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Pubs de cosmétiques d'hommes: Les clichés virilistes perdurent

Ces mecs de pub reduits aux macho men

Dans la publicité pour cosmétiques, les hommes sont cantonnés à des clichés virilistes.

© GETTY IMAGES/LAURENT/KOFFEL/ALAMY/GRZEGORZ CZAPSKI/STOCKSY/ANDREAS GRADIN

Un homme beau, grand, torse nu et musclé (mais pas trop) qui s’étale une mousse à raser d’un geste net et précis devant le miroir de sa salle de bains, voici le décor que l’on pourrait facilement imaginer pour un spot publicitaire à destination de la gent masculine.

En plus d’avoir une nécessité sociale, marquer cette différence entre le féminin et le masculin a un intérêt commercial.

Il semblerait que le modèle de la virilité dans le marché cosmétique reste cantonné aux stéréotypes. Mais comment cela se fait-il? «Tout comme les jouets pour enfants, les cosmétiques restent très binaires. La segmentation sexuée des biens de consommation n’est pas un simple héritage du patriarcat: elle a au contraire augmenté au cours des cinquante dernières années», note Sébastien Chauvin, professeur associé à la Faculté des sciences sociales de l’UNIL et coprésident de la Plateforme en études genre (PlaGe).

Il ajoute qu’en plus d’avoir une nécessité sociale, marquer cette différence entre le féminin et le masculin a un intérêt commercial. Pourquoi se contenter de vendre une crème hydratante qui conviendrait aux femmes aussi bien qu’aux hommes si on peut multiplier les options et faire un meilleur chiffre d’affaires?

Selon le quotidien français Le Monde, il s’agit là d’un «piège que s’est tendu l’homme à lui-même il y a près de trois millénaires et qui a été largement alimenté par la publicité et le cinéma. De John Wayne à Tom Cruise, en passant par le Marlboro Man et la figure de James Bond, les personnages sont intrépides, bagarreurs, conquérants et séducteurs.» Une publicité de 2019 pour le parfum K by Dolce & Gabbana confirme d’ailleurs cette fine analyse. On y voit un damoiseau ténébreux qu’on présume italien qui traverse les vignes de Toscane à moto, le tout sur une composition musicale d’Ennio Morricone, réalisée pour le film de Sergio Leone Le Bon, la Brute et le Truand.


Plus récemment, soit en janvier 2023, c’est la griffe Paco Rabanne qui tablait sur un mix entre moto, dinosaure, boxe et trophées dans un spot pour le parfum Invictus Victory Elixir.

En parallèle au mâle bien bâti qui part à l’aventure, il y a aussi celui qui se retrouve poursuivi par une horde de femmes sans rien avoir demandé. On se souvient des pubs Axe accompagnées du slogan «Axe, plus t’en mets, plus t’en as».

Des changements timides

Et puis en 2022, Axe décide de changer son fusil d’épaule. Finies les armées de demoiselles tailles mannequin parties à la chasse à l’homme. «Notre marque parle de séduction. Elle l’a toujours fait, et le fera toujours. Mais les temps ont changé, et nous avec. Et tout comme la définition de la masculinité a évolué, la marque aussi s’est adaptée. On sait qu’on n’a pas toujours bien fait les choses dans le passé, mais on essaie maintenant d’aller de l’avant», lit-on sur son site.

«Pour ce qui est de la scénographie, on table sur des couleurs sobres comme du bleu roi, du noir ou encore du gris métallique. Pareil pour le packaging des produits qui, par ailleurs, ont plus souvent une forme phallique».

Pareil pour Gillette qui, après avoir participé au mythe de l’homme viril, a opté pour du renouveau. En 2019, la griffe lance une nouvelle campagne intitulée «The Best Men Can Be» bien décidée à moderniser la nature de sa communication. Le but: promouvoir une masculinité inclusive et positive. On nous montre des hommes sensibles et loin des clichés machistes. Une campagne successive, #MyBestSelf, a quant à elle présenté un homme trans à l’écran. Pourtant, la campagne a conduit à des appels au boycott. Pas étonnant pour Sébastien Chauvin, qui insiste sur le fait qu’il y a un risque de censure sociale, voire de violence lorsque l’on s’écarte des normes imposées par la société.

Malgré ces progrès, force est de constater que, dans l’ensemble, les spots publicitaires concernant la cosmétique masculine n’ont pas énormément évolué. On continue de mettre en avant des caractéristiques qu’on attribue aux hommes comme la force, l’envie de conquêtes et d’aventures. De plus, les égéries choisies par les griffes sont souvent des sportifs d’élite, comme pour souligner l’aspect compétitif et puissant de l’univers masculin. «Pour ce qui est de la scénographie, on table sur des couleurs sobres comme du bleu roi, du noir ou encore du gris métallique. Pareil pour le packaging des produits qui, par ailleurs, ont plus souvent une forme phallique», note Sébastien Chauvin.

Cover Girl et Maybelline

Pourtant ces dernières années, quelques grandes marques de cosmétiques à destination des femmes n’ont pas hésité à travailler avec des influenceurs beauté. En 2016, Cover Girl choisissait James Charles pour faire la promotion de son mascara. Pareil chez Maybelline, qui, une année plus tard, s’offrait Manny Gutierrez, un blogueur maquilleur suivi par plus de 2 millions de personnes sur Instagram.

Pourquoi des griffes ciblant un public féminin osent la touche masculine alors que les spots publicitaires à destination des hommes restent cantonnés à une imagerie exclusivement viriliste? D’après Sébastien Chauvin, la réponse réside dans le fait que notre société valorise surtout la sphère masculine. Et pour être adoptée, toute importation en provenance du féminin doit être préalablement déféminisée. Cela pourrait donc expliquer pourquoi nous n’avons encore jamais vu des hommes dits efféminés ou des instagrameurs beauté faire la promotion d’un after-shave, par exemple. De son côté, le féminin peut se permettre l’ajout d’attributs masculins dans son univers, sans que cela altère sa valeur, au contraire.

Un moment charnière

Reste qu’aujourd’hui, les hommes font toujours plus attention à leur apparence. Pour preuve, le marché de la beauté masculine est en constante progression. Soins hydratants, sérums, anti-rides, tout y passe. Selon une étude de la plateforme américaine Grand View Research, le marché mondial des soins pour hommes était évalué à 30,8 milliards de dollars en 2021 et devrait croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 9,1% entre 2022 et 2030. Cet intérêt pour les soins, additionné au fait que davantage d’hommes osent adopter des habitudes généralement féminines comme les manucures ou le maquillage, pourrait contribuer à sortir des clichés.

«Nous sommes dans un moment charnière où la binarité stricte telle qu’on la connaît n’a plus autant de sens qu’avant. Mais je crois qu’il y aura une réelle évolution lorsque tout cela ne sera plus présenté comme l’exception qui confirme la règle. Montrer un homme n’entrant pas dans des stéréotypes, ou inclure des personnes non binaires dans une publicité sera devenu normal», conclut Sébastien Chauvin


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