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Ce que risquent les femmes si Marine Le Pen est élue

Ce que les femmes risquent si marine le pen est elue

La présidentiable du Rassemblement National est-elle vraiment le meilleur choix dans les urnes pour améliorer la vie des femmes et leur place dans la société? Ce n'est pas l'avis des personnalités et des mouvements féministes, ni des chercheurs spécialisés dans l'histoire du féminisme.

© GETTY IMAGES/CHESNOT

À quelques jours d'un second tour qui s'annonce plutôt serré entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, celle-ci continue de mettre en avant sa sensibilité soi-disant féministe. La candidate d'extrême-droite capitalise de plus en plus sur cette approche pour draguer les femmes, qui constituent désormais la moitié de son électorat. Et la stratégie semble fonctionner. Selon une étude Ifop publiée le 20 avril 2022 par le magazine «Elle», Marine Le Pen apparaît comme féministe aux yeux de 49% des personnes sondées, contre 30% pour son adversaire de La République en Marche.

Un résultat décevant pour celui qui disait en 2017, puis répétait début 2022, faire de la défense des droits féminins l'un des axes majeurs de son mandat. Cinq ans après le choc des scandales #MeToo et autres #BalanceTonPorc, être féministe, ça peut donc rapporter gros dans les urnes, même quand on incarne un courant de pensée historiquement et ontologiquement à l'opposé du féminisme. Ça, le Rassemblement National (ex-Front National rebaptisé en 2018) en général, et Marine Le Pen en particulier, l'ont parfaitement compris.

Son parti, fondé par son père Jean-Marie, est pourtant issu de la fusion de divers mouvements ultraconservateurs, à la fois royalistes, catholiques intégristes et pétainistes, autrement dit des écoles de pensée peu favorables à une condition féminine émancipée et libre dans ses choix. Mais la candidate RN n'en est pas à un enfumage près.

Une antiféministe qui s'imagine féministe

Depuis sa première tentative présidentielle en 2012, elle n'a eu de cesse de mettre ostensiblement en avant des préoccupations semblant, à première vue, de plus en plus féministes. En 2022, c'est une véritable profession de foi à laquelle se livre la candidate dans les médias. Marine Le Pen assure par exemple qu'elle se placera «en travers du chemin de quiconque» menacera les femmes.

Et dans le magazine «Femme Actuelle», ses propos résonneraient presque comme des pages de Simone de Beauvoir: «Il faut donner confiance aux femmes. Elles ont tendance à se sous-estimer, à douter, à penser qu’elles ne sont pas à leur place. Je le vois dans mon parti, je suis obligée de les secouer! Il demeure toujours cette forme de réserve qu’il faut vaincre. Avoir une présidente de la République pourrait changer le regard des femmes sur elles-mêmes.»

Ultime symbole censé démontrer qu'elle respire, boit et mange féminisme, Marine Le Pen fait paraître une «Lettre aux Françaises» dans le Figaro, le 8 mars, date de la fameuse journée internationale des droits des femmes. «L'élection présidentielle qui arrive est l'occasion de porter ces préoccupations au sommet de l'État en élisant une femme (...) Ce serait, nous en sommes conscientes, une révolution», écrit-elle.

Désormais séparée de son ex-compagnon Louis Aliot, la leader d'extrême-droite a également compris l'intérêt de valoriser son statut de mère célibataire pour parler à l'électorat féminin et prouver par l'exemple qu'une femme peut réussir sans l'aide d'un homme. Déjà dans son autobiographie, À contre flots (Éd. Grancher), parue en 2006, elle admettait que cette expérience l'avait rendue «quasi féministe». On soulignera évidemment le «quasi».

Mais la présidentiable du Rassemblement National est-elle vraiment le meilleur choix dans les urnes pour améliorer la vie des femmes et leur place dans la société? Ce n'est pas l'avis des personnalités et des mouvements féministes, ni des chercheurs spécialisés dans l'histoire du féminisme.

Un «féminisme» dans les paroles, pas dans les actes

Le 15 avril dernier, 40 associations de défense des droits des femmes ont ainsi appelé, dans une tribune publiée dans le «Journal Du Dimanche», à faire barrage à la candidate. «Si Marine Le Pen prétend que voter pour elle, une femme, c’est voter pour les droits des femmes, ses actes la contredisent. Nous alertons avec gravité sur les risques de recul pour les droits des femmes que représenterait son accession à la Présidence de la République.»

