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Séries: Dior, Balenciaga et Lagerfeld mis en scène à l'écran

Séries: Dior, Balenciaga et Lagerfeld mis en scène à l'écran

L’acteur Alberto San Juan Guijarro sous les traits du couturier espagnol Cristóbal Balenciaga en pleine séance de moulage sur un modèle incarné par Nine Marie d’Urso, la fille d’Inès de La Fressange.

© BALENCIAGA/DAVID HERRANZ

Article mis à jour le 12 mars 2024

Dior, Balenciaga et Lagerfeld. À elle seule, cette série de noms évoque des enseignes lumineuses et des logos chics traversant les époques comme autant de vaisseaux intemporels. On visualise aussitôt des silhouettes féminines précises, proportionnées, graphiques. Une certaine idée du chic. Et du glamour. Christian Dior, Cristóbal Balenciaga et Karl Lagerfeld ne sont plus de ce monde. Mais ils ressuscitent tous trois dans trois séries qui leur sont consacrées.

The New Look est disponible sur Apple TV+ depuis février 2024, Cristóbal Balenciaga l’est également sur Disney+ depuis janvier, tandis que Becoming Karl Lagerfeld, disponible dès le 7 juin, est annoncée comme la série la plus attendue de l’année 2024, toujours sur Disney+. Sur le papier, tous les ingrédients de la bonne recette commerciale sont réunis. Nul besoin de rappeler que ces trois figures historiques ont, en quelque sorte, posé les jalons de notre époque toquée d’Instagram et de TikTok. Quant à savoir si leur vie personnelle fait la promesse d’un bon scénario, c’est une autre histoire.

Biopic romancé

Du documentaire au biopic fictionnel, il n’y a qu’un pas: celui qui empêche les défunts de contredire leur existence romancée à l’écran. Ainsi, le prolifique Ryan Murphy ouvre les feux avec la minisérie Halston en 2021. Gros carton pour la plateforme qui se donne pour mission de renforcer son offre queer. Méconnu en Europe, le couturier américain Roy Halston est magistralement interprété par l’acteur britannique Ewan McGregor. Tapissée de cocaïne, de partouzes et de nuits interminables en compagnie d’Andy Warhol et de Liza Minnelli au Studio 54 de New York, la série retrace l’ascension fulgurante suivie du déclin tout aussi vertigineux de l’homme de mode décédé des complications du sida à 57 ​ans, en 1990.

Ancien directeur du Musée de la mode de la Ville de Paris et directeur artistique de la maison J. M. Weston depuis 2018, Olivier Saillard est un historien de la mode français. Il n’a vu aucune de ces séries et se montre pour le moins dubitatif concernant les grands destins de la mode portés sur écran.

«On ne retient généralement que ce que les gens attendent, le côté hystérique et tout le «drama», observe-t-il. Le sexe, la drogue… Yves Saint Laurent y a beaucoup contribué, contre son gré. Mais cette mythologie est achevée depuis longtemps.»

Il regrette que la mode soit systématiquement dépeinte de façon caricaturale: «Comme si les couturiers avaient un ciseau en main et une seringue dans l’autre pour se shooter. C’est comme si on représentait aujourd’hui encore les artistes avec un pinceau, une blouse blanche et un chevalet. Par ailleurs, des créateurs comme Cristóbal Balenciaga, Jean Paul Gaultier, Azzedine Alaïa ou Karl Lagerfeld, n’ont jamais baigné dans ces clichés-là. La réalité est beaucoup plus sérieuse qu’on ne la fantasme, la mode est un travail rigoureux. Cela devait être plus fun d’aller chez Andy Warhol à l’époque que dans un studio de création aujourd’hui!»

Récits historiques ou grotesques pastiches?

La mode est en effet portraiturée de façon caricaturale lorsqu’elle est adaptée en série ou en film. Dernière preuve en date, la grotesque parodie du designer aussi pathétique que capricieux sous les traits de Pierre Cadault – pour ne pas dire Pierre Cardin – dans Emily in Paris. Pierre Langlais, journaliste séries à Télérama, nuance le propos en apportant quelques précisions historiques.

