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«La femme en moi»: Ce qu'on retient du livre de Britney Spears

«La femme en moi»: Ce qu'on retient du livre de Britney Spears

«J'étais prête à sacrifier ma vie pour [mes enfants]. Alors pourquoi ne pas sacrifier ma liberté?» - Britney Spears

© GETTY IMAGES/AXELLE BAUER-GRIFFIN

«Il m’est arrivé très souvent de me taire, craignant de passer pour une folle. J’ai pourtant fini par apprendre la leçon: il faut dire ce qu'on ressent, même quand ça nous terrifie. Il faut raconter son histoire.»

Pour la première fois, l'ancienne princesse de la pop conte le récit de sa vie avec ses propres mots. Britney Spears, starifiée à 17 ans, photographiée des milliers de fois à son insu, celle que le monde a jugée folle lorsqu'elle s'est rasé la tête, qu'on a instrumentalisée pour le profit, placée sous tutelle, l'héroïne de plusieurs documentaires malgré elle, a pris la plume pour rédiger son autobiographie. Phénomène littéraire de l'automne, La femme en moi (Éd. JC Lattès) est sorti en librairie simultanément dans plusieurs langues mardi 24 octobre 2023 et l'ouvrage est déjà en tête des ventes sur Amazon grâce aux précommandes.

Libérée de la tutelle de son père Jamie Spears après 13 ans de perte de contrôle sur sa personne et ses finances, la chanteuse de 41 ans a bouclé le mouvement #FreeBritney lancé par ses fans en se l'appropriant. Talent précoce pour le chant et la danse, ruptures difficiles, maternité suivie d'une dépression, folie médiatique, tutelle, internements forcés et, enfin, la liberté. Comme un exutoire nécessaire à un nouveau départ, l'interprète de Baby One More Time livre presque 300 pages de confidences. Voici ce qu'on retient de La femme en moi.

Sexisée dès l'adolescence

Depuis ses premiers castings, la fille de Louisiane qui rêvait d'être une star à l'image de Madonna ou Whitney Houston raconte comment son corps a été sexualisé. À 10 ans, l'animateur d'une émission lui demande si elle a un petit ami. À 14 ans, elle doit convaincre des producteurs de lancer sa carrière: «Face à ces rangées d'hommes d'affaires en costume qui détaillaient du regard ma robe courte et mes talons hauts, j'ai chanté de tout mon cœur.»

À 17 ans, la chanteuse vient de sortir son premier album, un véritable carton, et fait la couverture du Rolling Stone en sous-vêtements, un Teletubby sous le bras. À 18 ans, après qu'elle s'est produite aux MTV Video Music Awards, elle s'attriste d'entendre de nombreuses critiques sur son costume de scène. «Je n'ai jamais compris ce que ces gens-là attendaient de moi. [...] J'aimais me mettre en valeur. Pourquoi me traitait-on, moi, une simple adolescente, comme si je représentais un danger? En parallèle, j'ai commencé à remarquer de plus en plus d'hommes d'un certain âge dans le public.»

«Ça me mettait mal à l'aise de les voir me reluquer comme si j'étais une sorte de Lolita pour vieux pervers.»

L'artiste ne comprendra jamais pourquoi elle a été dépossédée de son corps. «J'ai toujours trouvé incroyable qu'autant de gens se permettent de parler de mon corps. Qu'il s'agissait d'inconnus dans les médias ou au sein de ma propre famille, les gens semblaient estimer que mon corps était une propriété publique: quelque chose qu'ils pouvaient policer, contrôler, critiquer ou utiliser à leur guise», critique-t-elle.

«Traînée dans la boue» à cause de Justin Timberlake

La star revient également sur sa relation de trois ans avec Justin Timberlake, notamment un IVG qu’elle a subi à contrecœur à 19 ans car son compagnon ne souhaitait pas être père alors. Elle raconte en détail cet épisode douloureux qu'elle a vécu dans le plus grand secret chez elle, presque seule et sans soutien médical, afin que l'affaire ne soit pas ébruitée.

Suite à leur rupture, Britney Spears affirme que Justin a tourné la situation à son avantage: «On incite souvent les hommes à dénigrer les femmes pour accéder à leur gloire et au pouvoir. Et j'en ai fait les frais. [...] Tout le monde s'apitoyait sur Justin tandis que j'étais traînée dans la boue, écrit-elle, [...] Je ne pense pas, même encore aujourd’hui, qu'il ait mesuré le rôle qu'il a joué dans mon humiliation publique.»

