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La santé mentale des hommes mise en lumière dans la culture

La sante mentale des hommes mise en lumiere dans la culture

Le thème de la santé mentale des hommes est omniprésente dans la culture. De g. à d.: David Beckham, le surfeur Jérémy Florès, les auteurs Thomas Goldberg et Panayotis Pascot.

© GETTY IMAGES/GARETT CATTERMOLE-MATT DUNBAR-MARC PIASECKI-ANTOINE FLAMENT

En plus du mouvement Movember qui milite pour la prévention des maladies masculines, et si l’automne 2023 était synonyme d’un MeToo de la santé mentale des hommes? Le mythe de l’homme fort semble s'essouffler dans une actualité dopée aux récits de personnalités qui racontent face caméra leur dépression ou prennent leur clavier pour la narrer. Réel roman de la génération Z, vendu à plus de 100’000 exemplaires, l'émouvant La prochaine fois que tu mordras la poussière (Éd. Stock), de Panayotis Pascot (25 ans), squatte le podium des meilleures ventes en librairie depuis la rentrée littéraire. Avec beaucoup de talent et pas vraiment de pudeur, l’humoriste français questionne dans son livre qu’est-ce qu’être un homme, aborde son homosexualité, son rapport au père et sa dépression.

Comme l'icône des moins de 30 ans qui enchaîne les unes des magazines, Thomas Goldberg, acteur et tiktokeur de 26 ans suivi par 1,5 millions d’abonné-e-s, raconte lui aussi sa dépression dans son journal de bord Promis, ça va aller (Éd. Robert Laffont), en librairie depuis le 19 octobre 2023.

Du côté des plateformes de streaming, la santé mentale ne cesse de slalomer entre les grosses productions de la saison. Disponible depuis le 10 octobre 2023 sur Prime Video, le documentaire Strong, aussi forts que fragiles, tend d’une façon inédite le micro à des athlètes français, dont le surfeur Jérémy Florès, le nageur Camille Lacourt et le handballeur Valentin Porte, qui narrent leur victoire sur leur dépression. Ces témoignages sont d'autant plus capitaux quand on saisit que la santé mentale demeure toujours tabou dans le sport de haut niveau.

De Beckham à Jacquemus

Dans un style plus hollywoodien, David Beckham revient dans le docu Netflix Beckham sur les moments sombres de sa carrière de footballeur. «Becks» touche son audience en plein cœur quand le réalisateur Fisher Stevens lui demande comment il a fait pour ne pas s’écrouler lors de son expulsion de la Coupe du monde 1998. En cause? Un coup de pied à un autre joueur qui, en plus d’avoir fait perdre l’Angleterre face à l’Argentine, lui a valu d’être maudit par tout son pays.

Dans un registre plus artistique, le documentaire France.tv Jacquemus, le prince soleil de Loïc Prigent, sorti le 13 octobre 2023, raconte comment le styliste français a transformé le deuil impossible de sa mère, disparue à 42 ans dans un terrible accident de voiture, en véritable machine à créer.

En 2020, le rappeur Gringe a clairement ouvert la voie de la visibilisation de la santé mentale au masculin avec la publication de son livre, Ensemble, on aboie en silence (Éd. HarperCollins et Wagram Livres). Dans ce livre intime et biographique, l’acolyte d’Orelsan y relate la schizophrénie de son frère, et décrit son «syndrome du survivant», une perception teintée de culpabilité et de mélancolie. Au média 20 minutes, le rappeur, connu pour ses pensées et son humour noirs, partageait: «Parfois tu embrasses complètement ta noirceur et ça peut devenir dangereux [...] Ce bouquin avec mon frère est une petite parenthèse heureuse dans un truc un peu merdique où je vois la vie comme une espèce de peine à purger (rires).»

Dans l’océan d’exemples sur la thématique, on citera encore le livre Je ne suis pas viril, L’histoire (pas si) banale d’un homme d’aujourd’hui (Éd. First) de Ben Névert, le youtubeur y aborde notamment son hypersensibilité.

Santé mentale des hommes en prime time

Observant ces actualités culturelles qui évoquent souvent la dépression, qu’elle soit clinique ou mélancolique comme celle de Panayotis Pascot, Adèle Zufferey, psychologue et psychothérapeute FSP, pense que ce mouvement rappelle l’existence même de la santé mentale des hommes dans une société où ils peinent encore à exprimer leurs émotions. «On sait que parler des questions du suicide, par exemple, aide énormément.»

L’experte se remémore la performance télévisuelle surprise, hors standard, de Stromae en 2022, en plein JT de TF1, où il avait chanté ses pensées suicidaires dans le titre Enfer. «Il y avait eu un boom de personnes qui avaient appelé des structures par rapport à des pensées suicidaires (selon l’OFS, le taux de suicides des hommes est trois fois supérieur à celui des femmes, ndlr), témoigne Adèle Zufferey.

Parler de sujets de santé mentale, c’est utile et important. Ça permet aux personnes de se dire “je vis quelque chose de légitime et je ne suis pas seul-e.”»

Force du panel

Par ailleurs, la psychologue lausannoise pointe l’importance de l’éventail d’hommes qui s’expriment sur la question de la santé mentale. «Dans son livre, Panayotis Pascot, parle de sa dépression, mais aussi beaucoup de son homosexualité, repense-t-elle. On peut se dire qu'il y a beaucoup d'hommes hétérosexuels qui ne vont pas se mettre en lien avec ses propos parce qu'ils vont penser “Il est peut-être déprimé parce qu'il est homosexuel.” Par ailleurs, écouter parler David Beckham, perçu comme un modèle stéréotypé parfois de masculinité hégémonique, de santé mentale, permet de désacraliser ce mythe de “l’homme fort”, qui n’a pas de vulnérabilités mentales», pointe-t-elle.

