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Donna Leon: La reine du polar publie ses mémoires

Donna leon la reine du polar publie ses memoires

L'autrice américaine Donna Leon, «maman» du fameux commissaire Brunetti, publie un recueil de mémoires absolument passionnant, drôle et plein d'optimisme.

© OPALE/PHILIPPE MATSAS

Adorée par plus de 20 millions de fans qui raffolent depuis 31 ans des enquêtes de son mythique commissaire Brunetti, Donna Leon a publié le 27 septembre 2023 un recueil de mémoires, Une promesse d’aventure (Éd. Calmann Lévy).

Avec humour et beaucoup d’autodérision, la plus Américaine des Vénitiennes, surnommée la «dogaresse du crime», y raconte sa famille, son enfance, ses nombreux voyages, son amour pour Venise et sa passion viscérale pour la musique baroque et l’opéra en général et les œuvres de Haendel en particulier. Entre autres. Et démontre que sa vie, un véritable roman, est placée sous le signe du hasard heureux…

Aujourd’hui installée dans le Val Müstair, dans les Grisons, cette célibataire endurcie qui vient de célébrer ses 82 ans s’est prêtée de bonne grâce au jeu des mots-clés.

L’enfance

Issue d’une famille d’origines cosmopolites (Amérique du Sud, Allemagne et Irlande) installée dans le New Jersey, Donna Leon se souvient d’une enfance «très heureuse», passée dans la joie et la bonne humeur entre un frère aîné complice, un père «plutôt bien disposé envers le monde» et une mère mauvaise cuisinière («c’est un miracle que j’aie survécu aux horreurs qu’elle nous préparait!») mais flamboyante et qui, raconte-t-elle, a su transmettre à ses enfants «une forme de disposition au bonheur et une claire propension à la gaieté qui ne nous ont jamais quittés: quelle chance!»​

Les voyages

Donna Leon l’a souvent évoqué: elle a bourlingué aux quatre coins de la planète. D’abord en Europe pendant ses études de littérature. Puis comme professeure d’anglais en Chine, en Iran (d’où elle a été évacuée en urgence quand la révolution islamique a éclaté en 1979), en Arabie saoudite (la pire année de sa vie, sourit-elle) et ensuite à Venise, où elle est restée plus de 30 ans avant de s’établir dans les Grisons il y a quelques années. Mais d’où lui est venu ce désir «d’ailleurs», alors qu’elle était pourtant heureuse dans son petit coin de la côte est étasunienne? «D’abord la curiosité, tout simplement», rigole-t-elle. Avant d’ajouter: «Et le manque d’ambitions professionnelles.

Je m’explique: être ambitieux et tracer des plans de carrière implique de devoir accepter des choses éventuellement déplaisantes pour avancer.

Mais comme je n’ai jamais eu de visée particulière, j’ai pu rester libre et donc prête à saisir les moindres chances qui se présentaient de faire l’expérience de cultures et de langues complètement différentes, de sortir de ma petite boîte et de découvrir ce que les autres, là-bas, pensent, boivent, mangent… »

L’écriture

«J’ai toujours aimé lire mais le goût de l’écriture m’est venu un peu par la force des choses, quand j’ai commencé à voyager, vers 23 ans. Aujourd’hui, on s’envoie des messages, on se téléphone dix fois par jour pour dire que tout va bien, qu’on voit des choses magnifiques, et patati et patata. Mais dans les années 60, quand j’ai quitté les États-Unis, ce ne serait venu à l’idée de personne de se donner des nouvelles autrement que par lettre. C’est donc pour raconter à ma famille et à mes amis ce que je voyais et ce que je vivais que je me suis mise à écrire… et à me couper la langue en léchant les enveloppes pour les fermer! Bon, évidemment, comme étudiante et ensuite comme prof, je rédigeais pas mal d’articles ou de conférences, mais rien de romanesque.» Et Guido Brunetti, alors? À en croire la «dogaresse», il est lui aussi le fruit du hasard. Ou de la chance, peu importe.

