critique cinéma
Notre avis sur le film «Dune: Deuxième partie»
Ça y est! Après trois ans d'attente et un premier film pour lequel on avait eu un coup de cœur, l'adaptation de la seconde moitié du roman de science-fiction écrit par Frank Herbert en 1965 est sorti en salles obscures en Suisse romande, le 28 février 2024. Le réalisateur canadien Denis Villeneuve (Blade Runner 2049) reprend les rennes derrière la caméra et co-signe le scénario avec Jon Spaihts (Doctor Strange). Pas simple de remettre le couvert après un premier volet acclamé par la critique, qui a raflé six statuettes aux Oscars lors du cru 2022, récompenses concentrées sur les aspects techniques (décors, photographie, montage, musique originale, etc.). Alors, Dune: Deuxième partie est-il à la hauteur de son aîné?
Avec un rythme plus soutenu que le premier film, dont l'objectif était d'introduire la mythologie dense de Herbert, la suite plonge dans les intrigues politiques. Contrairement aux films de superhéros enchaînant les scènes d'action, Dune 2 alterne pendant 2 heures 46 entre séquences contemplatives entre immensité et intimité, combats réduits au maximum (avec tout de même des effets spéciaux impressionnants incluant les fameux vers des sables géants) et complots dans l'ombre du pouvoir.
Le synopsis
Le film reprend là où on a quitté les personnages en 2021. La Maison Atréides est tombée sous la vicieuse attaque de ses ennemis menés par l'effroyable baron Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgård), sur ordre de l'empereur Shaddam IV Corrino (Christopher Walken). Seul-e-s survivant-e-s du drame, le fils du duc, Paul Atréides (Timothée Chalamet), et sa mère, Dame Jessica (Rebecca Ferguson), fuient à travers le désert inhospitalier d'Arrakis, tandis que les Harkonnen reprennent de force aux Atréides la souveraineté de cette planète des sables et l'exploitation de l'épice, ressource la plus précieuse de l'univers puisqu'elle est indispensable aux voyages interstellaires.
Dès les premiers instants de ce second volet, Paul et Jessica se mêlent aux Fremen, le peuple autochtone d'Arrakis oppressé depuis des décennies par des colons. Seul-e-s les indigènes sont capables de maîtriser la chaleur mortelle et les gigantesques vers des sables rôdant sous les dunes arides, et ils et elles acceptent d'enseigner leurs us et coutumes à Paul. Pour mieux se faire accepter - et avec l'objectif de se venger des Harkonnen -, le héros accepte d'endosser le rôle de messie que lui confèrent certain-e-s Fremen, à l'instar de leur chef Stilgar (Javier Bardem). C'est que l'ordre spirituel matriarcal très puissant des Bene Gesserit, dont fait partie Dame Jessica, a œuvré en amont pour instaurer des croyances chez les autochtones: une prophétie qui désignerait Paul comme leur sauveur.
D'abord réticent à accepter le leadership, l'héritier Atréides priorise son intégration parmi les Fremen avec le soutien de Chani (Zendaya), une guerrière dont il tombe amoureux. Aux côtés de cette nouvelle famille, Paul mène une violente guérilla contre les Harkonnen et leurs opérations de récolte de l'épice. Mais sa soif de vengeance le mène du côté obscur… Si vous voulez vous éviter des spoilers, revenez sur cette critique après avoir visionné le film!
On a aimé: la beauté du film, le casting éblouissant et la force des personnages féminins
L'adaptation de Denis Villeneuve, allergique aux fonds verts, est visuellement éblouissante, comme le premier volet. La majeure partie du récit se déroule sur Arrakis, ses dunes cuivrées à perte de vue tournées en décor naturel et ses sietch - habitats Fremen - creusés dans la roche gigantesque. Cependant, l'histoire nous emmène brièvement sur d'autres planètes, par exemple à Giedi Prime chez les Harkonnen où règne une ambiance glaçante traduite par des séquences en noir et blanc et une esthétique rappelant vaguement le régime nazi. Complètement happé-e par les décors et les costumes toujours aussi réussis, la partition percutante de Hans Zimmer termine d'immerger le public dans ce monde futuriste.
Cela ne vous aura pas échappé, une flopée de stars se bousculent à l'affiche. De nombreuses personnalités font d'ailleurs leur apparition dans ce nouvel opus, comme Florence Pugh en fille de l'empereur stratège, Austin Butler en antagoniste cruel, Christopher Walken dans la peau de l'empereur, Léa Seydoux en aristocrate Bene Gesserit et Anya Taylor-Joy qui joue la sœur de Paul pas encore née. L'on retrouve aussi avec plaisir le duo à l'alchimie parfaite Timothée Chalamet et Zendaya, mais aussi l'excellente Rebecca Ferguson, Javier Bardem et Charlotte Rampling qui campe la Révérende Mère Bene Gesserit. Malgré les presque trois heures de film, la plupart de ces stars n'apparaissent que brièvement (mention spéciale pour Anya Taylor-Joy et ses quelques secondes à l'écran). L'on pourrait reprocher à Denis Villeneuve de sous-exploiter le talent de ses acteurs et actrices, cependant chaque personnage a son importance dans le récit. On salue même la place faite à la jeune génération de comédiens et comédiennes d'Hollywood, qui feraient presque de l'ombre à leurs aîné-e-s.