Même mise en garde de la présidente de la Fondation des Femmes, Anne-Cécile Mailfert, sur la chaîne France 24: «Marine Le Pen n’est pas, et ne sera jamais, du côté des femmes, car c’est une figure de l’extrême droite. Et partout où l’extrême droite a pris le pouvoir, les droits des femmes ont reculé. Elle est certes une femme, mais regardons avec qui elle s’allie, qui sont ses soutiens. Elle se découvre féministe cinq ans après #MeToo. Elle a bien compris que la lutte pour les droits des femmes était devenue incontournable en France et comme c’est une populiste, elle dit ce que les gens veulent entendre.»

Pourquoi une telle contradiction entre les déclarations de la candidate RN et la réalité? D'abord parce que depuis qu'elle est en politique, en tant que députée européenne puis députée à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen a voté non ou s'est abstenue sur l'immense majorité des textes de loi et des résolutions visant à défendre ou renforcer les droits féminins, comme le relève la plateforme «Les femmes ont le pouvoir».

Accès à la contraception et à l'avortement, égalité salariale, égalité des genres, égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, carrières scientifiques et universitaires des femmes, entrepreneuriat féminin, violences sexuelles et harcèlement, sécurité et santé des travailleuses enceintes ou allaitantes... En tout, ce sont des dizaines de thématiques importantes pour les femmes sur lesquelles Marine Le Pen et son parti ont refusé toute amélioration.

Autre point étrange pour une prétendue féministe préoccupée par l'égalité des sexes: en cas d'élection, la candidate fera disparaître le ministère consacré à l’égalité, se satisfaisant d'une délégation interministérielle. Puisqu'on parle de parité, on notera au passage qu'aucun élu RN ne siège à la commission «droits des femmes et égalité des genres» du parlement européen.

On méditera enfin sur les propos très révélateurs de Jean Messiha sur la candidate, coordinateur du projet présidentiel de Marine Le Pen en 2017, récoltés par Slate: «Non, je ne crois pas qu’elle se dirait féministe. Le féminisme ce sont ces mouvements extrémistes et outranciers des années 70 qui avaient leur raison d'être compte tenu du contexte de l'époque et du peu de droits des femmes, mais maintenant ces mouvements-là ne peuvent pas continuer à réclamer des choses déjà accordées».

Un regard critique sur l'avortement

Si Marine Le Pen ne s'est jamais prononcée ouvertement contre l'IVG, ses propos sur le sujet montrent une certaine crispation. En pleine campagne présidentielle de 2012, elle fustige le nombre jugé trop élevé d'interruptions de grossesse, imputant ces chiffres aux «avortements de confort» que les femmes utiliseraient comme moyen de contraception. «L'avortement est un drame, la très grande majorité des femmes le sait. C'est un drame personnel, loin d'être l'acte anodin que l'État a prétendu en faire depuis 30 ans», couche-t-elle dans son autobiographie.

Dans son programme d'alors, elle envisage de dérembourser l'IVG sauf en cas de viol. On l'entend aussi accuser avec violence le Planning familial d'être «un centre d’incitation à l’avortement». Selon elle, «il faut le réorienter. Par manque de temps, de moyens, on y présente l’IVG comme la seule solution, en minimisant son impact psychologique. Aujourd’hui, beaucoup de femmes n’ont plus le droit de ne pas avorter», argumente-t-elle lors d'une interview accordée à «Marie-Claire».

En 2016, elle a abandonné l'expression très controversée d'avortement de confort, et ne s'oppose plus au remboursement de cet acte médical, mais ses décisions prouvent qu'elle garde un rapport compliqué avec la question de l'interruption volontaire de grossesse. Les députés RN votent contre la loi de 2016 visant à supprimer le délai de réflexion avant un avortement. Et en 2022, elle s'oppose à l'allongement de l'accès légal à l'IVG de 12 à 14 semaines.

Marine Le Pen est également contre la suppression de la clause de conscience pour les médecins, qui les autorise à refuser de pratiquer un avortement, généralement pour des raisons religieuses. On pourra ainsi juger les positions de Marine Le Pen sur l'avortement en France plutôt floues et contradictoires, mais pour ce qui est de l'acte ailleurs, les choses sont limpides: quand elle était députée européenne, elle s'est clairement opposée ou abstenue sur toutes les résolutions défendant l'IVG.