«La femme en moi»: Ce qu'on retient du livre de Britney Spears
Justin Timberlake et Britney Spears en 2002. © ALAMY/STOCK PHOTO/MEDIA PUNCH INC

Huée lors de ses apparitions, la chanteuse est d’autant plus la cible de haine lorsque son ex dévoile qu’ils avaient des relations sexuelles. Elle déplore: «J'avais plus de vingt ans, pourquoi persistait-on à vouloir faire de moi une vierge effarouchée? [...] Adolescente, j'avais joué le jeu à fond. [...] Je me démenais pour être au top, dans les studios et sur la scène.»

«Pourtant, que voulaient savoir la plupart des journalistes? Si j'avais de faux seins et si mon hymen était encore intact. [...] Justin avait monté tout un scénario dans lequel je passais pour la méchante, et moi, j'y ai cru», déplore la star.

Par la suite, Britney Spears raconte avoir développé une phobie sociale, exacerbée par les articles de la presse people à son sujet et les photos peu flatteuses, se sentant piégée sous les regards du monde entier.

En proie à une dépression post-partum

Alors qu'elle vit une période compliquée, Britney Spears fait la connaissance de Kevin Federline - «une source de réconfort» - qu'elle épouse en 2004. Avec le danseur, la jeune femme a deux garçons, Sean Preston et Jayden James, nés en 2005 et 2006. Deux grossesses qui se suivent. Constamment poussée à bout par des hordes de paparazzi et les médias qui la traite de mère indigne et moquent ses kilos de grossesse, l'artiste perd pied, en proie à une dépression post-partum.

Et lorsque la carrière de son époux commence à décoller, elle se sent abandonnée. «Mon mari était ivre de gloire et de pouvoir. Au cours de ma vie, j'ai vu l'argent et la renommée bousiller un tas de gens. D'après mon expérience, la célébrité, ce n'est bon pour personne, surtout pas pour les hommes. Ils aiment trop ça, et ça les consume.»

Le couple finit par se séparer et vient la question de la garde des enfants. Là, le cauchemar commence. Britney est accusée d'avoir détruit sa famille. Pour oublier ses problèmes, elle fait la fête – pas de drogues, précise-t-elle, même avec Paris Hilton et Lindsay Lohan. Kevin Federline l'empêche de voir ses fils et sa femme craque.

On est en 2007. Elle entre dans un salon de coiffure et se rase la tête. «Personne ne semblait comprendre que j'étais folle de chagrin parce qu'on m'avait pris mes enfants, justifie-t-elle. [...] Je savais que mes cheveux longs étaient ce qui plaisait le plus chez moi.»

«[...] Me raser la tête était un moyen de hurler à la terre entière "F*ck you!". Vous avez envie que je me fasse belle pour vous? F*ck you! [...] Vous avez envie que j'incarne la fille de vos rêves? F*ck you!

«Pendant des années, j'ai été une gentille petite fille. Je souriais poliment aux animateurs télé qui reluquaient mes seins, tandis que des parents pensaient que j'avais une mauvaise influence sur leurs enfants à cause de mes tenues, que des patrons de maisons de disques mielleux contestaient mes décisions artistiques malgré mes millions de disques vendus, et que ma famille se comportait comme si j'étais le diable. Et j'en avais marre.» Après cet épisode, ses parents estiment qu'elle perd le contrôle de sa vie et profitent de s’en mêler.

«La femme en moi»: Ce qu'on retient du livre de Britney Spears
Britney Spears avec ses fils en 2013. © GETTY IMAGES/GREGG DEGUIRE

Instrumentalisée pour le profit

Viennent ensuite les chapitres où la star revient sur sa tutelle et son infantilisation, qui aura duré 13 ans sous la coupe de son père. Elle accuse ce parent alcoolique de l'avoir exploitée pour le profit (la chanteuse entretient financièrement sa famille depuis son adolescence) et exprime sa colère et sa déception à propos de sa mère et de sa sœur qui ont chacune écrit un livre pour capitaliser sur ses malheurs.

Elle s'étonne également avec cynisme qu'on l'ait forcée à travailler alors qu'elle était supposément malade ou que ses prétendants soient passés au crible avant d'entrer en relation avec elle. Pourquoi avoir accepté pareille situation? Terriblement seule, la star décide d’obéir pour revoir ses enfants.

«J'étais prête à sacrifier ma vie pour eux. Alors pourquoi ne pas sacrifier ma liberté?»

Une fois de plus, la chanteuse analyse sa situation par le prisme du sexisme: elle affirme que jamais un homme n'aurait été placé sous tutelle parce qu'il faisait la fête et réclamait la garde de sa progéniture.

