L’avenir des cosmétiques se joue dans le microbiome

«Tu savais que ta peau est recouverte de 1000 milliards de microbes? C’est 10 fois le nombre d’étoiles dans la voie lactée. Pour une espèce qui s’est crue le nombril du monde, ça remet les choses en perspective.» Voilà les quelques mots simples mais efficaces que la dermatologue française Marie Jourdan a choisi pour parler de microbiome cutané.

Que ce soit dans le milieu cosmétique, médical ou dans la presse, ce thème est de plus en plus discuté. Pour preuve, début octobre 2023 se tenait la Journée d’échanges scientifiques et techniques à Montpellier. Le sujet des débats? La cosmétique microbiotique au service de l’innovation. Mais alors, qu’est-ce que c’est? Et pourquoi tant d’engouement?

Microbiome cutané: quèsaco?

En fait, notre corps abrite un ensemble de micro-organismes et leurs actions diffèrent en fonction de leurs emplacements dans l’organisme. Ainsi, chaque zone détient sa propre colonie. Le microbiome intestinal ne sera pas identique au microbiome cutané ou encore vaginal. «Cela peut paraître fou, mais nous sommes constitués à 50% de bactéries», précise Marie Drago, docteure en pharmacie et créatrice de la marque française Gallinée. Elle ajoute que chaque espèce joue un rôle important dans le maintien global de notre santé.

Dans tous les cas, il convient de prendre soin de ces «bonnes bactéries» qui nous préservent des agressions extérieures. Si au contraire l’on néglige cette barrière protectrice, de «mauvaises bactéries» risquent de s’y loger et ce n’est pas sans conséquences.

Résultat: les traitements lourds comme le Roaccutane (ndlr: traitement contre l’acné) ou la prise d’antibiotiques ont de moins en moins la cote. Et c’est là que l’intérêt pour le microbiome prend tout son sens. On sait à présent que la pollution, le stress ou même des lavages trop fréquents peuvent contribuer à rompre l’équilibre fragile de notre flore bactérienne et ainsi induire certaines maladies comme l’eczéma ou encore l’acné. Par conséquent, bichonner tout ce petit monde invisible à l’œil nu permet d’avoir une peau «glowy», comme dirait Marie Drago.

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Les marques s’y mettent

Pour la petite histoire, l’intérêt pour ce sujet a commencé en 2007 avec le lancement du programme Human Microbiome Project aux États-Unis. Les entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques ont entrevu le potentiel médical, scientifique et bien entendu marketing de ce microbiome et n’ont cessé de se passionner pour les bactéries depuis.

Selon Anne-Sophie Bongain-Decosne, ingénieure spécialisée en chimie, fondatrice de Nutrition Cosmetics Creation à Genève, «si on s’est penché sur la question dans sa globalité au début des années 2000, l’attrait pour les microbiomes bien spécifiques – comme le microbiome cutané – date d’il y a cinq ou six ans maximum. Quant aux marques, elles ont commencé à miser sur des soins spécialement conçus pour chouchouter les bonnes bactéries de la peau il y a deux ans environ.»

En effet, en 2019, Lancôme sortait Advanced Génifique: une nouvelle version du sérum anti-âge, enrichie de sept prébiotiques et fractions de probiotiques permettant de rééquilibrer le microbiome. La même année, Valmont lançait Primary, une gamme de produits ciblant les mécanismes de défense naturels de la peau. Sans oublier Clarins qui a reformulé ses lotions et démaquillants en 2020 pour y ajouter un «microbiote complex». Plus récemment enfin, le groupe Shiseido rachetait Gallinée, première marque à s’être exclusivement spécialisée dans le microbiome cutané, il y a une année plus exactement.

Un avenir «microbiome friendly»

À l’heure où l’offre en cosmétique se veut de plus en plus personnalisée afin de satisfaire les besoins précis de chaque cliente, cet élan n’est pas près de faiblir.

Des crèmes pour le visage aux nettoyants en passant par les eaux micellaires, les nouvelles offres agissant positivement sur notre flore ne vont cesser de se multiplier. Le constat est donc sans appel: «La dermatocosmétique d’aujourd’hui et de demain sera microbiome friendly», conclut Anne-Sophie Bongain-Decosne.

Les termes à connaître:

Probiotiques: Micro-organismes vivants qui constituent notre flore intestinale, buccale, vaginale ou encore cutanée. Ils peuvent aussi être désignés comme les «bonnes bactéries» et peuvent être vivants ou désactivés (c’est le cas lorsqu’ils se trouvent dans des soins).

Prébiotiques: Les aliments (fibres provenant de fruits ou de légumes) que les bonnes bactéries absorbent.

Postbiotiques: Des molécules fabriquées par les bonnes bactéries, un peu comme des «déchets».