À la question si les jeunes adultes se retrouvent dans ces livres et ces productions audio-visuelles énoncées précédemment, Adèle Zufferey concède que ces actus culturelles font avancer les choses, mais remarque en outre qu’il y a de plus en plus de promotions pour la santé mentale. «Des sites tels que ciao.ch permettent aux ados de poser un tas de questions sur la santé mentale, mais aussi d'avoir des ressources s’ils ont des idées suicidaires, de pensées noires ou des symptômes dépressifs. Ça libère la parole», se réjouit-elle.

Toujours sur une note positive, la psychologue observe que le discours sur la santé mentale est de plus en plus libéré dans ses consultations. Les 14-17 ans évoquent désormais sans filtre leurs séances chez le psy avec leur entourage. «Ça a beaucoup évolué, même chez les adultes, précise-t-elle. Il y a cinq ans, les personnes qui allaient chez le ou la psy n’en parlaient pas. C'était tabou. Aujourd’hui, une visite chez son spécialiste est banalisée, au même titre qu’un rendez-vous chez le dentiste.» Adèle Zufferey voit un nombre toujours croissant d’hommes venir en thérapie. Ces derniers sont en majorité de jeunes adultes de 25 à 35 ans, les hommes cisgenres et hétéros restant une minorité.

Spectre de la «femmelette»

L’experte explique la relative jeunesse de ses patients en rappelant que les générations précédentes ont eu pour beaucoup l’infortune d’avoir hérité d’une représentation genrée des émotions négatives. «Une grande majorité des garçons nés avant les années 2000 devaient réprimer leur tristesse, par peur d’être traités de “femmelettes”, synthétise-t-elle.

Pourtant, réfréner ses émotions, c'est un peu comme glisser la poussière sous le tapis, et risquer de voir une bombe exploser.»

La métaphore de la bombe à retardement, c’est ce que semblent avoir expérimenté les sportif-ve-s qui témoignent dans le film Strong, aussi forts que fragiles, hommes comme femmes d’ailleurs, car il faut préciser que deux sportives, la skieuse Perrine Laffont et l’escrimeuse Ysaora Thibus, témoignent elles aussi de leur épuisement psychique. Victimes du symptomatique «il faut tout donner» pour devenir les meilleur-e-s, ces athlètes de haut niveau ont explosé en plein vol. Le 10 avril 2023, sur le plateau de l’émission C à vous de la chaîne France 5, le nageur Camille Lacourt témoignait de son burn-out vécu après sa contre-performance aux JO de Londres en 2012. Celui qui semblait «comme un poisson dans l’eau» dans ses épreuves de dos comparait son trouble à une «chute libre incessante.»

Malgré le mouvement actuel de déconstruction de la masculinité hégémonique, portée par la littérature féministe des années 2020, de nombreux hommes semblent ainsi encore se heurter au cliché archaïque de l’homme fort, toujours ancré dans l'inconscient collectif. «C’est une représentation qui remonte à la Rome antique, retrace Adèle Zufferey, une époque où le pouvoir était donné aux hommes car ils avaient des érections considérées comme un pouvoir de contrôle, a contrario des femmes qui avaient leurs menstruations, ce qui était considéré comme une absence de contrôle et de perte.

Aujourd'hui encore, on associe la question du pouvoir aux hommes et celle de l'impuissance aux femmes.»

Santé mentale des hommes, charge mentale des femmes

Toutefois, les femmes, aussi résilientes soient-elles face à l’Histoire, endossent la responsabilité du care, soit l’attention portée à leurs fils et leurs conjoints, visible dans le docu Strong comme dans la série Sex Education. À l’image de la population où une personne sur six confie avoir déjà souffert d’un burn-out selon le sondage SSR «Comment va la Suisse?», «les adolescents ne sont pas non plus en grande forme psychologique (une étude de l'UNICEF publiée le 10 octobre 2023 révèle qu’un tiers des 14-19 ans en Suisse sont concerné-e-s par des problèmes psychiques, ndlr), déplore Adèle Zufferey, mais la bonne nouvelle, c’est qu’ils sont enclins à demander de l’aide dans l’espace souvent sécuritaire de la maison, à leurs parents, mais plus régulièrement à leurs mères. Toujours dans l'intimité du foyer, les hommes vont également plus facilement parler à leurs compagnes de ce qu'ils vivent, les femmes jouant alors le rôle de psy de famille», explique Adèle Zufferey.

Mais la santé mentale des hommes peut être une charge mentale lourde à porter pour les femmes. «Beaucoup d'hommes vont avoir des symptômes dépressifs qu'ils vont garder en eux, et cela peut avoir des répercussions sur la dynamique relationnelle. Cet engrenage peut être source d'alcoolisme, de la violence et de situations absolument dramatiques, alerte-t-elle, d’où l’importance cruciale de la libération de la parole sur la santé mentale, dans la sphère privée et publique.»

En cas de détresse psychologique ou d’idées noires, contactez un-e spécialiste de la santé ou un de ces sites ou numéros dédiés: ontécoute.ch de ciao.ch, pro juventute, 147 (24h/24, 365 jours par an), stopsuicide.ch, santépsy.ch, minds.ch

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