Enfin, on a adoré la place faite aux protagonistes féminins. C'était déjà le cas dans le premier film, mais cette suite confirme l'envie du réalisateur d'offrir plus d'importance aux femmes dans son adaptation que dans le roman original. Dame Jessica évolue de la génitrice protectrice à la Mère supérieure effrayante et manipulatrice qui pousse son fils Paul sur une pente dangereuse malgré les prémonitions funestes de celui-ci lorsqu'il entrevoit son avenir s'il endosse le rôle de prophète.
Somme toute, dans l'ombre des figures masculines à la tête des Grandes Maisons ou de l'Imperium, ce sont bien les Bene Gesserit - des femmes - qui dominent l'univers dessiné par Herbert. L'ordre matriarcal intrigue sans scrupule sur le long terme afin de placer qui l'arrange sur un trône ou à la tête d'une révolution. Les autres ne sont que des pions.
De son côté, la Fremen Chani est sans doute la véritable héroïne de ce film: courageuse, loyale et toujours droite dans ses convictions. Soulignons aussi le superbe second rôle attribué à la Genevoise Souheila Yacoub, qui s'est frayé une place de choix en se glissant dans la peau de Shishakli, l'amie de Chani. Encore plus féroce que sa compère guerrière, avec son caractère bien trempé, Shishakli n'hésite pas à tenir tête à Paul et à ses ennemis. Elle incarne à elle seule la puissance et la dextérité des indigènes d'Arrakis qui se battent pour leur liberté. Un beau rôle pour la Suissesse qui marque ainsi ses débuts à Hollywood, après avoir brillé dans des productions françaises, comme Climax de Gaspar Noé.
On a moins aimé: l'intrigue frustrante, la romance peu travaillée, l'histoire d'un égo masculin et des ennemis peu étoffés
Denis Villeneuve s'est attaqué à un mastodonte en décidant d'adapter l'œuvre de Frank Herbert au cinéma, tant le récit est dense. Si le premier volet était une réussite au niveau du scénario (avec quelques complexités vite résolues), l'approfondissement de l'histoire et l'introduction d'enjeux politiques créent certaines frustrations: en résumé, on sort de ce deuxième film avec plus de questions qu'en y entrant.
En tant que public habitué à des scènes d'action, Dune 2 nous plonge dans l'attente interminable d'une bataille épique qui marquerait une résolution dans le récit. Attente qui n'est finalement pas comblée puisque l'intrigue se clôt sur un cliffhanger encore plus abrupt que lors du premier film (c'est dire!) et dans un flou scénaristique volontaire de la part du réalisateur. Nous n'avons plus qu'à espérer l'avènement d'un troisième long-métrage, basé sur la suite directe du roman Dune, Le Messie de Dune publié en 1972.
Dans les différentes bandes-annonces, la relation amoureuse entre Paul et Chani est particulièrement mise en avant: la romance fait vendre. Or, celle-ci est bien vite expédiée et son évolution peu crédible, à croire qu'il et elle étaient destiné-e-s l'un-e à l'autre… et c'est tout (on pensait avoir dépassé ce cliché-là). Ne vous attendez donc pas à une love story épique et touchante dans laquelle s'impliquer car celle-ci est presque inexistante.
Outre les thèmes très actuels de la guerre, le colonialisme et les limites des ressources naturelles, le film traite des dérives du fanatisme et de l'exploitation de la religion, et c'est là l'un des aspects les plus intéressant de ce récit initiatique, puisqu'étroitement lié au développement du personnage de Paul Atréides. D'ado curieux au début du premier volet, il devient un jeune homme à la loyauté sans faille et sensible aux discriminations frappant les Fremen. Dans Dune 2, Paul se transforme en combattant stratège et charismatique qui s'adapte à son nouvel environnement tout en refusant d'assumer un rôle messiaque (ou du white savior) servi sur un plateau par des Fremen endoctriné-e-s, mais devient à la fin un meneur assoiffé de pouvoir (ou en tout cas assume cette place, qu'il y croit ou non). Stratégie politique ou naissance d'un égo de mâle alpha surdimensionné? On le saura si la saga se poursuit.
Si Paul endosse finalement le rôle d'antihéros de ce film, les antagonistes sont assez peu développés et c'est dommage! Surtout avec une plongée dans l'environnement des Harkonnen et l'introduction d'un personnage clé censé représenter le véritable adversaire de Paul: Feyd-Rautha. Magnifiquement campé par Austin Butler, méconnaissable sous son maquillage, le neveu du baron Harkonnen est érigé en héritier de la Maison après la débâcle de Rabban (Dave Bautista), son prédécesseur à la tête des opérations sur Arrakis. Feyd-Rautha est un guerrier absolument terrifiant, un «sociopathe» cruel tel qu'il est décrit dans le scénario. Malheureusement, le personnage est introduit trop tardivement, a trop peu de dialogue et est bien vite expédié au tapis lors d'un duel final alors qu'on lui prêtait un destin épique de grand méchant.
Faut-il aller voir Dune: Deuxième partie au cinéma?
Cette suite n'est pas un «film déjà vu», comme le sont certains blockbusters actuels qui ressassent les mêmes thématiques et fera sans doute date parmi les adaptations cinématographiques à grand spectacle d'œuvres de science-fiction ou de fantasy, à l'instar de Star Wars ou du Seigneur des anneaux. Si vous avez aimé le premier opus, on vous conseille fortement de visionner la suite en salles obscures sur le plus grand écran possible, car l'expérience visuelle en vaut largement la peine (et les deniers)!
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