En 2015, les députés européens du FN, dont elle, ont voté en choeur contre le paragraphe 45 du rapport Tarabella, qui proposait que dans toute l'Europe, les femmes aient «le contrôle de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs», notamment «grâce à un accès aisé à la contraception et à l’avortement». Plutôt incompréhensible pour une prétendue pro-IVG.

Elle n'a jamais caché son soutien et son admiration pour des hommes politiques parmi les plus masculinistes et anti-avortement, comme Donald Trump, Jair Bolsonaro ou Victor Orban. Et en 2020, alors que le gouvernement ultraconservateur polonais légifère pour interdire l'IVG en-dehors des situation de viol et d'inceste, Marine Le Pen vote contre une loi du Parlement européen qui souhaite condamner la Pologne pour cette atteinte aux droits fondamentaux.

Rares prises de position favorables à la santé sexuelle des femmes, la candidate RN plaide pour la contraception gratuite et la reconnaissance de l'endométriose comme affection de longue durée.

Une opposition aux lois visant à l'égalité salariale et à la parité

«Moi je considère encore une fois que l’inégalité salariale, je suis bien placée pour vous le dire, je suis une femme, est évidemment scandaleuse», déclarait Marine Le Pen en 2015. Pourtant, elle s'érige contre toute mesure légale qui permettrait d'y remédier. À ses yeux, tous les outils nécessaires sont là. «Pour les combattre, une loi existe déjà, se justifie-t-elle dans une interview donné au magazine «Elle» en 2022. Il s’agit juste de l’appliquer. Je le ferai en responsabilisant les syndicats, ce sont eux les lanceurs d’alerte.»

Les problèmes d'inégalité salariale et de manque de parité dans les entreprises doivent donc se régler en interne et non pas être empoignés par la sphère politique. Marine Le Pen ne consacre même aucune ligne au thème des discriminations salariales dans son programme en 2022. Un choix cohérent avec ses décisions passées. Le rapport Tarabella, évoqué plus haut, proposait en 2015 de réfléchir «à la possibilité d’inclure des clauses de parité hommes-femmes dans les appels d’offres pour des marchés publics». Ce fut un non catégorique des députés FN.

Idem en janvier 2020: le parti d'extrême-droite a voté contre une résolution sur les écarts de salaires entre les femmes et les hommes. Et en mars dernier, le groupe RN du Parlement européen a décidé de s’abstenir sur un rapport invitant à un renforcer «l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes pour un même travail ou un travail de même valeur». Pas très féministe tout ça.

Un intérêt contre les violences et harcèlements qui vise surtout l'Islam

«Des mesures particulières seront prises pour mieux prévenir et réprimer les violences commises à l’encontre des conjoints ou ex-conjoints», peut-on lire dans son programme présidentiel. Problème: elle détaille peu ces solutions magiques. Elle promet également de «rétablir la liberté des femmes et des jeunes filles de circuler sans être importunées ou menacées, en jupe ou en robe si elles le souhaitent». Là encore, pas de propositions concrètes.

Et, si elle venait à être élue, «les personnes condamnées pour des faits qualifiés d’outrages sexistes par le code pénal feront l’objet d’une inscription au fichier des criminels et délinquants sexuels». Au premier abord, voilà en tout cas des préoccupations plutôt féministes. Mais pour Marine Le Pen, la thématique de la sécurité des femmes est en réalité le moyen d'attaquer l'immigration.

Une approche déjà tentée en 2015, lorsque des migrants syriens avaient été soupçonnés de commettre des crimes sexuels sur des femmes dans des pays européens, dont la Suède et l'Allemagne. «Ce que je vois c'est qu'un certain nombre de droits des femmes sont en train de reculer, notamment sous la poussée du fondamentalisme islamiste, dans l'indifférence générale de ceux qui se disent précisément féministes», affirmait-elle en 2016 sur BFM TV.

Et en 2017, en meeting, on la voyait s'inquiéter du «harcèlement dans l’espace public avec le harcèlement de rue, des injonctions obscurantistes, quand ce n’est pas des mariages forcés sur notre territoire, des crimes d’honneur, ou même l’excision». Même haro intéressé sur le voile, présenté comme bafouant les droits des femmes.

Un flagrant délit d'instrumentalisation du féminisme bien mis en lumière par la politologue et professeure de littérature Cécile Alduy, qui, dans une interview accordée au journal «L'Humanité» en 2017, dénonçait un souci des droits des femmes seulement convoqué «dans la critique de l’islam, jamais pour dénoncer le harcèlement de rue» comme phénomène en soi.

