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Dégoûtée du sexisme, Adèle Haenel quitte le cinéma

Dégoûtée du sexisme, Adèle Haenel quitte le cinéma

Depuis quelques années, Adèle Haenel a délaissé les grands écrans pour se consacrer au militantisme intersectionnel.

© ABACAPRESS VIA ALAMY/PATRICE PIERROT

Cette fois-ci, elle s'est barrée définitivement. Celle qui s'est opposée au sacre de Roman Polanski comme meilleur réalisateur aux César de 2020 pour son film J'accuse alors qu'il est accusé de viols, - une force qui a inspiré à Virginie Despentes la chronique Désormais on se lève et on se barre -, a pris la décision de rompre définitivement avec le 7e Art. Elle explique sa démarche, qu'elle souhaite «politique», dans une tribune publiée par Télérama le 9 mai 2023.

Adèle Haenel refuse d'être complice

Il se trouve que la démarche de l'actrice de 34 ans, récompensée par deux César pour Suzanne et Les Combattants, ne surprend guère. En avril 2022 déjà, dans un entretien accordé au média italien Il Manifesto, l'actrice évoquait sa rupture avec le cinéma mainstream, souhaitant se concentrer sur le théâtre ou des projets indépendants. «Dans l’industrie du cinéma telle qu’elle est aujourd’hui, il n’y a pas d’espoir, on le voit avec les femmes. Ils en utilisent une ou deux pour cacher ce système oppressif, réagissait-elle. Il y a juste à regarder la sélection cannoise. Ils disent qu’ils luttent contre le sexisme, mais en réalité rien n’a changé», rapporte Marie Claire.

Démotivée par une industrie qui peine à entamer son virage #MeToo, absente des plateaux de tournage depuis 2021, la comédienne semble s'être consacrée aux activités militantes féministes, LGBTIQ+, écologistes et antiracistes, et s'est impliquée plus récemment contre la réforme des retraites en France. Très engagée, la jeune femme est fortement critiquée par une frange de la droite française pour ses combats politiques.

«J'ai décidé de politiser mon arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels et, plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l'ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu'il est, écrit-elle. [...] Continuer de rendre désirable ce système est criminel. [...]

Mais elles et eux [toutes et tous] ensemble pendant ce temps se donnent la main pour sauver la face des Depardieu, des Polanski, des Boutonnat.

Ça les incommode, ça les dérange que les victimes fassent trop de bruit, ils préféraient qu'on continue à disparaître et crever en silence», poursuit la comédienne, en faisant notamment référence aux accusations de violences sexuelles à l'encontre de Gérard Depardieu, révélées notamment par Mediapart.

«Et d'ailleurs la grande industrie produit à dose homéopathique des films sur les pauvres héroïques et des femmes exceptionnelles, histoire de capitaliser toujours davantage sur notre dos sans donner aucune force à notre mouvement, dénonce Adèle Haenel. [...] De la cancel culture au sens premier : vous avez l'argent, la force et toute la gloire, vous vous en gargarisez, mais vous ne m'aurez pas comme spectatrice.

Je vous annule de mon monde.

Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l'argent et du pouvoir.»

Une icône du #MeToo français

Adèle Haenel avait dénoncé publiquement en 2019 l'emprise, le harcèlement sexuel et les attouchements qui auraient été commis par le réalisateur Christophe Ruggia, alors qu'elle faisait ses débuts au cinéma, âgée entre 12 et 15 ans (l'intéressé a admis l'emprise, mais nié les autres accusations). Ce faisant, elle est devenue une figure du mouvement #MeToo français.

Plus récemment, en mars 2023, elle a été soutenue par des personnalités comme Annie Ernaux, Camille Cottin et Alice Diop dans une tribune, après avoir essuyé une série d'attaques sexistes pour s'être opposée à la réforme des retraites. Mais Adèle Haenel semble être plutôt seule sur le coup de sa démission du cinéma. Sur Twitter, on compte le soutien de l'élue écologiste Sandrine Rousseau, mais surtout de très nombreuses personnes qui se moquent de sa «grève», tout en critiquant son physique et en s'aventurant à analyser sa santé mentale.

La réalisatrice Maïwenn, invitée sur le plateau de Quotidien le 10 mai 2023, s'est exprimée sur ce départ, qu'elle juge «radical», tout en concédant un manque de tolérance dans un milieu qui suscite «beaucoup de jalousie».

Alors, Adèle Haenel est-elle allée trop loin cette fois? Oui, si l'on croit certain-e-s commentateur-trice-s qui évacuent bien vite la question des violences sexuelles et sexistes pour s'attarder sur son engagement qui divise.

Faudra-t-il qu'une série de comédiennes ultraconnues adoptent la même approche pour que l'industrie se réveille enfin? Militer activement demande bien plus d'efforts que de se couper une mèche de cheveux. Mais c'est également le risque d'être blacklistée.

Plus de cinéma, donc, pour Adèle Haenel. Cependant la jeune femme ne compte pas tourner le dos au domaine artistique, puisqu'elle continuera de s'épanouir dans le théâtre et la chorégraphie, apprend-on enfin dans sa lettre ouverte.

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