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Sur les réseaux sociaux, la tendance «AI Yearbook» inquiète

Sur les réseaux sociaux, la tendance «AI Yearbook» inquiète

De nombreuses célébrités ont testé les photos «AI Yearbook» de l'appli Epik, à l'instar du DJ Steve Aoki et de la chanteuse et actrice Keke Palmer.

© EPIK

Vous voulez ressembler à un-e étudiant-e américain-e qui pose pour son album de fin d’année dans les années 90? Pour environ 6 fr., l’application sud-coréenne Epik propose son service de photos générées par l'intelligence artificielle. Et vous ne seriez pas la première personne à produire ces portraits à l'allure vintage, car la tendance explose cet automne 2023. Sur Google Play, par exemple, 50 millions d'utilisatrices et utilisateurs ont d'ores et déjà téléchargé l'application. Leur point commun? Une bonne partie d'entre elles et eux postent leurs clichés sur TikTok ou Instagram, rendant le phénomène viral.

Dans le détail, les photos «AI Yearbook» créées par Epik adoptent une esthétique inspirée des portraits des lycéen-ne-s populaires américain-e-s. Les corps sont ainsi affinés et sculptés, la peau n’a plus de défaut et les cheveux brillent. Tout en somme pour correspondre aux normes de beauté imposées par la société, du moins celles des années 90. Toutefois, cette application photo d'IA à la mode soulève différentes problématiques, tant au niveau de la confiance en soi que de la protection des données personnelles.

@lilyslilah elle me ressemble grave surtout avec la fossette!! #iayearbook ♬ son original - Lilyslilah

Création de complexes

«Quand j’ai découvert mes photos, ça a été le choc, témoigne Hanna, 29 ans. Elles sont très bien réalisées, mais mon visage est totalement différent, comme pour coller davantage aux normes esthétiques. J'apparais beaucoup plus jeune, avec un corps vraiment très mince qui ne ressemble pas au mien. Le résultat est bien loin de la réalité et ma confiance en moi, déjà fragile, en a pris un coup», confie la jeune femme.

Giorgia, 31 ans, a vécu à peu près la même expérience:

«Le résultat m’a fait rire, mais quand j’y repense, me voir plus jeune et plus mince a eu un impact sur moi. Désormais, je suis complexée par mes dents.»

Alors malgré des commentaires négatifs d'utilisateur-rice-s, pourquoi tant de personnes fondent pour ces portraits transformés par l'IA, et quel est leur impact sur la confiance en soi? «Simple et amusante, l'application donne envie de l'essayer, commente Thomas Noyer, psychologue FSP et psychothérapeute à Neuchâtel. Mais son utilisation devient dangereuse quand elle cache une recherche d’attention, un sentiment de valorisation. On connaît aujourd’hui l'impact négatif de ce type d'application sur l’estime de soi, poursuit l'expert. Elles incitent fortement à la comparaison et donc, à la dévalorisation.»

@melissa.amneris Un petit réajustement était nécessaire ! #yearbook #yearbooktrend #bodypositive #ia #inclusive ♬ Cancan - As des As

Thomas Noyer ajoute que le fait de se comparer à ces corps «parfaits» peut être davantage dévastateur sur les jeunes, «un âge où l’estime de soi et l’identité sont en pleine construction, et donc fragiles».

D'ailleurs, la dévalorisation de soi des jeunes est constatée dans différentes études, comme celle publiée par Addiction Suisse. Présentée en octobre 2023, le rapport déplore que 56% des jeunes filles entre 11 et 15 ans ne sont pas satisfaites de leur poids.

Données scrutées

Outre les risques de problèmes liés à l’estime de soi, Epik pose des questions autour de l’utilisation des données personnelles. En plus d'avoir accès aux photos, l'application scrute la localisation, mais aussi les activités sur les réseaux sociaux sur lesquels les utilisateurs et utilisatrices postent leurs clichés, dans le but de proposer des publicités ciblées. Quant à la reconnaissance faciale, l’application précise l'utiliser uniquement pour améliorer ses services.

«Le problème est que l'utilisation d'Epik participe à la création de bases de données et, à terme, on ne connaît pas l'utilisation future de celles-ci», note Steven Meyer, cofondateur de l’entreprise de cybersécurité Zendata. «Même si l’on peut croire au départ à de bonnes intentions de l’entreprise, celle-ci peut se faire racheter, vendre ses données, changer de direction et encore utiliser de façon malveillante les données récoltées», ajoute-t-il. En donnant le droit d'accès à l'application à la reconnaissance faciale, il serait par exemple possible qu'une caméra de vidéosurveillance reconnaissent des utilisateur-ice-s d'Epik, «alors que ceux et celles-ci se rendent sur un lieu de culte ou à une manifestation politique, concède Steven Meyer. Ce serait "offrir" des informations personnelles que certain-e-s ne souhaitent pas forcément communiquer.»

«L'application Epik ressemble à ce que l'on fournit déjà sur les réseaux sociaux en termes d’image, relativise Paul-Olivier Dehaye, fondateur de l’entreprise Hestia Labs, active dans la protection des données. Mais cette pratique pourrait évoluer vers de nouvelles technologies plus inquiétantes, comme la création de profils 3D. Cette dernière impliquerait de dépasser une nouvelle frontière dans l’identification, toujours plus précise, des personnes.»

En guise de conclusion, l'expert rappelle: «Les utilisateur-rice-s ne doivent pas oublier qu’ils et elles ont des droits et qu’ils et elles peuvent réclamer aux entreprises une copie de leurs données.»

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