La preuve? Le Pen et ses députés ont tous voté contre ou se sont abstenus sur les projets de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, comme la loi Schiappa de 2018, ou la résolution du Parlement européen de 2021 pour combattre le harcèlement sexuel en entreprise.

Une vision très conservatrice de la femme et de la famille

Au chapitre de son programme consacré à la famille, Marine Le Pen propose de «doubler le soutien aux mères isolées élevant des enfants». A priori une mesure cohérente d'un point de vue féministe. Mais celle-ci dénote aussi l'orientation nataliste de son parti, qui attend surtout des femmes qu'elles prennent au sérieux ce qui serait le rôle de leur vie: celui de génitrice. «L'émancipation de la femme par le travail salarié est une marotte de bourgeoise», s'emportait une conseillère régionale FN en 2016 sur Twitter. Marine Le Pen n'a pas condamné ces propos d'un autre temps.

Elle encourage d'ailleurs la maternité par tout un train de mesures d'allègement fiscal et d'aides sociales. «C’est une vision nataliste de la femme, qui la cantonne dans la sphère privée, avançait en 2022 Raphaëlle Manière, présidente de l’association Osez le féminisme Jura. Le rôle central des femmes est de faire des enfants et de faire le ménage. Pour le RN, le partage des tâches n’est pas un problème politique. Ce n’est pas une inégalité. Alors que c’est fondamental pour repenser les relations entre les hommes et les femmes.»

Marine Le Pen est certes favorable à un congé parental, mais pas obligatoire pour les hommes. Elle préfère, dit-elle à «Femme Actuelle» en mars dernier, un congé à partager dans le couple comme bon lui semble. La limite de l'exercice étant, on le sait, que seulement 4% des pères utilisent de tels dispositifs, contribuant à perpétuer l'inégalité face aux tâches domestiques.

On se souvient aussi de l'une des grandes obsessions de son parti, le «salaire maternel», rebaptisé par diplomatie «salaire parental», qui inciterait les mamans à arrêter de travailler pour s'occuper de leur progéniture. Il était défendu par la candidate il y a quelques années. Ce revenu, à hauteur de 80% du salaire minimum aurait, selon le député Dominique Martin, le pouvoir magique «de libérer des emplois», mais aussi «de sécuriser nos rues parce que les enfants ne traîneraient pas dehors et ne seraient pas soumis à la drogue».

«J'aimerais bien que l'on développe la possibilité, que l'on laisse la liberté aux femmes de s'occuper de leur foyer, notamment par un salaire parental d'éducation», précisait-il en 2016. Quant au manque de places en crèche, il serait également résolu par cette mesure, puisque «le salaire parental libérera de nombreuses places en crèches, où beaucoup de femmes laissent leur enfant le matin, le nœud au ventre», se réjouissait Le Pen en 2012 dans «Marie-Claire».

Un non à toutes les mesures pour l'élargissement des droits LGBTQ+

Fermement opposée au mariage pour tous instauré sous François Hollande, elle déclarait sur Twitter en 2016 vouloir supprimer ce droit si elle était élue présidente et le remplacer «par un PACS amélioré». Depuis, consciente que le sujet l'empêche de dédiaboliser son parti et que la société a intégré le fait que les homosexuels peuvent se marier, elle passe sous silence ses convictions.

Son programme pour 2022 ne mentionne pas explicitement ce point, mais «s’engage à un moratoire de trois ans sur les sujets sociétaux». Dans cette logique à lire entre les lignes, il est donc tout à fait possible que certains droits LGBTQ+ soient un jour soumis à référendum et annulés.

Marine Le Pen s'est en outre opposée à l'accès à la Procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, entendez par là que les couples lesbiens n'y auraient pas droit, au motif qu'un «enfant a droit à avoir un père». Quand le féminisme est censé se préoccuper de toutes les femmes, Marine Le Pen, elle, s'avère sélective. Pareil pour les travailleuses étrangères en situation irrégulière, comme certaines prostituées, à qui elle veut refuser l'accès gratuit aux soins médicaux.

«N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant», avait alerté Simone de Beauvoir. Un message à garder à l'esprit, à l'heure où Marine Le Pen prouve qu'il ne suffit pas d’être femme pour être féministe.

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