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Sophie Fontanel: journaliste, écrivaine et instagrameuse

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Sophie Fontanel confesse: «Je suis une machine à écrire.»

© Cynthia Frebour

Quand elle se pique de croquer son portrait d’un trait, Sophie Fontanel confesse: «Je suis une machine à écrire.» Un raccourci vif qui témoigne d’emblée du caractère enjoué de la dame de plume. Cumulant les casquettes de journaliste, écrivaine, blogueuse et instagrameuse facétieuse, l’espiègle Parisienne a fait des mots son arme fatale et de l’autodérision sa grammaire. Toujours prête à dynamiter les stéréotypes, elle trace sa vie hors des clous. Un peu à la manière de Fonelle, sa créature, «célibatante» piquante et délurée, dont les tribulations fantasques ont égayé, quinze ans durant, les colonnes du magazine Elle. Aujourd’hui, l’effrontée à la renommée tapageuse a changé d’aire de jeu. Sa nouvelle adresse? La toile, via la Fonelle Time! C’est là qu’elle s’épanouit, tandis que sa génitrice, elle, a rejoint les rangs de «L’Obs».

Adepte des marches arrière qui lui permettent de nourrir ses ouvrages d’un passé riche en figures romanesques, Sophie Fontanel aime à farfouiller dans sa malle à souvenirs. Rembobinant le fil de sa saga, elle plante le décor. «J’ai grandi dans le XVIe arrondissement. Ma mère tenait à ce que l’on habite dans ce quartier huppé. Pour assouvir sa soif d’ascension sociale.» Pour démontrer qu’elle, l’Arménienne de souche, avait réussi à glisser son escarpin dans la cour des grands en épousant un Français de bonne famille. Poursuivant le récit, la volubile quinquagénaire aux racines mi-orientales mi-hexagonales le pimente aussitôt d’une délicieuse anecdote: «Mon souci? Alors que mes camarades avaient des pères aux métiers prestigieux, genre haut fonctionnaire à la Cour des comptes, le mien n’était que représentant de commerce. J’en avais si honte que lorsque au lycée on m’a demandé quelle était sa profession, j’ai répondu qu’il avait fait de la prison. Maman a aussitôt été convoquée…»

Si le malaise était là, reste que ce sentiment d’infériorité était largement contrebalancé par l’atmosphère joyeuse qui régnait à la maison: «Je suis issue d’une tribu de pitres. Ces gens-là ne songeaient qu’à s’amuser. Même si on était les déclassés du XVIe, on vivait comme des princes. On n’avait pas beaucoup de fric, mais de la fantaisie à revendre.»

Madame Je-sais-tout

Illustrant avec le talent oratoire d’une Shéhérazade version 2.0 l’inventivité des siens, elle raconte: «Ma mère rêvait d’avoir comme ses voisins une maison de campagne. Pour la satisfaire, mon père lui a déniché, en guise de «pied-à-terre», une petite clairière proche de la capitale. Dans ce pré carré devenu imaginairement nôtre, on a pique-niqué été comme hiver. Lorsque des promeneurs osaient s’y aventurer, on prétendait que l’endroit était privé.» Histoire d’étoffer sa thèse, elle l’enrichit en extirpant une nouvelle pièce du puzzle: «Mon père était très fantasque. Au péage, pour dérider l’agent, il nous invitait à nous déguiser, à arborer de fausses moustaches. Sa drôlerie, il me l’a transmise, et à mon frère Marc aussi. La preuve: ce dernier a eu deux enfants avec la nièce du clown Grock.»

Afin de peindre cette figure paternelle hors norme qu’elle a narrée dans «Sacré Paul», l’auteure déploie une large palette d’images: «Libre et lunaire, il aurait pu s’être évadé d’un film de Jacques Tati. Il avait une personnalité extraordinaire. Par rébellion, il s’était désolidarisé du milieu grand bourgeois et conventionnel dont il était issu. Il aimait tout ce qui était décalé. Doté d’une silhouette très mince à la Stromae, habillé parfois à la Bowie, il incarnait le chic.» En guise d’héritage, elle nous confie alors avoir été hautement contaminée par l’altruisme de cet homme disparu alors qu’elle n’avait que 2 ans. «D’une bonté absolue, il m’a littéralement dressée à la bienveillance.» Enfant hyperchoyée, elle concède avoir mené son monde à la baguette. «On me passait tout. Je voulais une mobylette, un piano, une guitare, je les avais. Je faisais la loi. J’allais jusqu’à dicter à mes parents ce qu’il fallait voter. En retour, je le payais puisqu’on m’appelait Madame Je-sais-tout. Il est vrai que je n’étais pas la plus modeste du quartier.»

Le coup du manteau Miyake

Happée par l’écriture à 9 ans, elle n’a aucun mal à désigner l’origine de ce virus précoce: «Chez nous, la poésie était la vertu suprême. Normal, puisque toute ma famille arménienne a appris le français en mémorisant des vers par cœur. Eluard, Prévert, Aragon jouissaient du statut de valeur absolue. On les vénérait.» Et d’admettre que ce lyrisme imprégnait si fortement leur quotidien qu’il en était devenu la norme de nombre d’échanges verbaux: «Maman aimait à emprunter ses répliques à Molière. Au lieu de me dire: «Arrête de t’énerver», elle clamait: «On entend les gens, du moins, sans se fâcher.» Nos discussions étaient émaillées de tirades. Résultat: un jour, pour impressionner ma prof de français qui trouvait que j’étais douée, je me suis mise à deviser en alexandrins. Imaginez sa surprise!»


