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«En tant que clown d'hôpital, je rends le sourire aux jeunes»

«En tant que clown d'hôpital, je rends le sourire aux jeunes»

«Mon métier est mon histoire de vie. Je voulais apporter de la joie et du mieux-être là où il y en avait besoin.» - Françoise Bonny

© ANNE-LAURE LECHAT

Françoise Bonny est une docteure pas comme les autres. Des chouchous bariolés dans ses boucles blondes, une robe fantaisie et un délicat rond rouge maquillé sur le bout de son nez, dans son métier on la surnomme docteure Chaussette. «Parce que ça fait partie du quotidien, c'est chaud, coloré, pas prise de tête. Et ça sent bon!» Les yeux bleus rieurs, Françoise Bonny a 64 ans, mais elle avoue volontiers garder une âme d'enfant.

Clown d'hôpital depuis 2000, l'artiste professionnelle travaille pour la Fondation Théodora, qui fête ses 30 ans d'existence en 2023. Inspirés par la joie communicative de leur mère Théodora, les frères Jan et André Poulie ont lancé en 1993 une fondation pour illuminer ne serait-ce qu'un instant le séjour des petit-e-s patient-e-s hospitalisés grâce au programme docteur-e-s Rêves. Du CHUV à Lausanne, le projet soutenu par des dons s'est étendu à toute la Suisse et a enregistré plus de 2 millions de visites. Françoise Bonny était conteuse lorsqu'elle a postulé en 1999 pour intégrer la formation de clown en milieu hospitalier de Théodora, qui s'était déjà taillé une belle réputation en Suisse romande.

Construire un échange unique et bienveillant

La Vaudoise domiciliée à Bavois souligne avec le sourire: «Mon métier est mon histoire de vie. Je voulais apporter de la joie et du mieux-être là où il y en avait besoin. C'est drôle, parce que j'avais peur des clowns quand j'étais petite.» Le travail des clowns d'hôpital est cependant très différent de ceux et celles qui évoluent sur scène ou au cirque. «En fait, le clown d'hôpital n'est pas dans le show, car on s'adapte à la personne en face de nous. C'est une relation plus qu'un spectacle, une culture de l'instant.»

«Nous ne nions pas la réalité de l'état de santé de l'enfant, nous nous y adaptons et l'invitons à s'exprimer par le jeu.»

«Nous misons sur la sensibilité, la nuance et la bienveillance. Cela ne m'empêche pas d'être un peu farceuse», ajoute Françoise avec un brin de malice.

Alors comment se déroule une journée type d'un clown hospitalier? «Je prépare mon costume et mes accessoires (j'en exploite peu car je préfère utiliser le corps, l'imaginaire et l'environnement, mais j'aime beaucoup les bulles, c'est magique!), et lors de mon trajet en train, je me réjouis, décrit l'artiste. C'est-à-dire que je mets mes tracas quotidiens de côté et je me rappelle que je vais rencontrer des enfants auxquel-le-s je me suis promise d'apporter le meilleur de moi-même.»

«Puis à l'hôpital, nous recevons des informations sur l'état de santé de tous les jeunes présent-e-s et, à partir de là, l'aventure commence avec les personnes qui acceptent de me voir. J'improvise complètement l'échange, une grande partie de mon travail repose sur l'intuition et la créativité.»

Face à un bébé, un-e enfant, un-e ado, un-e résident-e en EMS ou une personne en situation de handicap en institution, Françoise Bonny adapte son approche. «On ne peut pas parler à un-e ado comme à un-e enfant, précise-t-elle. L'ado doit être pris-e au sérieux, en complicité. Parfois on discute, simplement, et pour elles et eux c'est différent d'avec un-e soignant-e ou un-e thérapeute. Notre mission est de sortir le mental des préoccupations difficiles, d'inviter à voir qu'à côté de l'hospitalisation, il y a aussi la possibilité de jouer, de s'amuser, de s'évader par l'imaginaire. C'est un peu similaire à l'hypnose. D'ailleurs, des clowns travaillent en collaboration avec des anesthésistes, car on s'est rendu compte que leur présence pouvait diminuer le besoin de prémédication avant une intervention chirurgicale.»

D'ailleurs, à l'heure post-Covid, Françoise et ses collègues se battent davantage pour faire reconnaître l'importance de leur métier. «Nous avons été mis-e-s dehors des hôpitaux du jour au lendemain au début de la pandémie, alors même que nous sommes formé-e-s aux gestes d'hygiène. Ça a été dur. Sur le terrain, avant le Covid, nous les clowns étions totalement accepté-e-s. Les établissements faisaient confiance à nos compétences professionnelles, mais la pandémie a entraîné une remise en question de notre rôle. Cette situation nous a poussé-e-s à valoriser le savoir-faire des clowns d'hôpital et leur utilité dans le système de soins.»

Toujours voir les choses du côté positif

En période de Fêtes de fin d'année, on se demande si le costume de clown revêt des couleurs particulières auprès des petit-e-s patient-e-s. Mais pour docteure Chaussette, Noël est une période comme les autres. «À part qu'on porte des guirlandes lumineuses? plaisante-t-elle. En général, les établissements font leur possible pour que les enfants rentrent à la maison pour les Fêtes. Mais si ce n'est pas possible, on prend bien soin d'eux et elles et de leur famille. En fait, j'aime les visites à ce moment de l'année, car l'ambiance est spéciale.»

Après plus de 20 ans de pratique et malgré certaines situations difficiles dont des rencontres régulières avec des jeunes patient-e-s en fin de vie, la passion que cultive Françoise Bonny pour son métier ne faiblit pas. Face à la mort et à la maladie, elle contrebalance en se concentrant sur le positif du moment présent. «Au quotidien, je vis une succession infinie de moments précieux, de rencontres sans fards qui nous font briller les yeux mutuellement. Je reçois autant que je donne», explique-t-elle avec tendresse. Et lorsqu'on lui fait observer que, tout de même, le monde va mal, tout comme la santé mentale des jeunes, Françoise remarque:

«Certes, il y a un monde noir et négatif. Mais à côté de ça, un monde où les gens s'aiment et prennent soin les uns et les unes des autres existe aussi!».

Une initiative engagée au Cameroun

Afin de prolonger encore son activité, l'artiste a fondé en 2016 avec son mari camerounais un programme de clowns d'hôpital dans la patrie d'origine de ce dernier. «J'ai trouvé un établissement intéressé et je m'y suis rendue en clown pour voir si cela avait du sens. L'accueil a été incroyable. Nous avons formé une première équipe de comédiens à la culture du clown, qui n'est pas très implantée au Cameroun, et ils se sont approprié des codes tout en y intégrant leurs modes d'expression.» L'impulsion de Françoise Bonny et de son époux a permis de lancer l'association Nanaboco, financée par des dons en Suisse mais qui est gérée par des équipes sur place, selon les besoins des enfants dans les orphelinats et les hôpitaux. «C'est une initiative minuscule qui n'a pas l'ambition ni les moyens de se développer, souligne la cofondatrice. Mais elle a le mérite d'exister.»

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