Britney Spears explique aussi avoir été infantilisée à l'extrême. «Comment se comporter en adulte quand on est infantilisée? Je régressais et agissais comme une enfant. Puis l'adulte se rebiffait - même si le monde dans lequel j'évoluais ne me permettait pas d'en être vraiment une. Pendant longtemps, on a voulu étouffer la femme en moi.» Comble de l'ironie, cette effroyable période est fructueuse pour sa carrière: elle remporte des récompenses pour son travail et entame une résidence à Las Vegas en 2013, spectacle qui rapportera des millions de dollars.

En 2018, la chanteuse refuse de poursuivre sa résidence à Vegas. D'après elle, cette décision - à l'impact économique monumental pour sa famille - a poussé ses parents à la «faire disparaître». Ainsi, pendant plusieurs mois, elle est internée de force, surveillée constamment. Son récit fait froid dans le dos: la star raconte avoir été médicamentée sans son consentement et brutalement sevrée du Prozac (un antidépresseur) qu'elle prenait depuis de nombreuses années. Elle décrit avoir été dans un état second, complètement abrutie par le lithium, en proie à des pensées suicidaires sans aucune possibilité de demander de l'aide, croit-elle, car cela aurait donné raison à ses bourreaux. À cette période, elle prend connaissance du mouvement #FreeBritney.

Enfin, de retour chez elle, la jeune femme veut mettre fin à son calvaire. Elle signale sa situation abusive et s'exprime au tribunal le 23 juin 2021. Le 29 septembre, Jamie Spears se voit retirer la tutelle de sa fille.

Cette année-là, plusieurs documentaires chocs ont été diffusés sur des plateformes de streaming, Framing Britney Spears, Controlling Britney Spears et Britney vs Spears, qui reviennent sur la tutelle. Films ayant pour but de visibiliser les abus subis par la star, même si cette dernière s'est sentie blessée d'avoir à nouveau été instrumentalisée.

Se réapproprier son image

Aujourd'hui, Britney Spears continue d’inquiéter ses fans sur les réseaux sociaux. Habituée à poster des selfies dénudés et des clips de danse lascive, la jeune femme explique: «Même si certains en ligne trouvaient ça bizarre, je m'en fichais.»

«Quand on a été sexualisée toute sa vie, ça fait du bien d'avoir le contrôle absolu à la fois sur sa garde-robe et sur l'appareil photo.»

«[...] Depuis que je suis libre, j’ai dû me construire une nouvelle identité. Car voilà qui j'étais: quelqu’un de passif et d'accommodant. Une gamine. Mais c'est du passé, conclut-elle. À présent, je suis quelqu'un de fort et de confiant. Une femme.»

Notre avis sur le livre

Notre première impression à la fin de notre lecture est un profond sentiment de tristesse et d'empathie pour cette femme. Britney Spears n'aborde jamais la question de ses privilèges, qui sont évidents. Mais malgré ceux-ci, elle donne l'impression que sa vie a été en partie gâchée. Être une riche célébrité ne l'a pas sauvée. Comme elle l'affirme elle-même, les questions de santé mentale n'étaient pas visibilisées ou discutées comme aujourd'hui il y a une quinzaine d'années. La jeune femme n'a pas compris à l'époque qu'elle souffrait de dépression post-partum.

On aime à croire que nombre des tragédies vécues par Britney Spears - la sexualisation dès son adolescence, un avortement brutal, l'humiliation publique après ses ruptures, ses problèmes de santé mentale, les critiques essuyées sur sa façon d'être une mère ou encore sa mise sous tutelle - ne pourraient plus se dérouler de la même manière en 2023, époque où les luttes féministes ont fait avancer la cause des femmes dans notre société.

Dès la fuite de certains extraits du livre, l'interprète de Toxic a publié un post sur Instagram dans lequel elle s'énerve de voir les médias sauter sur l'occasion d'écrire des titres racoleurs, notamment sur sa relation avec Justin Timberlake.

Évidemment, la star connaît le jeu médiatique et cela paraît étonnant que ces articles la prennent par surprise. On peut toutefois regretter que son message ne soit en fait pas complètement passé: instrumentalisée par la presse people car son image fait vendre, elle ne souhaite probablement rien d'autre que d'être laissée tranquille.

Alors, Britney est-elle une victime? La star ne s'identifie jamais en tant que tel. Elle l'affirme, ce livre est l'occasion de faire table rase du passé et d'emprunter un nouveau départ vers une vie plus paisible. De même, elle espère que son autobiographie pourra venir en aide aux personnes qui se sentent seules, abandonnées, notamment des jeunes mères qui souffrent de dépression.

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