctionne à l’intérieur de soi et en ce sens la petite vengeance a quelque chose de magique.

Elle doit d’ailleurs rester secrète pour fonctionner, comme vous le soulignez?
C’est là que c’est très paradoxal: il faut que ça soit maîtrisé, sophistiqué voire un petit peu sournois d’une certaine manière mais très secret pour que les vertus soient positives et pour qu’on effectue ce rééquilibrage psychologique intérieur.

Lorsque la vengeance est plus ouverte, son aspect positif disparaît et c’est plus problématique, on tombe vite dans les petites guéguerres habituelles.

Parfois ça dérape, lorsqu’on prolonge la durée de «l'agression» ou lorsqu’on le fait carrément pour que l’autre voit qu’on n’est pas content et là on lance un message en ouvrant une petite scène de conflictualités.

Où est la limite au dérapage justement, si on prend l’exemple des clés que l’on planque?
Ça dépend comment c’est fait. Parfois il ne s’agit même pas de planquer les clés de voiture, mais de les mettre à un endroit qui est le bon mais pas souvent utilisé par exemple. Si la clé est mise dans un endroit qui est tout à fait légitime, l’autre n’a rien à dire et il ne s’en méfie même pas.

On peut aider à la recherche tout en regardant l’heure, ça peut durer une minute, on le voit juste un petit peu s’agiter et ça suffit pour faire du bien.

Par contre si on prolonge la chose, qu’on fait durer ça cinq minutes et qu’il va être en retard au travail, on pousse tellement qu’il finit par comprendre qu’on a fait exprès de cacher la clé pour qu’il soit en retard, ça ne reste plus secret et on rentre dans quelque chose qui est complètement différent.

Maîtrisée, en quoi cette vengeance renforce-elle le couple?
Elle est vraiment pour faire le bien. On veut même absolument éviter le conflit, qu’il y ait la petite pincée de douleur et d’agacement chez l’autre pour que soi-même on se sente bien et du coup très disponible pour le partenaire.

C’est le mécanisme qui a été mis au point, ça renforce quand ça marche bien, alors qu’on était prêt à en découdre ou à être bougon. Là, en quelques minutes, on arrive à complètement effacer ce qui n’allait pas à l’intérieur.

D’ailleurs si on en fait un tout petit peu trop on se sent honteux, coupable, et du coup on va presque être dans le rachat.

Parler de vengeance, est-ce que ce n’est pas un peu fort?
C’est vrai que j’ai hésité à utiliser le mot vengeance pour le titre du livre car les gens me disaient qu’ils n’étaient pas là pour se faire la guerre. Dans l’imaginaire, c’est effectivement quelque chose de violent. Mais en creusant un peu, les personnes qui ont témoigné reconnaissaient elles-mêmes qu’en fait, même si c’était «juste pour rire», ça restait des «petites» vengeances. Il faut une pincée de micro haine une fraction de seconde pour que ça marche.


Vous avez aimé ce contenu? Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir tous nos nouveaux articles!

Fabienne vous suggère de lire aussi:

Podcasts

Dans vos écouteurs

Tout va bien E99: Comment réaliser un «reset» émotionnel avant l'été

Dans vos écouteurs

Tout va bien (le matin): Comment chasser l'anxiété dès le réveil

Notre Mission

Un concentré de coups de cœur, d'actualités féminines et d'idées inspirantes pour accompagner et informer les Romandes au quotidien.

Icon Newsletter

Newsletter

Vous êtes à un clic de recevoir nos sélections d'articles Femina

Merci de votre inscription

Ups, l'inscription n'a pas fonctionné