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Audrey, Marine, Anouk, Letizia, Suzanne, Virginie, Fanny… Elles ont été des dizaines et des dizaines à répondre à notre appel à témoin: «Recherche fans de marche», posté sur Facebook. Mis à part celui lancé un jour aux admiratrices de Ryan Gosling, on n’a pas fait mieux. Et les chiffres le prouvent: nous sommes de plus en plus nombreuses à nous adonner à cette activité physique. Selon des statistiques établies par Sport Suisse, la randonnée est la discipline la plus en vogue dans notre pays (44% de la population active s’y est mise), et de nouveaux adeptes enrichissent chaque année les rangs: + 6,9% entre 2008 et 2014.

Un rush de filles dévoreuses de sentiers, phénomène facilement explicable pour Fabien Ohl, sociologue du sport à l’Université de Lausanne: «En règle générale, plus une activité est compétitive, moins elle est pratiquée par les femmes, note-t-il. Les affrontements et les records sont plus valorisés dans la socialisation des jeunes hommes, tandis que les femmes sont plus orientées vers des activités d’attention au corps, d’expression, de quête de bien-être et de santé. C’est stéréotypé, mais le sport est une pratique culturelle très genrée!» #queenofthemountains

Happy thérapie

Alors, que recherchent-elles sur les cimes? «C’est ma manière de me vider la tête, avance Virginie, 29 ans, gérante d’immeubles à Yvonand. Je déconnecte totalement, ces précieux moments me permettent de m’échapper.» Fanny, mécanicienne de 40 ans à Delémont, évoque «cet effort qui me fait sentir mieux dans mon corps, mieux dans ma tête. Dans ces instants de calme, sans pression aucune, je n’ai rien à prouver: je marche juste pour avoir du plaisir.» Happy thérapie = nature + marche à pied, l’équation qui manquait à notre routine bien-être? «Sans aucun doute, affirme Corinne Bezençon, accompagnatrice de montagne basée à Leysin. Marcher, c’est prendre un immense bol d’air, se ressourcer. Tous nos sens sont en alerte et cet exercice nous procure un véritable sentiment de liberté.»

Mais gare au vocabulaire: on ne parle plus de marche ou de vulgaire rando à l’ère du 3.0. «Les jeunes adeptes utilisent plutôt le terme «hiking», nous reprend Fabien Ohl. C’est une façon de redéfinir symboliquement une activité en ne la limitant pas à sa version identitaire et historique des clubs alpins.» La preuve: même sur Instagram, elle est jugée cool, le hashtag #hiking dépassant les 13 millions de publications. «Ces nouveaux marcheurs ne sont pas nécessairement à la recherche de performance, note Randonneurs 20-40, un groupe vaudois ayant pour but d’encourager les jeunes adultes à pratiquer la marche. C’est le côté fun qui les attire avec la peau de phoque, le trek, les séjours atypiques ainsi que le besoin de se reconnecter à la nature, et, souvent, de passer un bon moment entre amis.»

Des pas qui soignent

Fun… Voire même cathartique. Car derrière la quête du silence apaisant il y a aussi la découverte d’un remède aux petits démons qui nous hantent et peuplent notre monde contemporain. «C’est ma manière à moi de ne pas me faire engloutir par le rythme effréné du quotidien, note Anouk. En marchant, je prends du temps pour moi.» Même son de cloche du côté d’Audrey, sommelière chaux-de-fonnière de 33 ans, ancienne accro au fitness, qui a lâché les salles de gym pour le grand air. Sans aucun regret: «Sur le mental, cela fait une énorme différence. Sentir les éléments, le vent sur mon visage…» Suzanne, quant à elle, a débuté la randonnée durant une période difficile de sa vie. Cette enseignante vaudoise de 39 ans explique éprouver un besoin vital de ralentir, de prendre le temps de se reconnecter à elle-même. «Marcher, c’est un médicament gratuit contre le stress! Lorsque je suis seule, j’entre en communion avec la nature, cela en devient presque méditatif.» Randonner, une nouvelle façon de se soigner? C’est, semble-t-il, vrai depuis plus de 2000 ans: «La marche est le meilleur remède pour l’homme», affirmait alors Hippocrate…

