Juliette Binoche: «Coco est toujours quelque part en moi»

Avec plus de 60 films à son actif et des dizaines de récompenses pour ses performances tant en Europe qu’aux États-Unis, Juliette Binoche est une des actrices les plus internationales du 7e art français. Celle qui a toujours aimé les belles aventures a relevé le défi d’être Coco Chanel dans une coproduction internationale, financée par Apple TV+.

C’est dans un palace proche de Los Angeles, le Langham, à Pasadena, que l’actrice a fait le déplacement pour présenter The New Look. La minisérie débute à Paris sous l’occupation nazie. Le règne de Coco Chanel sur la mode touche à sa fin avec l’arrivée d’une nouvelle étoile montante, Christian Dior, incarné par Ben Mendelsohn. John Malkovich fait également partie de la distribution. Les dix épisodes sont diffusés au rythme d’un par semaine depuis le 14 février 2024 sur la plateforme d’Apple.

FEMINA Coco Chanel est une icône, bien sûr, mais une icône très controversée, notamment pour ses liens avec les occupants allemands durant la guerre. Avez-vous hésité avant d’accepter de l’incarner?
Juliette Binoche Pas vraiment. J’ai vite été intéressée, et surtout intriguée car je ne connaissais pas grand-chose sur Coco. C’est pour ça que j’ai voulu faire la série. J’ai eu envie de fouiller dans ses vies, parce qu’elle en a eu de multiples. J’ai adoré l’étape de ma recherche sur cette femme, j’ai beaucoup lu sur elle. Elle venait d’une famille très pauvre et a été traumatisée durant son enfance. Elle a vraiment eu des relations étonnantes avec des artistes et des aristocrates, mais aussi des résistants durant la guerre, et c’est vrai qu’elle a aussi été d’une certaine manière proche des Allemands. La complexité de ce personnage m’a fascinée.

A-t-il été difficile de trouver un équilibre entre ce que vous avez lu sur Coco et la façon dont vous vouliez l’incarner dans The New Look?
Vous savez, en tant qu’interprètes, nous nous préparons, nous lisons beaucoup, nous ren­controns des gens et essayons de ressentir le personnage que nous allons jouer. Mais, à la fin, vous vous retrouvez dans un grand train et les scripts arrivent. C’est-à-dire que vous pouvez vite être dépassé par les enjeux de la production. J’essaie de garder à l’esprit ma part de vérité sur mon rôle, mais il y a des facettes qui restent très mystérieuses et que vous découvrez dans le scénario, lorsque vous êtes sur le plateau avec un nouveau réalisateur ou avec vos partenaires. Cela fait partie du jeu et de la mise en scène, c’est pour cela que je compare un tournage à un voyage en train. Vous n’êtes jamais certain de la destination finale. Mais ce voyage a été tout simplement passionnant pour moi.

Selon vous, quelles étaient les motivations de Coco Chanel?
Je pense qu’elle a vraiment changé les comportements des femmes et ainsi que le regard de la société sur elles. Par exemple, pendant la Première Guerre mondiale, elle s’est débarrassée des corsets, a rendu les robes plus courtes, s’est coupé les cheveux. Elle a voulu créer des pantalons spécialement pour les femmes.

Durant la Première Guerre, les femmes devaient être actives parce que les hommes étaient en guerre contre les Allemands. Coco a profité de cette occasion pour faire avancer le féminisme à sa façon. C’est pour cela qu’au début de la Seconde Guerre mondiale, elle a tout arrêté. Mais elle a toujours eu le sens de l’élégance.

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Pensez-vous qu’elle a compris avant d’autres l’importance de l’apparence, et donc de la mode, dans la société?
Certainement. Parce que, venant d’un milieu très pauvre, et étant une femme, il n’y avait aucun moyen de changer quoi que ce soit dans sa vie à moins qu’elle ne change son apparence et donc sa façon de s’habiller pour donner l’impression d’être quelqu’un de la haute société de l’époque.

Vous avez joué de nombreux personnages fictifs dans votre carrière, est-ce qu’on aborde différemment le rôle d’une femme célèbre?
Bien sûr. Au début, j’ai longuement réfléchi parce que, avec une femme aussi emblématique que Coco, je devais faire attention à tous les détails physiques mais aussi à mes mouvements, mes attitudes, pour être la plus fidèle possible à la femme qu’elle était. C’est pour cela que, pour moi, explorer l’enfance et les racines est très important dans ma préparation, cela explique certains comportements et traumatismes. Dans la situation de Coco, après deux guerres, elle était devenue une survivante.

Que reste-t-il dans l’esprit de Coco Chanel en vous depuis la fin du tournage?
Quand nous tournions, j’avais l’impression que je devais être Coco au quotidien. Il y a un scénario, les circonstances sont écrites, les faits sont écrits, inspirés par des événements de la vie réelle. Tout ce que je peux faire sur le plateau, c’est faire confiance au réalisateur. Mais, après un moment, vous devez retourner à votre vie.

Est-ce que Chanel vous habille aujourd’hui pour la promotion de cette minisérie?
Absolument pas! (Elle éclate de rire.) J’ai choisi ma tenue moi-même dans la collection printemps 2024 d’Acne Studios.