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Série: Dans les coulisses du tournage de «Winter Palace»

Serie dans les coulisses du tournage de winter palace

Winter Palace raconte les débuts du tourisme alpin de luxe et des sports d’hiver en Suisse à la fin du XIXe siècle. La comédienne française Manon Clavel y incarne Rose, l’une des héroïnes. Elle est ici entourée du Fribourgeois Cyril Metzger (à sa dr.), du Britannique Simon Ludders (tout à g.) et du réalisateur Pierre Monnard (tout à dr.)

© RTS/LAURENT BLEUZE

Au pays des séries, comme dans tous les pays, on s’amuse, on s’émeut, on rit. Face caméra, bien sûr. Mais derrière aussi. La preuve avec Winter Palace, une fiction en huit épisodes de 45 minutes coproduite par Point Prod, la RTS, Oble et Netflix tournée actuellement en Suisse romande par Pierre Monnard (lire l’interview ci-dessous) et qui, le temps d’une journée, a dévoilé ses coulisses. Entre «Silence on tourne» et «Coupez!», petite visite guidée.

Casting international

Pour raconter les débuts du tourisme alpin de luxe et des sports d’hiver en Suisse à la fin du XIXe siècle, l’autrice anglaise Lindsay Shapero a imaginé une intrigue centrée sur André Morel, un jeune hôtelier visionnaire. Incarné par le Fribourgeois Cyril Metzger, celui-ci décide en effet d’ouvrir un palace durant la saison hivernale. Soutenu dans son rêve par son épouse Rose (la Française Manon Clavel), il croisera la route de toutes sortes de personnalités plus ou moins sympathiques, interprétées par les Suisses Alix Henzelin, Antoine Basler, Gaspard Boesch et Roland Vouilloz ou les Britanniques Jade Kennedy, Simon Ludders et Clive Standen, explique Patrick Suhner, producteur éditorial à l’Unité fiction de la RTS. Un casting international, donc, qui évoluera dans des décors majestueux: ici, pas de studio, mais des lieux authentiques, quitte à mélanger les prises de vues au montage et à ajouter des effets spéciaux pour plus de magie.

Pour le coup, le tournage, qui a commencé le 10 octobre et se terminera en mars 2024, se déroule au Caux-Palace, au château Mercier, à Sierre, dans la vallée de Binn, au col du Simplon ou, en ce jour de mi-octobre, au Righi vaudois, à Glion, au-dessus de Montreux.

Le réalisateur Pierre Monnard et les deux héros principaux de Winter Palace, Manon Clavel et Cyril Metzger
© RTS/LAURENT BLEUZE

Décors bluffants

Désaffecté depuis plus de vingt ans et en attente d’une cure de rajeunissement, le Righi semble un brin décati pour exprimer le luxe d’un palace Belle Époque: des escaliers et des parquets qui grincent, des tapis décolorés et élimés, des lustres qui mériteraient un bon nettoyage, un bric-à-brac invraisemblable qui traîne partout…

Pourtant, soudain, au détour d’un corridor, comme un saut dans le temps: des tapisseries à peine encollées, des colonnes en (faux) marbre rutilant, une réception en bois flambant neuf, un coin salon chaleureux avec mobilier et accessoires XIXe, un fumoir superbement reconstitué – même s’il est pour l’heure réinvesti par la régie et plein de moniteurs. On s’y croirait.

À l’origine de ce cadre franchement bluffant, Marion Schramm. Cheffe décoratrice de génie, connue pour son travail sur le film The Foster Boy ou, déjà avec Pierre Monnard, sur les séries Wilder et Hors saison, entre autres, elle n’a rien laissé au hasard, pensé à chacun des «millions de détails» qui rendront son décor crédible. Passionnée, elle explique qu’entre recherches minutieuses, visites exploratoires dans de grands hôtels d’altitude, séances de chine chez des loueurs ou des brocanteurs, discussions avec l’experte en histoire hôtelière Evelyne Lüthi-Graf et «tout le reste», Winter Palace lui a demandé une bonne année de préparation.