On l’a compris, l’activité s’inscrit désormais dans une démarche slowlife. On prend le temps, on savoure ces instants passés en pleine nature, on reconstruit son mental pas à pas… D’ailleurs, les sommets sont en pleine mue, histoire de s’adapter à cette nouvelle philosophie. Comme les cabanes: «Il y a toujours davantage de personnes qui aiment la rando mais qui ne veulent pas dormir dans des dortoirs de 30-40 lits sans douche disponible, explique Valérie Chételat, accompagnatrice en montagne basée à Bienne. On trouve désormais des chambres bien plus petites, voire des lits doubles. Les jeunes veulent davantage de confort, c’est un marché qui se développe très fortement.» Lassé de la rando roots, on n’hésite plus à upgrader son expérience, quitte à faire un petit écart à sa détox digitale au passage. «Les cabanes ressemblent de plus en plus à des hôtels, note Patricia Joris, accompagnatrice à Orsières. On me demande souvent s’il y aura du wi-fi sur place!»


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Les hébergements ne sont pas les seuls à avoir senti le vent tourner: les équipementiers vont dans le même sens. «L’aspect esthétique est devenu capital, explique Pierrick Dentan, gérant des magasins Yosemite. Les vêtements ont aujourd’hui des coupes féminines, ils sont colorés et agréables à porter. On est très loin des chemises à carreaux et des pantalons trois-quarts! Le développement du matériel a énormément contribué à favoriser ce nouvel engouement féminin pour la randonnée.» Rei, légendaire marque américaine, réédite ainsi ses iconiques chaussures de marche portées par Reese Witherspoon dans «Wild». Au rayon luxe, la créatrice Tabitha Simmons a, elle, suivi le trend en présentant des tenues de rando lors de la Fashion Week automne-hiver 2016-2017.

Marques en altitude

Et si ces vêtements et accessoires s’arrachent, c’est aussi parce que la marche en elle-même est devenue un produit marketing. «Il y a de plus en plus de randos à thème, de longs circuits, et le trekking à l’étranger a pris un essor colossal, note Mireille Chaperon, membre de l’Association suisse des accompagnateurs en montagne. Randonner en soi n’est pas forcément plus à la mode, mais le produit l’est devenu. On ne dit plus j’ai marché durant 2 jours ce week-end mais j’ai fait le tour des Dents-du-Midi.» Autre aspect non négligeable pour le néophyte: vadrouiller à pied ne coûte (presque) rien. Sans oublier que «l’offre de chemins en Suisse est aujourd’hui exceptionnelle, très dense et bien balisée, avance Fabien Ohl. Ces propositions diversifiées et de qualité incitent à la pratique, d’autant plus qu’il y a un effet lié à l’usage de la marche comme l’un des symboles de la culture helvétique.»

Un pas après l’autre, préservons cet héritage. Lors d’un trek à La Réunion ou d’une montée au Chasseral ce dimanche, peu importe: ce sera le coup de pouce qui nous manquait pour affronter la rentrée le sourire aux lèvres, le pied et l’esprit légers. Cap?

4 accros au hiking témoignent

«Rencontrer des fous dans mon genre»

Mélusine, 35 ans, vétérinaire à Saint-Imier (BE)

«Lors d’une marche de deux semaines au Népal, un compagnon de rando m’a confié: «Les amis qu’on se fait pendant un trek restent des amis pour la vie.» Et c’est tellement vrai: c’était en 2012 et nous sommes toujours en contact! J’adore marcher pour rencontrer des fous dans mon genre. Car dans mon entourage peu de gens aiment passer leurs vacances à randonner et à dormir dans des conditions sommaires. De mes voyages en Asie, en Ecosse ou à Majorque, je garde un amour inconditionnel pour les rencontres avec de nouvelles personnes qui partagent les mêmes valeurs que moi, qui trouvent leur bonheur dans les choses toutes simples. Et qui se contentent du minimum, dans une société nous poussant à posséder et consommer toujours plus.»

