Interview
Paléo 2023: Les confidences de Jain sur son troisième album
Elle est radieuse, Jain, dans sa nouvelle tenue de scène strassée, signée Dior. Cela faisait cinq ans que l'artiste toulousaine de 31 ans ne s'était pas produite au Paléo Festival. La dernière fois, c'était en 2018 sur la Grande scène, alors que son deuxième album Souldier allait bientôt voir le jour. Elle entonnait son single Alright qui passait alors en boucle à la radio. La fois d'avant, elle mettait le feu au Détour en 2016, une date encore gravée dans sa mémoire.
En 2023, la scène Véga accueille son tout nouveau spectacle, The Fool Tour, dont la tournée a débuté au mois de juin. Ses premiers shows depuis près de cinq ans. Cinq ans d'absence sur scène, c'est long pour une jeune artiste à succès. Elle avait besoin d'une pause entre ses deux premiers albums qui se sont enchaînés à une vitesse vertigineuse.
À la nuit tombée, le jeudi 20 juillet 2023, le public de la plaine de l'Asse poussiéreuse s'est bien vite regroupé devant la Véga, alors que le groupe explosif de rock alternatif Shaka Ponk criait ses derniers mots sur la Grande scène. Toute autre ambiance sur les hauteurs du terrain. Dans un joli décor sobre et ondulé, presque poétique, les lumières mettent en valeur les quatre musicien-ne-s qui accompagnent Jain: c'est la première fois qu'un orchestre l'entoure sur scène.
Paléo encense Jain à la Véga
La musique démarre, mais le public peine un peu à chauffer. L'artiste, fidèle à elle-même, est dynamique comme jamais, les bras levés, courant et dansant de gauche à droite. Elle chante son tube pop Alright, puis enchante l'assemblée avec sa voix sublime en interprétant l'excellent single The Fool, issu de son nouvel album éponyme sorti en avril 2023. Le public est conquis, et la star prend confiance. Souriante et joyeuse, elle s'adresse souvent à la foule et partage des anecdotes.
«J'avais 16 ans quand j'ai écrit cette chanson. J'ai commencé par ce rythme, puis j'ai piqué la guitare de ma grande sœur et j'ai joué trois accords. Ensuite Yodelice (ndlr. son producteur) y a ajouté cette ligne de basse». Et voilà que résonne Come, le morceau qui l'a fait connaître au monde, sur lequel elle dansait vêtue d'une robe noire à col claudine. En communion avec le public, Jain descend près de la foule, nous fait chanter le refrain Come, come, my baby come, puis tend le micro à des spectateur-trice-s au hasard, enregistre les voix et le titre démarre enfin dans un assemblage euphorisant.
La chanteuse n'hésite pas à se mêler au public de la Véga, qui n'arrête désormais plus de danser. Les bras sont levés, la ferveur est bien là et le retour de la star parfaitement réussi. Elle se lâche guitare en main, aux côtés des musicien-ne-s superactif-ve-s. Plus qu'un spectacle, Jain a créé une fête géante sur la plaine de l'Asse.
Après avoir interprété quelques anciens titres, un simple «Ooh-ee» finit de séduire la foule. «Vous avez peut-être entendu cette chanson sur TikTok?», lance Jain. C'est que son titre rythmé Makeba, issu de son premier album Zanaka, vit un second succès sur le réseau social depuis quelques mois. Une foule en délire et une battle de percussions plus tard, l'artiste remercie chaleureusement le public et termine son show exceptionnel, seule à la guitare, avec Maria, issu de son nouvel album, avant d'être rejointe par son orchestre. Une fin émouvante pour une chanteuse reconnaissante et émue par l'accueil nyonnais.
Interview: Les confidences de l'artiste à propos de The Fool
Peu avant sa prestation à Paléo, Jain nous a accordé quelques minutes pour nous parler de son dernier album.
FEMINA Comment vous sentez-vous?
Jain Très bien! J'ai eu la chance d'avoir un ostéo qui m'a débloquée tout à l'heure - j'en ai besoin car dans les festivals je saute beaucoup. Et j'adore Paléo, c'est la troisième fois que je viens, j'ai fait à chaque fois des scènes différentes et la Véga est trop chouette. J'ai vraiment hâte.
Qu'est-ce que ça vous fait de retrouver le public après presque cinq ans d'absence?
C'est génial. Ce sont de vraies retrouvailles, festives et bienveillantes, et j'ai eu l'impression que le public était aussi heureux de me revoir.
The Fool est sorti au printemps 2023, pourquoi avoir fait une pause entre votre deuxième et votre troisième album?
Pour plusieurs raisons: j'avais envie d'être chez moi, de retrouver ma famille et mes ami-e-s, que je n'avais pas beaucoup vu-e-s pendant les deux tournées que j'ai enchaînées. Je voulais défaire ma valise une bonne fois pour toute, mais aussi réécouter de la musique, revivre en tant que personne, me redécouvrir. Et prendre le temps de faire un album qui me plaît.
Vous avez travaillé différemment sur cet album?
J'ai fait mon deuxième album très rapidement. Mon but avec The Fool était de ne pas penser en termes de succès commercial, mais de me laisser inspirer par ce que j'avais envie de raconter aux gens.
Quelles ont été vos inspirations?
Pendant le confinement, j'ai pu réécouter de la musique, ce que je ne faisais pas consciemment en tournée (on n'a pas forcément la tête à ça). Redevenir fan de musique, une mélomane comme quand j'étais ado, retourner voir des concerts sans penser technique mais juste apprécier, ça m'a remise à ma place. J'ai réécouté des vinyles, par exemple Kate Bush que je ne connaissais pas du tout, notamment son album The Kick Inside. Ça m'a bluffée, car j'ai toujours fait de la musique très terre à terre, au rythme ancré, et là j'ai découvert une pop planante qui m'a inspirée.
Qu'est-ce que ce troisième album représente pour vous?
Une respiration! The Fool parle de plénitude, dans le sens que je suis une femme de 30 ans, je me connais et m'assume mieux. Je sais aujourd'hui de quoi je suis capable, c'est vachement libérateur.
Presque cinq ans d'absence, ça vient avec des défis particuliers?
Oui, on vit dans un monde qui va très vite et, dans la musique, dès qu'on sort quelque chose on nous demande déjà «est-ce que tu sors un autre truc?». Je me demandais si le public serait là après ma pause, c'était un petit stress. Mais il faut penser aussi à soi dans la vie!
Le concept de votre album est que chaque chanson représente une carte du tarot de Marseille. Pourquoi avoir exploré cette thématique?
Je trouve que c'est un médium artistique et poétique et que les symboliques sont très belles: il y a par exemple le Soleil, qui représente l'épanouissement, ou la Lune qui signifie la nostalgie, la féminité. Ça collait à un album planant et comique. Ma carte préférée est le Fou, parce qu'il avance coûte que coûte, malgré les obstacles et sans peur.
Votre tube Makeba, sorti en 2015, a fait un retour retentissant sur TikTok cette année. Que pensez-vous de ce phénomène?
Je ne m'y attendais pas du tout et je me considère comme très chanceuse. Cela montre le pouvoir impressionnant de TikTok dans le milieu artistique, et que ce sont les gens qui choisissent. De manière générale, j'éprouve un sentiment ambivalent envers les réseaux sociaux: j'ai des périodes pendant lesquelles je poste beaucoup et je me sens proche des gens, mais c'est aussi très chronophage, donc j'essaie de m'en détacher afin de profiter des relations humaines.
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