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Traitement sexiste dans les médias: Le cas Adèle Haenel

Adele haenel comment les medias enferment les femmes dans des images stereotypees

«Nous avons urgemment besoin de nouveaux regards. Photographes, sortez vos caméras et créez d’autres images pour affirmer la liberté, la sororité et l’égalité.» - Nathalie Herschdorfer

© AFP/LOU BENOIST

«Prodigieuse», «épatante», «sublime», c’est ainsi qu’on décrivait il y a quelques années l’actrice française Adèle Haenel. Aujourd’hui, la jeune femme audacieuse qui avait laissé éclater sa colère lors d’une certaine cérémonie des Césars au cours de laquelle était célébré le cinéaste Roman Polanski apparaît dans un nouveau rôle. En quelques flashs, l’héroïne était devenue une icône féministe.

Depuis un siècle, les actrices sont enfermées dans leur corps aux courbes parfaites. Elles incarnent les stéréotypes de beauté féminine. Malgré son coup d’éclat aux Césars, l’étoile Haenel continua de briller. Mais les louanges ont stoppé lorsqu’elle est apparue récemment dans la presse en militante activiste, cheveux courts et non maquillée. Elle avait certes «claqué la porte» au cinéma, mais on l’excusait. Il ne s’agissait que de la révolte de la jeunesse.

Le ton a désormais changé.
Nathalie Herschdorfer décrypte pour nous le traitement médiatique de l'affaire Adèle Haenel. © AMELIE BLANC

Haenel est perçue comme une femme radicale qui a mis de côté les attributs de la féminité pour ceux de la masculinité ouvrière. Les célébrités savent qu’elles sont des porte-voix et celles-ci défendent souvent des causes nobles. Vanessa Paradis est apparue au «naturel» pour soutenir le programme alimentaire mondial des Nations Unies. Charlotte Gainsbourg s’est mobilisée sur les chaînes de télévision contre la déportation d’enfants ukrainiens. Cette sobriété révélait leur beauté naturelle et leur engagement humanitaire. Elles incarnaient alors leur rôle de mère. Rien de tel pour Adèle Haenel.

Ici l’image ne colle pas. La femme est révoltée. Ses prises de parole, littéralement sans fard, se veulent politiques. L’actrice qui incarnait jusqu’à récemment la jeunesse à la silhouette parfaite est «en grève». Dans la rue, elle est sans paillettes, sans coiffeur ni maquilleur, au milieu du peuple. Alors que les réseaux sociaux s’insurgent contre elle, les médias s’accordent à la représenter loin de la lumière glamour. On ne la voit que crier ses révoltes.

Sois belle et tais-toi

Est-elle parvenue à se libérer d’une vision stéréotypée? La nouvelle image qu’elle véhicule n’ouvre pas de nouvelles perspectives en termes de représentation. Les médias ont besoin d’images qui se lisent avec clarté. Lorsqu’il s’agit de les montrer dans leurs combats contre la société patriarcale et réactionnaire, les femmes sont dépeintes en furie, hors d’elles, laides.

Alors que les actrices sont souvent réduites au «sois belle et tais-toi», Haenel prend le contre-pied de ce modèle. Elle choisit le bruit.

Prendre la parole dans la cour médiatique pour lutter contre la violence faite aux femmes est une bonne chose mais ceci ne semble pas suffire. Pour entendre sa voix, nous avons besoin d’images. Et c’est là où le bât blesse. On le voit ici, les images peinent à se renouveler.

Le cas Haenel est symptomatique. Elle est aujourd’hui attaquée sur son apparence. Les caméras l’enferment dans ce nouveau rôle. Depuis le mouvement #MeToo, comme celui des Black Lives Matter, les médias ont mis en avant les images de manifestants et manifestantes qui hurlent à haute voix en prenant possession de la rue. On a certes basculé vers une prise de conscience de plus en plus large des violences faites aux femmes, les langues se sont déliées, les mots s’écrivent et les récits circulent. Que les actrices quittent le tapis rouge pour prendre la parole est une bonne chose, mais ne nous méprenons pas. Les médias continuent de les enfermer dans un régime d’images stéréotypées. Il est temps de créer une nouvelle iconographie.

Nous avons urgemment besoin de nouveaux regards. Photographes, sortez vos caméras et créez d’autres images pour affirmer la liberté, la sororité et l’égalité.

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