«Marcher donne une autre dimension à la vie»

My favorite mornings...#fire#girlsnightout#wildlife#bewild#daughterandthaïsister#lakeview#happylifestyle#

Une photo publiée par Sarah Macdonald (@sarah_yogamac) le

Sarah, 36 ans, professeure de yoga, Yogamac à Bulle et Lausanne

«J’ai toujours aimé être dans la nature, mais plutôt de façon très active: pendant longtemps, j’ai considéré la marche comme étant trop lente, presque ennuyeuse. Lorsque j’ai eu des enfants, j’ai dû troquer quelques-unes de mes courses contre des randonnées. J’ai commencé à apprécier cet autre rythme qui venait toucher quelque chose de plus profond et méditatif en moi. Marcher donne une autre dimension à la vie: partir une journée offre le sentiment de s’en être allé durant plusieurs jours. Les paysages défilent et ne se ressemblent pas, gentiment l’esprit s’apaise, le corps se fatigue et laisse une sensation d’évasion, de plénitude, de légèreté. Lors d’une marche, il y a toujours un moment où je m’arrête pour contempler le paysage. Une immense gratitude m’envahit à chaque fois. La nature me ressource dans toutes les couches de mon corps.»

«Un paysage est 1000 fois plus beau lorsqu’on l’a mérité»

Marine, 29 ans, journaliste à Genève

«Marcher est synonyme de sérénité. J’aime avancer seule, être dans ma bulle, profiter du monde qui m’entoure, ne penser à rien d’autre et relativiser sur les «soucis» du quotidien. Je suis alors tributaire de la nature, c’est elle la reine. Et étonnamment, j’aime aussi la souffrance du trek: la fatigue, l’effort, la pluie, le froid. Mon trek le plus difficile, réalisé l’année dernière sur 8 jours en Patagonie, est aussi mon souvenir le plus fort. J’aime l’intensité des sensations que ce sport apporte. Et à mon sens, un paysage est 1000 fois plus beau lorsqu’on l’a mérité. Contempler le Machu Picchu après avoir fait quelques heures de train et de bus pour s’y rendre, c’est sûrement très chouette. Avoir la même scène sous les yeux après 5 jours et près de 100 kilomètres de marche, là, c’est juste magique.»

«Je préfère les moments difficiles»

Camping avec vue

Une photo publiée par Letizia & Raphael. (@prenezplace) le

Letizia, 31 ans, journaliste à Berne

«Je me suis sérieusement mise à la randonnée avec mon compagnon, Raphaël. Je recherchais une certaine communion avec la nature, un dépassement de soi et un bien-être que je n’éprouve qu’en marchant. On part souvent le vendredi soir avec une tente, deux sacs de couchage et un pique-nique pour aller dormir sous les étoiles. C’est magique de contempler un lever ou un coucher de soleil sur les Alpes, ou de voir un rayon creuser le brouillard tôt le matin au Creux-du-Vent, alors qu’il n’y a encore aucun marcheur. Je n’ai d’ailleurs pas de plaisir à évoluer avec des dizaines de personnes. J’aime ces moments, parfois un peu difficiles, où le souffle est lourd et les pulsations me font sentir vivante. Je me prouve à chaque fois que je suis capable de bien plus que ce que je pensais. Selon moi, nous sommes en train de vivre un tournant dans notre société. Beaucoup recherchent un retour vers les valeurs simples de la vie, et la marche en fait complètement partie.»

Letizia raconte ses aventures, ses voyages et ses randonnées sur son blog, «Prenez place».

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