humour
«En slip», le premier seule-en-scène de Donatienne Amann
Elle ne sera pas vraiment en slip sur scène, Donatienne Amann. Ou bien? Il faudra voir son spectacle pour le découvrir. Le slip, c'est une image, ou plutôt un mot rigolo, utilisé au départ comme nom de projet pour son tout premier seule-en-scène, qui nourrit petit à petit sa réflexion pour finalement figurer la vulnérabilité.
«J'ai toujours été anxieuse, raconte la comédienne et humoriste lausannoise de 29 ans. J'ai peur de tout et ça me pourrit la vie. En stand-up, il faut parler de soi, et je craignais de ne pas trouver quelque chose d'intéressant à dire (je vous avais prévenu-e-s!), mais je me suis rendu compte que verbaliser mes peurs pouvait être drôle.»
Le stand-up, Donatienne Amann connaît. Mais c'est la première fois que la comédienne se produit seule sur scène.
Elle se rêve actrice depuis l'enfance
Grande habituée des planches et du micro, la Lausannoise a grandi en Valais dans une famille d'artistes. «Mon frère est musicien, ma mère est costumière, mon père a longtemps travaillé à Espace 2 et mon grand-père a composé la musique de la Fête des Vignerons en 1977. Je crois que j'ai toujours voulu travailler dans le milieu de l'art.» Elle débute par la danse classique à Sion, puis décide qu'elle va devenir actrice.
Elle sort son smartphone et nous montre une photo de son frère déguisé en Marsupilami. Puis la jeune femme scrolle: «Et ça c'est moi en princesse! Une fois, je voulais même être un vautour et ma mère m'a cousu un costume. Le rêve pour une gamine.»
Ainsi, Donatienne commence le théâtre. À 12 ans, elle emménage à Lausanne et découvre l'improvisation au collège de l'Élysée. Une révélation. «Ils cherchaient des filles pour compléter l'équipe. J'ai tout de suite adoré et je n'ai jamais arrêté. Je me suis imposée le challenge de maîtriser cette discipline et comme j'étais douée, j'ai rapidement participé à des matchs. L'impro m'a tellement apporté, s'exclame-t-elle avec reconnaissance. C'est dans ce milieu que je me suis créé ma famille, des ami-e-s avec qui je suis encore proche aujourd'hui, et que je me suis développée tant au niveau personnel qu'artistique. La période du gymnase a été plus dure et cette activité m'offrait une échappatoire.» Après une année de conservatoire préparatoire à Genève, elle poursuit sa formation à la Manufacture.
La comédienne en herbe vit difficilement ses années de cursus en théâtre contemporain. «J'ai cru que j'allais vivre Fame, mais en fait pas vraiment. Une de mes plus grandes peurs est de ne pas être aimée, de ne pas plaire et de me faire rejeter. Le stress lié à mon anxiété me suivait partout: j'ai fait un burn out. Après la Manufacture, j'avais besoin de souffler, de faire une pause. C'est là que j'ai réalisé que j'avais envie d'écrire. Toutes les bonnes histoires suivent le même schéma narratif, du Seigneur des anneaux aux dessins animés Disney, et découvrir qu'il existe une clé pour écrire ces récits et maîtriser cette discipline m'a encouragée dans cette voie. J'avais l'impression d'avoir ouvert une boîte de Pandore.»
Prendre la plume pour raconter ses propres histoires
Donatienne aime tant l'acting justement pour ces grandes histoires qu'elle dévore depuis l'enfance. «Je suis une grande lectrice. J'adore les bouquins où on se sent nulle à la fin, où les personnages nous manquent, où l'impression de vivre dans ce monde nous poursuit un peu.» Fan de fantasy, Donatienne nous parle de son dernier coup de cœur livresque, Le Prieuré de l'Oranger de Samantha Shannon. Elle a un crush pour les dragons.
La période du Covid a fait du bien à la comédienne: «J'arrêtais enfin de me comparer aux autres!», précise-t-elle. Donatienne Amann confie devoir sa chance à Laura Chaignat: «Elle reprenait seule la Matinale de Couleur 3 après l'avoir co-animée avec Yoann Provenzano et m'a offert une chronique, car je lui avais confié mon envie d'écrire. Ainsi est né le personnage de Janine avec Janine n'en pense pas moins. Puis avec Laura Chaignat, on a eu l'idée de créer une websérie, Hockey Meuf. C'était une expérience géniale, ma première idée que je voyais matérialisée.»
Sa carrière d'autrice est lancée: Donatienne participe à la première édition du Couleur 3 Comedy Club et écrit son premier sketch de stand-up. Son sujet? Un qu'elle maîtrise, l'endométriose et les règles douloureuses, une thématique qu'elle pensait exploiter dans son seule-en-scène avant d'opter pour les petites angoisses du quotidien qui se révèlent paralysantes. «Le propos de mon spectacle, c'est "on va échouer, du coup autant y aller à fond".»
Quand on lui demande si les peurs sont genrées, elle réfléchit et acquiesce. «Oui, il y a un aspect spécifiquement féminin dans la peur, parce qu'on est soumises à plus d'épreuves, on doit travailler plus dur. On nous apprend à être dans la séduction, à chercher l'approbation masculine.» Elle poursuit: «Dans le milieu de l'impro, il y a beaucoup de mecs. Sur scène, ils s'emparent de l'espace et c'est parfois difficile d'être entendue. Il m'est arrivé de me sentir invisibilisée, mais j'ai appris à faire ma place et aussi à demander aux hommes de faire attention à moi, à me laisser prendre la parole. Cependant, j'entretenais le fantasme d'avoir les planches rien qu'à moi un jour, c'est pour cela que le seule-en-scène m'attirait.»
Contre l'anxiété, monter sur scène et faire rire
N'est-ce pas contradictoire pour une personne anxieuse de se produire devant un public? «Complètement!, répond l'humoriste avec un large sourire. Et même que les grandes scènes, comme le Palais de Beaulieu à Lausanne, ça me fait bien moins peur que les petites salles. En réalité, il est plus difficile de sortir le rire chez un public restreint. Alors que dans les grands espaces, il y a forcément des gens qui rigolent et entraînent les autres.»
Enfin, on demande à Donatienne Amann quel est son rêve. «Que mon spectacle marche? Et pouvoir développer d'autres projets bien sûr. J'adorerais parler des supporters de foot, ils me fascinent. Ensuite, je me vois trop jouer dans un film d'époque, un film d'espionnage ou une comédie romantique de Noël.» Les idées fusent, elle s'emballe: «Pourquoi pas même en écrire une?» La future actrice de cinéma (apparemment) conclut: «Et mon goal ultime, jouer avec un dragon», lance-t-elle avant de s'envoler prendre le train pour ses répétitions.
En slip, à voir du 28 février au 3 mars 2024 au Théâtre de la Grenette à Vevey (complet), et du 8 au 9 mars 2024 au Théâtre Tais-Toi! à Neuchâtel.