Et maintenant que les choses ont commencé? Elle ne lâche rien, et le prouve illico: à sa suite, à pas de loup et en retenant presque son souffle pour ne pas déranger les acteurs, cameramen et preneurs de son en pleine action, direction l’entresol de l’Hôtel du Parc, à deux pas du Righi. Des artisans s’affairent. Ce qui n’était qu’un local à l’abandon rempli de vieilles baignoires il y a quelques jours est en train de se transformer en une cuisine digne d’Auguste Escoffier. «C’est beau, mais tout est faux!» s’amuse Marion Schramm.

Désignant un superbe four encastré dans un mur, elle précise: «Ça, par exemple, c’est juste une plaque en fonte. Et ces céramiques magnifiques, du contreplaqué recouvert de peinture! Tout cela représente un gros boulot, mais de nombreuses scènes vont se dérouler dans cet espace», reprend-elle. Avant de partir donner quelques consignes.

© RTS/LAURENT BLEUZE

Des costumes sublimes

Autres acteurs essentiels d’une dramédie historique: les costumes. Le domaine de Valérie Adda, que l’on a notamment vue au générique des séries Le bazar de la Charité ou Les combattantes.

Après avoir ajusté et accessoirisé les tenues des acteurs avant une nouvelle scène, elle retrouve le calme de sa suite «habillage», au premier étage du Righi. Une véritable caverne d’Ali Baba, même si les quelque 6000 pièces prévues pour l’ensemble du tournage ne s’y trouvent pas.

Joyeuse, circulant entre des kimonos ou des robes en soie et des costumes masculins – dont celui destiné à Arthur Conan Doyle, qui fera partie de la clientèle huppée de Winter Palace –, la créatrice explique avoir besoin d’une bonne année pour préparer une série. C’est que, raconte-t-elle, il lui faut d’abord avoir les personnages dans la tête, les imaginer, leur dessiner des vêtements, échanger avec le réalisateur pour lui faire part de ses envies et s’assurer qu’elles correspondent aux siennes, chiffrer ses rêves. Puis, quand le projet et le budget sont approuvés, elle se met «à chiner des tissus ou des accessoires aux puces, à courir les loueurs, à monter des stocks», à fabriquer ou faire fabriquer ce qui doit l’être, à organiser les essayages et à s’assurer que les protagonistes sont à l’aise dans leur costume:

«Parce qu’autrement, ça ne sert à rien: tu peux faire la plus belle robe du monde, si l’actrice n’est pas bien dedans, ça se voit!»

Comme si cela n’était pas déjà assez compliqué à agencer, Valérie Adda doit encore penser aux impératifs techniques. Il lui faut en effet faire attention à ce qu’un bijou ou un accessoire potentiellement bruyant ne devienne pas un souci pour les ingénieurs du son, mais aussi tenir compte du décor pour éviter des contrastes de couleurs ou des «tons sur tons» maladroits. Bref, un casse-tête qui se poursuit une fois le tournage lancé. Parce que là, outre les habillages et éventuelles adaptations «de routine», il lui faudra aussi être prête à galoper à la moindre urgence. Comme maintenant, justement.

Valérie Adda habille les comédiens et accessoirise leurs costumes avant et entre les prises. Elle s’occupe ici de l’actrice britannique Jade Kennedy. © LAURENT DE SENARCLENS

«Silence… and… Action!»

Il est 14 h 15, la pause repas est terminée. La matinée s’est bien passée, le planning serré est presque respecté. Dans une ambiance détendue, l’équipe se prépare. Une petite retouche maquillage vite fait, bien fait… La voix de Pierre Monnard résonne alors: «Silence… and… Action!» Les comédiens Simon Ludders et Clive Stander se mettent à dire leur texte – une discussion un rien tendue. Plus personne ne bouge une oreille. Sur le plateau, rien de plus normal. Mais plus surprenant, dans le reste de la bâtisse non plus: les figurants, les techniciens, les «mouches»… Comme dans une partie de 1,2,3, Soleil! Patrick Suhner chuchote: «Le Righi est très ancien et tout grince. Or les micros sont tellement sensibles qu’ils captent absolument tout! Pour ne pas risquer de devoir refaire une scène à cause d’un bruit incongru, on préfère tout figer quand ça tourne!»