«Les deux séries sur Dior et Balenciaga se situent entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1960. On est loin de la mode d’aujourd’hui avec la Fashion Week.»

«Les défilés se déroulaient dans une atmosphère intimiste en appartements, en présence des clientes. C’étaient de petits défilés privés.» Spécifiant qu’il n’est pas spécialiste de la mode, le journaliste se considère comme un spectateur neutre, sans attente particulière. Il a vu les deux séries. «J’ai apprécié Cristóbal Balenciaga. Sans révolutionner l’art sériel, la série tente de rester fidèle à l’élégance et à la discrétion du personnage, qui était lui-même une énigme et n’aimait pas les interviews. C’est assez académique, pas du tout tape-à-l’œil», analyse-t-il.

Il a moins aimé The New Look qui, selon lui, n’est pas une série sur la mode, plutôt sur la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. «La sœur de Christian Dior était résistante. La question posée ici est de savoir dans quelle mesure ces gens-là ont réagi à l’occupation allemande en France. Ont-ils collaboré et créé des robes pour les épouses d’officiers allemands? Le personnage de Coco Chanel apparaît dans les deux séries et tout le monde sait qu’elle a été assez proche de certains cercles nazis.»

Voyeurisme en coulisses

Retour en 2024. En l’espace de quelques décennies, la mode est devenue un business global, au détriment de la créativité et d’un savoir-faire artisanal, déplorent certain-e-s nostalgiques. Mais s’il arrive qu’elle fasse encore rêver, le milieu de la mode et ses coulisses font toujours fantasmer. Un phénomène amplifié par l’ère égotique glorifiant le triptyque de nos obsessions capitalistes: amour, gloire et beauté. Oui, comme le soap-opéra qui dramatise les coulisses de la mode depuis 1987. On n’a rien inventé.

L’attrait pour le voyeurisme en backstage explique en partie le succès des reportages de Loïc Prigent en France. Le regard circonstancié d’insider et non sans humour que le journaliste porte sur le milieu l’a érigé en figure de mode lui-même.

Sur Netflix (actuellement indisponible en Suisse), le retentissement de la récente série documentaire retraçant la trajectoire d’enfant adopté au poste de directeur artistique de la maison Balmain d’Olivier Rousteing, prouve l’engouement du public pour les histoires personnelles de celles et ceux à qui l’on attribue le glamour.

Transfuge de classe

Olivier Saillard est plus positif sur le point précis de la question de transfuge de classe:

«Je comprends que la mode puisse faire rêver les jeunes gens fascinés par les grands destins. Devenir un grand nom de la mode n’est pas réservé à une élite».

«Les écoles privées fournissent peu de grands génies et les grands talents n’ont même parfois pas fait d’école. C’est le syndrome Gaultier, parti de rien. C’est également ce que raconte le succès de Jacquemus ou d’Off White. Tout comme Christian Lacroix, un enfant de province, et Balenciaga, qui a fui la guerre civile en Espagne. Karl Lagerfeld pouvait raconter ce qu’il voulait, le début de sa vie n’était pas aussi chic qu’il l’a déguisée par la suite. Il est rassurant de constater qu’il est encore possible de réussir dans la mode sans être né avec une cuillère en argent dans la bouche.»

Becoming Karl Lagerfeld, dès le 7 juin 2024 sur nos écrans

Karl Lagerfeld n’a que 14 ans au moment de l’éclosion du New Look. Il ne porte pas encore de lunettes noires, mais son regard est déjà affûté par la mode. Le Hambourgeois s’avère un travailleur acharné. Remarqué par le couturier Pierre Balmain, ce dernier le recrute comme assistant en 1955. À 22 ans, il commence à façonner son destin pour devenir une des personnalités les plus emblématiques de son époque.

Cumulant les jobs, chez Fendi en Italie et chez Chanel à Paris, qu’il dépoussière dès son arrivée au poste de directeur artistique en 1983, le créateur superstar décédé en février 2019 comprend avant tout le monde le culte de l’ego. L’appellation couture étant attribuée à son éternel rival Yves Saint Laurent, lui fera sa place en inventant la notion de stylisme avant l’heure.

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