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Cette incursion au pays des mots l’amène à aborder l’autre versant de sa géographie personnelle: la mode. Un terrain de «je» parallèle? Non, une fusion car, chez elle, texte et textile ne font qu’un. Son dernier roman, «La vocation», en témoigne. Ode aux petites mains qui lui ont transmis le goût du raffinement, elle y conte, dans un subtil entrelacs, sa brève expérience de directrice de mode à Elle et l’incroyable destinée de sa grand-mère Méliné. S’arrêtant sur ce premier maillon de la chaîne du beau, elle nuance: «Bien qu’on ait partagé la même chambre durant quinze ans, j’ignorais tout de la trajectoire de cette femme, cette amoureuse des vêtements qui avait fui la Turquie avec pour seul trésor une page de «Vogue» cachée dans une manche.» La coupable, clé de sa source d’attraction, c’est donc du côté de sa mère qu’il faut la chercher: «Pour elle, l’élégance était la meilleure des politesses. Elle m’a légué l’idée que les habits, source d’embellissement, sont le sel de la vie.» Prénommée Knar, rebaptisée Jacqueline, celle-ci avait «roulotté» des foulards pour Hermès avant de se marier. «Elle m’a initiée à la couture, elle était d’une dextérité renversante. Un manteau Issey Miyake, bien au-dessus de nos moyens, m’avait tapé dans l’œil? Pas de problème, elle me confectionnait sa réplique. Il fallait juste que, lors de nos nombreux repérages en boutique, j’occupe la vendeuse pendant qu’elle prenait les mesures.» Partageant avec sa mère un large panel de ressemblances, elle relève toutefois des dissonances: «Même si elle avait fait un enfant toute seule (Marc son demi-frère, ndlr), je suis nettement plus affranchie. Et je n’ai pas de descendance.»

Fillette adulée, Miss Fontanel ne semble avoir qu’un grief à verser au dossier «capital des dons reçus». «Dans les familles, on vous attribue des rôles. Comme mon frère, né dix ans avant moi, était doté d’un vrai physique de mannequin, on m’a du coup ôté la possibilité d’être belle. La plastique parfaite étant l’apanage de Marc, on m’a donc alloué l’intelligence. Cette répartition laissait sous-entendre qu’il était con, et moi moche. Heureusement qu’on s’adorait assez tous les deux pour en plaisanter.» Et de nous entraîner aussitôt vers un autre chapitre, son prochain «bébé» de papier. C’est là que ce frère complice resurgit puisqu’il aura, à son tour, droit à ses lignes. Photographe puis reporter caméraman, le voilà donc en passe de prétendre au titre d’homme à la page.

Ce dimanche 1er mai 2016 à 13 h, le Salon du Livre de Genève reçoit Sophie Fontanel. Une rencontre animée par Adélita Genoud, rédactrice en chef de Femina, sur la scène principale du salon.

Curriculum vitae

1962 Sophie voit le jour le 24 août à Paris.

1995 Elle décroche le prix du premier roman pour «Sacré Paul», livre consacré à son père.

1999 Le réveillon du 31 décembre, clap de début du XXIe siècle, signe son allergie définitive pour les célébrations obligées. On ne l’y reprendra plus.

Questions d’enfance

Une odeur Celle de la neige. Avec ma mère, on aimait tellement ça qu’on en mangeait. Quand je pense que j’ai tout ce blanc aujourd’hui sur la tête!

Mon premier amour C’était un ami de mes parents. Quand il a compris que je l’aimais sensuellement, il a pris ses distances. Dieu merci, car je n’étais âgée que de 11 ans.

Mon jouet fétiche Il se résume à une simple feuille de papier. Avec ça, je peux m’occuper des heures. Ecrire, écrire, écrire. C’est une passion qui date de mes 9 ans, époque de mes premiers poèmes, et qui ne m’a plus quittée.

Mon bonbon préféré Les rouleaux de réglisse. Je leur dois des caries mémorables, puisque, une fois mes dents lavées, j’en mangeais dans mon lit avant de m’endormir.

Un dessert enchanteur Il a le goût de l’Orient. Il s’agit d’un gâteau arménien. Les ingrédients? Semoule, beurre, lait, sucre, cannelle. Mais tout ça aérien et léger comme une pluie de semoule.

Un légume détesté J’ai en horreur les épinards. C’est un traumatisme qui remonte à l’enfance. Ma mère pensait que c’était la seule façon de manger du fer.

La phrase qu’on me répétait et qui m’agaçait «Mets-toi à sa place deux secondes.» Et pourtant, aujourd’hui avec le recul, je me dis quel bon conseil! Dès qu’on se met à la place de l’autre, on est moins idiot.

Les premières vacances Elles avaient pour cadre la côte basque. On m’a raconté que là-bas le vent m’empêchait de dormir. Du coup, nous avons changé de destination et migré vers la Côte d’Azur.

Le vêtement dont j’étais fière Un ensemble pantalon et brassière, le tout en Liberty! J’aime les habits depuis toute petite. Mais c’est à 14 ans que j’ai commencé à développer mon goût propre.

Le héros qui me faisait rêver J’adorais James Bond au point que je voulais être lui. Par contre, être une James Bond girl, je n’y songeais même pas. Maintenant que je vieillis, j’y pense de plus en plus!

Sophie en 2014 dans ses habits de directrice de mode chez «Elle».
Avec son père Paul, son tendre héros.
Sophie à 14 ans, dans la première robe qui ne porte pas la griffe de sa mère mais celle de Kenzo.
Le virus de la mode, transmis notamment par sa grand-mère (à dr.) et sa tante Anahide, ici en 1944 à Paris.
Tante Anahide avec Dany, un cousin.

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