Pendant ce temps, dans la régie, véritable tour de contrôle, les yeux sont rivés sur les écrans: son, lumière, détails vestimentaires ou décoratifs, tout est scruté. Les secondes passent, le dialogue s’interrompt, l’un des acteurs sort de la pièce. Le réalisateur semble satisfait: «Coupez, and cut! C’est dans la boîte? Merci!» Une salve d’applaudissements, la prise est bonne. N’en reste plus que trois à tourner d’ici à la fin de la journée.

Une petite retouche maquillage et l'acteur britannique Clive Standen va pouvoir prendre place pour sa scène. © LAURENT DE SENARCLENS

Interview du réalisateur Pierre Monnard

Comment Winter Palace est-il né?
Tout a commencé en 2015, après une discussion avec le producteur de Point Prod Jean-Marc Fröhle, qui me disait avoir envie de faire une série en costumes sur la naissance de l’hôtellerie de haute montagne en Suisse. J’ai tout de suite croché et lui ai dit que si cela se faisait, je voulais en être!

En 2015?
Entre le moment où on a une idée et sa réalisation, il peut en effet s’écouler des années: les recherches de fonds, l’écriture, la préparation, etc. prennent souvent bien plus de temps qu’on l’imagine!

Vous êtes-vous impliqué dans l’écriture?
Indirectement. Je n’écris pas mais dès le début du projet, j’ai fait des suggestions et donné mon avis à Lindsay Shapero. À partir du moment où il y a des versions dialoguées, il y a aussi des réunions de scénario très régulièrement. En parallèle, on fait des repérages, on commence à faire le casting et on essaie d’adapter tout ce qu’on a textuellement, on développe une manière d’appréhender l’histoire et les personnages.

En fait, c’est un travail très collaboratif et une série, c’est la Champions League du travail d’équipe!

La présence de Netflix rend-elle les choses plus «simples»?
Oui et non. Au niveau logistique, on a par exemple une deuxième équipe qui va se charger de tourner certaines scènes extérieures. Mais en termes de planning, la présence de Netflix ne change rien: on a quatorze semaines, dont quatre à deux équipes, pour réaliser huit épisodes de 45 minutes, il faut donc suivre la cadence. L’ennemi Numéro 1, celui contre qui on se bat tous en permanence, c’est le temps: en perdre fatigue les équipes, coûte de l’argent… Ce matin, par exemple, on a fini avec dix minutes de retard sur l’horaire, il va donc falloir aller les rechercher cet après-midi.

Ça n’a pas l’air de vous stresser tant que ça.
C’est parce que je suis papa de deux enfants! Blague à part, je pense que ça aide de savoir rester zen. Les autres, d’abord, mais soi-même aussi: si on veut garder l’esprit clair pour pouvoir être limpide, rapide dans ses prises de décisions et ouvert à «l’instant cadeau» qui se présente, mieux vaut avoir la tête froide. Du moins pour moi.

Calme et souple, donc.
Oui et je dirais que c’est exactement comme dans une cuisine. L’hôtellerie et la gastronomie sont des métiers qui ont énormément de points communs avec ceux du cinéma: on a une recette, on a un frigo, on a des ingrédients. On mélange, on cuisine, on goûte – un peu de sel, un peu d’une épice à laquelle on n’avait pas pensé mais qui nous inspire tout à coup et, à la fin, il faut que ce soit bon, qu’on puisse servir ce qu’on a préparé sans que les gens en salle aient trop longtemps attendu. Et le personnage d’André Morel, l’hôtelier qui décide d’ouvrir ce palace à la fin du XIXe siècle, me fait énormément penser à des producteurs ou à des réalisateurs: c’est un meneur d’équipe qui vend du rêve, n’est pas toujours sûr de son coup, doit parfois cacher qu’il a peur et ne sait pas exactement où il va.

Il y a un petit côté «show», entre illusion et allusion, et je trouve que l’histoire que nous sommes en train de raconter est une belle métaphore du monde du cinéma.

«Winter Palace», saison 1, 8 épisodes, à voir dès fin 2024 sur la RTS puis sur Netflix. Cet article est initialement paru dans Le Matin Dimanche du 5 novembre 2023.

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