En gros, se remémore-t-elle, tout commence au début des années 90 quand elle et des amis siciliens s’amusent à éliminer définitivement un chef d’orchestre qu’ils n’apprécient pas. La discussion est délirante, évidemment, mais travaille suffisamment Donna Leon pour qu’une fois rentrée chez elle, repensant à ce meurtre «pour rire», elle se mette à composer Mort à la Fenice, premier opus de son cycle vénitien.

L’inspiration

Comme elle l’explique, les sujets de ses romans lui viennent de la vie: des thématiques qui lui tiennent à cœur – la place de la femme, les discriminations à l’encontre des minorités, les atteintes aux droits humains et à l’environnement – mais aussi des faits divers lus dans un quotidien, des situations qu’elle observe ou de conversations qu’elle surprend… Au fond, résume-t-elle, tout peut l’inspirer et lui faire penser «Ah! Ça, c’est un livre!»​

Traduction

Les 31 (bientôt 32!) enquêtes de Brunetti sont traduites dans à peu près toutes les langues… sauf celle de Dante. Une coquetterie? Un souci de paix, plutôt: il y a quelques années, dans la rue, deux femmes que je connaissais assez bien m’ont houspillée pour avoir dit des «choses terribles» sur Venise et sur leur pays dans mes livres. Il s’avère que ne parlant que l’italien, elles n’en avaient pas lu un seul mais s’étaient basées sur un article paru la veille dans le Tempo - un article consacré à «cette Américaine autrice de romans policiers qui se permettait de parler de l’Italie en en décrivant la criminalité, la corruption et la bureaucratie»! Je comprends bien sûr leur colère. Il n’empêche que je ne veux pas de transposition en italien pour ne pas devoir passer ma vie à me défendre!»

Venise

«La culture, la beauté et la gastronomie… Depuis mon premier voyage dans les années 60, j’aime profondément l’Italie. Et tout spécialement Venise, dont je comprends et baragouine le dialecte et où vivent mes plus chers amis. Mais là, avec le flot continu de touristes et les conséquences que cet afflux a eues (et a encore) sur la cité, ce n’est plus possible d’y rester en permanence. Les autorités de la Ville prétendent vouloir limiter le nombre de visiteurs? Elles ne font rien de concret: le tourisme rapporte bien trop d’argent pour que des mesures soient réellement appliquées! Cela dit, j’y ai un pied-à-terre et y retourne donc très régulièrement. Ce qui me permet d’ailleurs de me livrer à un petit trafic: j’y descends du chocolat et j’en remonte du fromage en quantités… intéressantes, dirons-nous!»​

L’environnement

Pour l’autrice, la situation environnementale est désespérée, «en phase terminale», soupire-t-elle: «Je vis dans les Alpes suisses, à 1400 m d’altitude et hier (ndlr: 10 octobre), pendant que je travaillais dans le jardin, j’ai dû enlever mon pull parce qu’il faisait trop chaud. Cela ne devrait pas arriver! Mais que faire?

À vrai dire, je vis dans une sorte de schizophrénie entre l’intellect et l’émotionnel: d’un côté, je vois et lis trop de choses pour me faire des illusions. De l’autre, étant de nature optimiste, je pense qu’on peut malgré tout être heureux.

Pour pouvoir cohabiter avec ces deux opposés, et même si je ne crois pas que cela fasse une grande différence, je continue donc à faire des petits efforts. L’autre jour, par exemple, j’avais envie du merveilleux macchiato qu’on sert dans un bar situé à quelques kilomètres de chez moi. Eh bien j’y suis allée en marchant et… il était particulièrement bon!»

Bio express

1942 Naissance le 28 septembre, dans le New Jersey.

1976-1979 Doctorante en littérature, elle enseigne l’anglais en Iran – une période qu’elle résume en trois mots: «Sexe, drogues et rock’n’roll». Mais lors de la révolution islamique, elle est évacuée et sa thèse consacrée à Jane Austen est perdue.

1981 Elle s’installe à Venise, où vivent ses plus proches amis.

1992 Mort à la Fenice est publié en anglais. Le succès est immédiat.

2015 Elle emménage en Suisse.

2023 Sortie de Don du mensonge, 31e enquête de Brunetti, et d’Une promesse d’aventure, un recueil de mémoires, tous deux chez Calmann Levy.


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