30 ans de «SEX», le livre des fantasmes de Madonna

SEX: trois lettres capitales gravées dans l’aluminium de la couverture d’un livre scellé au contenu classé X. Signé Madonna, of course. Qui d’autre? En dévoilant ses fantasmes sexuels photographiés par Steven Meisel, l’experte de la controverse provoque une onde de choc instantanément partout dans le monde. Comme un goût de déjà-vu?

Paru il y a pile 30 ans conjointement à la sortie de l’album Erotica en octobre 1992, le livre refait surface dans une galerie éphémère dans le cadre d’Art Basel Miami début décembre 2022. Sous l’impulsion d’Anthony Vaccarello, directeur artistique d’Yves Saint Laurent, le coffee table book le plus coquin et le plus vendu de tous les temps (1,5 million d’exemplaires dans le monde) est même réédité à quelque 800 exemplaires par la maison de couture parisienne.

Ciccone, icône queer

Flash-back: en 1992, cinq ans après la disparition d’Andy Warhol à 58 ans, Madonna ouvre le bal des années 90 en troquant la guêpière dorée de Jean Paul Gaultier pour le harnais bondage. SEX paraphe l’épicentre de la pop immorale en cette fin de siècle. Difficile à imaginer aujourd’hui, le tsunami médiatique est alors planétaire. Internet balbutie, la notion de buzz ne figure pas encore au petit lexique du marketing, les téléphones portables ressemblent encore à des valises encombrantes et… Kevin Systrom et Mike Krieger, les deux fondateurs d’Instagram, ont respectivement 9 et 6 ans.

Au fil des 134 pages, on la découvre seule, à deux, à plusieurs dans des scénarios BDSM, en compagnie d’hommes et de femmes, lovée comme une enfant dans le revers de la veste d’Isabella Rossellini sur une plage, ou faisant de l’auto-stop nue au bord d’une route. Dita – l’alter ego domina de Madonna durant cette phase de sa carrière – l’élève définitivement au rang d’icône queer.

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Visionnaire et ambitieuse, celle qui façonne les tendances à venir choisit le sexe et la religion comme fonds de commerce. Jackpot. Couronnée dans le parfum de son propre scandale au début de sa carrière, la chanteuse ne laisse rien au hasard. Son empire, elle le construit à coups de punchlines bien senties dans les médias, qui raffolent de son aura sulfureuse. Comme cette dédicace devant l’Éternel dans les crédits de sa compilation The Immaculate Collection (1990): «Au pape, ma divine inspiration.» Un clin d’œil amusé de la part de celle à qui le Vatican menace d’interdire le show en Italie si elle ne renonce pas à mimer la masturbation en interprétant Like A Virgin durant le Blonde Ambition Tour. Pas du genre à s’excuser, qui s’y frotte s’y brûle.

Quelques mois plus tard, elle déclare dans une interview: «Je publie SEX pour libérer les États-Unis de complexes. Nous vivons dans une société très réprimée et je traite de thèmes érotiques.»

En 1992 – l’annus horribilis de la reine d’Angleterre – le livre de la reine de la pop est le deuxième livre relié le plus vendu au Royaume-Uni, juste derrière la déflagrante biographie de Diana par Andrew Morton. Peu encline à garder sa langue dans sa poche, donnons le mot de la fin à Dita qui conclut Erotica par l’inoubliable sentence: «Seul celui qui te fait du mal sait comment te faire sentir mieux. Seul celui qui inflige la douleur sait comment la faire disparaître…»