Collab mode et pop
Madonna et Jean Paul Gaultier: L'amitié des enfants terribles
Quand deux garnements occupent le même terrain de jeu, c’est généralement pour le meilleur… et pour le pire. C’est le cas de Madonna et Jean Paul Gaultier. Leur rencontre ne pouvait qu’être explosive. Subjugués l’un par l’autre, la superstar et le couturier ont écrit à quatre mains une des histoires les plus spectaculaires de la pop culture.
Et cela n’a rien d’étonnant: la première a toujours affiché son goût pour la mode. Quant au deuxième, il n’a jamais caché son amour pour les pop stars, de préférence rebelles. Son truc à lui, ce sont les outsiders fabuleuses, celles qui se refusent à entrer dans un moule préconçu, ne s’excusent pas et vivent leur sexualité librement. Quelques années avant la chanteuse italo-américaine, Catherine Ringer était la première à porter une de ses fameuses robes corsets dans Marcia Baïla, le premier clip de son groupe Rita Mitsouko, en 1984.
Pour le Celebration Tour, la tournée qui l’amènera aux quatre coins du monde pour célébrer ses quarante ans de tubes, Madonna a évidemment à nouveau fait appel à son ami parisien. Il faudra encore un peu de patience avant de découvrir le résultat de cette énième collaboration scénique, le temps que la superstar se remette en forme après sa récente infection bactérienne.
L’antiprincesse de conte de fées
Entre eux, tout commence le vendredi 14 septembre 1984. Ce soir-là règne une ambiance survoltée au Radio City Music Hall de New York. C’est là que se déroule la toute première cérémonie des MTV Video Music Awards. Depuis quelque temps, un vent nouveau souffle sur la pop, avec l’arrivée aux États-Unis d’artistes émergentes telles que Cyndi Lauper et Madonna. Leurs looks de punkettes en dentelle et leurs clips hauts en couleur envahissent les écrans de télévision.
Déterminée à dominer le monde, Madonna prend ce soir-là une longueur d’avance. Elle apparaît voilée en robe de mariée marquée à la taille de sa boucle de ceinture BOY TOY, qui deviendra l’une des pièces emblématiques de son dressing d’héroïne contemporaine. Contrairement à Cendrillon qui perd sa pantoufle de vair en dévalant les marches à minuit pour obéir au couvre-feu donné par sa marraine la fée, Madonna jette ses escarpins blancs du haut de la pièce montée où elle chante en direct son nouveau tube, Like A Virgin. Le ton est donné: elle n’est pas de celles à qui l’on dicte le comportement.
Elle ne s’arrête pas là, bien sûr. Délurée, ébouriffée, elle se roule par terre devant un parterre médusé. Un comportement très peu catholique qui aura pour conséquence que dès le lendemain, les médias ne parlent que d’elle. Plus tard, la coanimatrice de la soirée, Bette Midler, dira d’elle dans une interview: «Madonna s’est hissée à son statut de superstar grâce à ses bretelles de soutien-gorge, qu’elle n’a pas hésité à laisser tomber lorsque c’était nécessaire.»
Coup de foudre amical et artistique
Dans le public sous le choc, le jeune couturier de 32 ans assiste en direct à l’éclosion du mythe. Il tombe sous le charme. Sa prestation de mariée brille par l’absence d’un personnage essentiel pour une telle entreprise… un mari. Qu’à cela ne tienne, Jean Paul Gaultier la demande en mariage. Une proposition qu’il réitérera à plusieurs reprises tout au long de leur amitié, sans succès. Il la rencontre pour la première fois dans les coulisses de sa première tournée internationale, le Who’s That Girl Tour, à Paris, en août 1987.
L’étincelle a lieu: elle l’adore autant que lui. Si bien qu’au moment de préparer sa prochaine tournée, c’est à lui qu’elle demande de créer les costumes. Trois ans plus tard, le monde entier découvre la silhouette athlétique de Madonna, lacée en lamé or Jean Paul Gaultier dans le Blonde Ambition Tour, considéré par de nombreux fans comme son meilleur show de tous les temps. Les bonnets en obus de sa guêpière rappellent que la plus grande star du monde est avant tout une guerrière.
Contrairement à d’autres amitiés entre un couturier et sa muse, placées sous le signe du raffinement infini, à l’instar d’Hubert de Givenchy et Audrey Hepburn, l’amitié de Madonna et Jean Paul Gaultier est placée sous le signe de la provocation. Pour mieux dénoncer les injustices et célébrer les minorités, encore très affectées par l’épidémie de sida. Autant lui qu’elle ont perdu les êtres les plus chers de leur vie en raison du terrible virus. Le reste appartient à l’histoire de la pop et de la mode.