santé
Des conseils pour faire la paix avec son sommeil
Celles et ceux qui souffrent d’insomnies vous le diront: plus on y pense, moins on dort. Un cercle vicieux de pensées qui tournent en boucle duquel il est difficile de sortir, d’autant plus si on y ajoute une prise de somnifères qui devient chronique (ndlr: tous les jours) comme c’est le cas pour 2,6% de femmes et 1,6% d’hommes en Suisse selon les derniers chiffres de l’OBSAN. De fait, l’insomnie chronique touche entre 15 et 20% des adultes. Hors médicaments, les spécialistes du sommeil s’accordent en général pour dire que les méthodes telles que la méditation, l’autohypnose ou différentes techniques de relaxation comme l’auto-scan (ndlr: se focaliser sur la respiration en scannant son corps des pieds à la tête) peuvent aider à s’endormir, voire à améliorer la qualité du sommeil.
Sans nier les effets bénéfiques de ces méthodes lorsqu’elles sont maîtrisées, dans leur ouvrage Libérez-vous de vos insomnies (Éd. Odile Jacob), Benjamin Putois, docteur en sciences cognitives et psychothérapeute et Mélinée Chapoutot, psychologue spécialisée dans le sommeil de l’adulte au Centre hospitalier du Valais romand, invitent les insomniaques à aller plus loin avec la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT). Le principe? Lâcher prise et accepter que le sommeil ne se contrôle pas.
FEMINA Comment définiriez-vous l’ACT en quelques mots pour convaincre un insomniaque de s’y mettre?
Mélinée Chapoutot L’ACT est une approche qui considère la personne dans un contexte plus large que ses symptômes, en l’occurrence son insomnie. Le lecteur va apprendre à abandonner la lutte pour le sommeil. C’est là l’originalité de cette approche. L’expérimenter consiste d’abord à faire le constat que tous les outils, méthodes, substances, conseils que l’on met en place dans le but de mieux dormir, y compris avec des stratégies très pertinentes comme la relaxation, auront tendance à être détournés par notre intelligence dans le but de mieux dormir.
Comment ne pas tomber dans ce piège?
L’ACT aide à repérer tous les comportements dits de «contrôle de sommeil» et de les substituer par des comportements qui sont à l’opposé de la recherche du sommeil. Il s’agit d’engager son énergie dans des actions qui vont contribuer à améliorer notre vie, ce qui va impacter positivement la qualité de nos nuits.
C’est-à-dire?
Lutter contre ses insomnies, c’est comme se battre pour sortir d’un trou. Quand on est au fond et qu’on s’agite sans fin pour en sortir, on s’épuise. Quand on tombe dans le trou de l’insomnie, comme dans celui de la dépression ou de toute autre crise de vie dans laquelle on s’enlise, il s’agit de saisir les barreaux d’une échelle. Ça peut être avec l’aide et l’amour de nos proches, mais aussi nos réalisations, nos valeurs, des essentiels dans notre vie qu’il n’est pas question d’abandonner.
Avez-vous un exemple pour sortir de l’obsession du sommeil qui ne vient pas?
Il faut commencer par faire le constat que lorsque le sommeil ne vient pas, lui courir après ne va engendrer que du stress, de la colère, du désespoir, des émotions qui nous maintiennent éveillé. Le sommeil a parfois des ratés, et c’est normal. Le mieux, c’est de se focaliser sur autre chose que de vouloir dormir, jusqu’à ce que le sommeil revienne. Lire, dessiner, tricoter, marcher dans l’air de la nuit: une activité qui fait sens pour nous. Soit les signes du sommeil reviennent et on peut essayer de se recoucher (après trente minutes par exemple), soit on recommence ce même schéma tant que l’insomnie est présente.
Même quand on est habitué aux somnifères?
Oui, et c’est quelque chose d’extrêmement rassurant à dire à nos patients, qu’ils prennent ou pas des somnifères: la machinerie du sommeil n’est jamais cassée car il est impossible de ne pas dormir. Il faut cependant respecter trois principes qui permettent au sommeil de se produire: être suffisamment actif au cours de la journée pour accumuler une fatigue physiologique qui fait qu’on s’endort - et se rendort - facilement; dormir au bon moment, c’est-à-dire pas en journée ni trop tôt le soir, même si notre horloge interne organise des variations de vigilance dans la journée (ce qui peut entraîner une somnolence en début d’après-midi ou de soirée). Et enfin, ne pas chercher à contrôler son sommeil. En veillant à maintenir ces trois principes, il est tout à fait possible de sevrer de ses somnifères, avec l’aide de son médecin.
Avec ce livre, peut-on y arriver tout seul?
Nous l’avons en effet conçu comme un véritable programme à suivre étape après étape pour sortir de l’insomnie. Comme on le signale en préambule, il faut cependant s’assurer de ne pas souffrir de ce qu’on appelle un trouble intrinsèque du sommeil, comme les apnées ou les jambes sans repos. Pour les lecteurs qui souffrent de troubles psychologiques associés à l’insomnie, comme des attaques de panique ou un trouble anxieux généralisé, il sera sans doute indispensable, en parallèle du programme, de compléter la lecture par un accompagnement spécialisé.
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