nouvelle étude
Santé mentale: Les jeunes femmes souffrent depuis le Covid
Les chiffres sont alarmants. Plusieurs études ont déjà révélé que la santé mentale des jeunes s'est fortement dégradée depuis le début de la pandémie de Covid-19, comme le sondage réalisé par l'UNICEF en Suisse et au Liechtenstein en 2021, l'étude sur la santé de la CSS Assurance en 2021 ou encore le rapport de l'Observatoire suisse de la Santé (OBSAN) publié début 2022.
Cette fois, c'est l'Office fédéral de la statistique (OFS) qui présente son analyse. L'organisme étatique a observé l'évolution du recours aux soins psychiatriques chez les jeunes de 10 à 24 ans, entre 2020 et 2021, années marquées par la pandémie de Covid-19 et des mesures sanitaires strictes pour limiter la propagation du virus et préserver le système de santé suisse.
Le rapport, publié le 12 décembre 2022, annonce:
La moitié des enfants et jeunes hospitalisés en 2021 pour des troubles psychiatriques n'avaient encore jamais vécu de séjour dans un centre médicalisé pour cette raison auparavant. Cette progression de nouveaux patient-e-s atteint presque 30% par rapport à 2020 et est largement supérieure à la progression moyenne annuelle des nouvelles hospitalisations, qui atteint les 6%.
Les jeunes filles sont majoritaires
L'étude souligne la grande disparité entre les sexes: si les filles étaient un peu plus nombreuses que les garçons à être hospitalisées pour des troubles psychiques avant la pandémie (13,5 pour 1000 habitantes, contre 10,5 pour les garçons), cet écart s'est largement creusé depuis l'arrivée de la pandémie en Suisse, puisque le taux observé en 2021 était de 18,2 pour les filles et 11,4 pour les garçons. Comme l'indique le communiqué de l'étude, la hausse des hospitalisations se chiffre ainsi à 26% de plus en 2021 par rapport à 2020 chez les jeunes femmes, contre 6% chez les jeunes hommes.
Chez les deux sexes, le diagnostic le plus fréquent est les troubles de l'humeur (comme la dépression), suivis de la catégorie regroupant notamment les troubles de la personnalité et les troubles alimentaires. À noter que chez les personnes âgées de plus de 25 ans, les taux d'hospitalisation entre femmes et hommes sont presque égaux et restent stables depuis 2018.
En outre, une hausse spectaculaire des hospitalisations pour des actes auto-agressifs («synonymes de tentatives de suicide», d'après le rapport de l'OFS) a été observée en 2021, par rapport à 2020: la hausse s'élève à 26%, loin devant la progression annuelle de 9% en moyenne depuis 2016. En outre, 70% des personnes qui s'infligent des intoxications ou des lésions traumatiques sont des femmes, le plus souvent entre 15 et 19 ans.
L'OFS précise que ce sont les jeunes filles entre 10 et 14 ans qui semblent avoir le plus souffert durant la période analysée, avec un bond des hospitalisations qui atteint 52%. Cela représente 1 personne sur 100 dans cette catégorie de la population.
Pourquoi la santé mentale des jeunes est-elle plus vulnérable?
L'étude explique cette vulnérabilité particulière par les défis propres à cette phase de la vie, augmentés d'une part de stress liée aux conséquences de la pandémie. La propagation du virus a pu entraîner par exemple la fermeture de lieux de formation ou un ajournement d'un cursus. De même, les mesures de distanciation ont entravé la vie sociale des jeunes, sans oublier les difficultés économiques qui ont pu découler de la période Covid.
Or, même si la pandémie a marqué les années 2020 et 2021, il n'est pas possible d'expliquer la dégradation de la santé mentale des jeunes, et notamment des adolescentes, par les seules conséquences du virus. Il s'agirait plutôt d'une cause multifactorielle qui pourrait comprendre l'influence des médias sociaux, du climat socio-politique mondial ou encore de l'éco-anxiété.
Pourquoi les filles sont-elles plus touchées?
Interpellée par la Tribune de Genève, la cheffe du Département de psychiatrie du CHUV, Kerstin von Plessen, voit dans cet écart entre femmes et hommes une différence de socialisation: «Pendant la crise du Covid, plusieurs changements assez importants sont venus perturber les jeunes femmes, car nous avions beaucoup moins de contacts sociaux – qui sont plus importants pour les filles que pour les garçons, explique-t-elle. Lors des pauses à l’école, par exemple, les filles parlent tandis que les garçons jouent. De plus, nous pensons que les réseaux sociaux ont substitué les contacts directs.»
Dans l'émission Forum de la RTS, la médecin responsable de Malatavie (l'Unité de crise pour adolescent-e-s aux HUG), Anne Edan, admet avoir observé une souffrance plus importante chez les filles et explique que ces troubles sont symptomatiques du mal-être généralisé dans notre société. D'après l'experte, le fait que les filles soient plus nombreuses à être hospitalisées viendrait de leur plus grande lucidité, du fait qu'elles se sont plus informées pendant la pandémie et qu'elles ont été très présentes sur les réseaux sociaux, tandis que les garçons ont plutôt préféré s'évader dans les jeux vidéo, par exemple, plutôt que de faire face à la réalité.
La médecin aux HUG, Camille Nemitz-Piguet, ajoute, au micro du journal 19h30 de la RTS, que les filles ont plus de facilité à parler et à consulter, mais aussi que les adolescentes sont plus sujettes que les garçons à souffrir d'anxiété et de dépression, dès la puberté.
Comment faire alors, pour tenter de prévenir ce mal-être des jeunes filles en particulier, avant d'en venir à l'hospitalisation? Les expertes esquissent des pistes: Camille Nemitz-Piguet cite des initiatives cantonales de mise en place de centres de consultation dédiés à cette tranche d'âge et affirme qu'il y a des efforts à mener du côté politique pour réduire le stress des jeunes face à la crise climatique. De son côté, Kerstin von Plessen indique au Temps qu'il faudrait améliorer la promotion de la santé mentale dans les écoles, ou encore permettre un accès plus rapide à un pédopsychiatre.
Besoin d'aide?
Des personnes sont à l'écoute, n'hésitez pas à les contacter:
- Au 147, une ligne spécialement dédiée aux enfants et aux adolescent-e-s qui souhaitent confier un problème
- Malatavie, au 022 372 42 42
- La Main Tendue, au numéro 143
- Au 144, en cas d'urgence médicale