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«Vierges»: Une BD pour démystifier la notion de virginité

«Vierges»: Une BD pour démystifier la notion de virginité

Pour l'illustratrice Elléa Bird et l'autrice Élise Thiébaut, aborder le thème de la virginité paraissait comme une évidence. D’abord, parce que le sujet est peu traité. Ensuite, parce qu’il véhicule un nombre important de préjugés et de fausses idées.

© MANUEL LAGOS CID - ÉDITIONS DU LOMBARD

Un trou de serrure. C’est l’illustration qui ouvre la BD intitulée Vierges. La folle histoire de la virginité, cosignée par la journaliste Élise Thiébaut et la dessinatrice Elléa Bird aux éditions du Lombard. Un roman graphique qui comme son titre l’indique invite à explorer un mythe qui a marqué - et marque encore - la vie des femmes dans leur sexualité, tout en étant un moyen d’émancipation dans l’histoire.

Un trou de serrure. Une porte à forcer? Une invitation à guigner? Une ouverture vers une forme de liberté? «Il s’agit pour nous de raconter l’histoire de la virginité autrement, de telle sorte qu’on puisse se l’approprier», souligne Élise Thiébaut. Pour les deux femmes, faire aborder ce thème paraissait comme une évidence. D’abord, parce que le sujet est peu traité. Ensuite, parce qu’il véhicule un nombre important de préjugés et de fausses idées. Entretien croisé.

FEMINA Quel a été le point de départ de votre livre?
Élise Thiébaut L’idée de départ était de montrer en quoi ce mythe de la virginité était double: il pouvait à la fois être revendiqué comme une forme de liberté et être compris non pas comme une chasteté ou une absence de relations sexuelles, mais plutôt comme une forme de liberté de célibat ou de refus d’être assignée à la reproduction hétérosexuelle. Ça a pu être pensé et vécu par des millions de femmes, mais ça n’est jamais présenté comme une potentielle liberté, comme un potentiel pouvoir.

Dans les faits, la virginité est plutôt considérée comme un tabou?
Élise Thiébaut Oui, un tabou proche de celui des règles ou de la ménopause, dans le sens où on n’en parle pas. Ou peu. Ou mal.

Ce qui circule sur le sujet est toujours nimbé de mystère, de pseudo scandale. Avec cette idée que l’état de virginité ou de non virginité d’une personne va déterminer sa valeur, ce qu’elle fait de sa sexualité.

Ça repose sur le fait de ne pas en parler, de ne pas avoir de mots pour le faire.

Elléa Bird C’est vrai qu’on s’est rendu compte que peu importent les générations, il y a toujours un côté secret. On ne sait pas comment aborder ce sujet, ni avec qui.

Pourquoi est-ce si difficile d’en parler?
Élise Thiébaut Comme tous les tabous qui sont opérationnels, celui de la virginité fonctionne sur une injonction contradictoire: face je gagne, pile tu perds; si tu l’as fait, t’es une pute, si tu ne l’as pas fait t’es une idiote sans valeur.

Quoi que tu fasses lorsque tu es une jeune fille, c’est quelque chose qui va te mettre en difficulté.

Donc on n'aime d’autant pas aborder cette question-là puisqu’elle est susceptible à tout moment, quoi qu’on en fasse, de se retourner contre nous. Tout le livre vise à aller contre cette prophétie autoréalisatrice. On va s’en saisir, en faire un pouvoir qui nous appartient.

Elléa Bird Même lorsqu’il s’agit d’illustration sur ce sujet, on n’arrive pas à en faire quelque chose de léger. Il y a toujours un côté symbolique hyper important. Des fleurs dessinées pour parler de défloration prennent une signification chargée: elles se fanent, meurent, pourrissent.

Le but de ce silence, c’est de faire peur?
Élise Thiébaut Le propre du tabou, c’est de reposer sur des superstitions, des idées vagues qui sont toujours destinées à faire un peu peur. C’était vraiment l’objet du livre: défaire cette peur, parce que c’est cette peur qui s’impose à nous, nous contraint dans notre vie, notre sexualité, notre liberté.

Elléa Bird J’aurais voulu lire ce livre quand j’étais plus jeune! Pour lâcher prise sur cette notion de virginité et se libérer de cette pression, ces diktats qu’on nous serine depuis très longtemps, comme nous le montrons dans la BD en remontant l’histoire.

Justement, qu’est-ce qui a nourri ce mythe dans l’histoire?
Élise Thiébaut La question de la virginité trouve ses origines dans des croyances extrêmement anciennes: comment les femmes font-elles cette magie qui consiste à porter et mettre au monde des enfants aussi bien mâle que femelle, comment ça se passe, comment de rien naît-il quelque chose, comment saignent-elles sans en mourir? Tout ce truc magique en lien avec la lune, les croyances archaïques, et dans lequel la virginité était ce caractère assimilé à du divin, à de l’incompréhensible, et dans lequel la part prise par les hommes était incomprise, mal connue. C’est aussi ce qui a nourri le mythe de la virginité.

vierges roman graphique Lombard
Planche tirée de la BD «Vierges» © Éd. du Lombard

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en décortiquant le sujet?
Élise Thiébaut J’ai beaucoup écrit sur les questions liées au corps et la liberté depuis longtemps. Tout a été surprenant avec ce sujet, et dans des proportions encore plus importantes que lorsque je me suis attaquée au tabou des règles.

Le premier choc a été d’apprendre que l’hymen n’est pas ce qu’on imagine qu’il est.

Je l’ai vraiment appris en travaillant. L’hymen n’est pas une membrane, n’est pas fermé, ça n’est pas la peau d’un tambour qu’il faut déchirer ou percer. C’était vraiment une grosse surprise pour moi, surtout lorsqu’on sait le surinvestissement qu’il y a autour de l’hymen, incarnation de la virginité.

Elléa Bird La première surprise est venue dès la page 2 du livre, lorsque j’ai découvert que les déesses vierges n’étaient pas forcément chastes, et que ce mot désignait plutôt des femmes célibataires ou sans enfant, parfois même veuves ou ménopausées. J’ai aussi été surprise lorsque j’ai fait des recherches de planches anatomiques autour de l’hymen, je ne m’attendais pas à en trouver de formes aussi diverses et variées. Sur la notion de virginité, j’ai aussi découvert des représentations d’hymen avant et après pénétration.

Au-delà du mythe, la pression autour de la virginité est encore forte aujourd’hui?
Élise Thiébaut Il y a une pression très lourde dans le fait d’avoir une relation sexuelle parce que les conséquences en sont très importantes. Je parle du rapport hétérosexuel basique qui peut potentiellement aboutir à une grossesse et qui met en branle un historique lourd des relations hétérosexuelles, qui demeurent encore aujourd’hui asymétriques. Toute la pornographie le répète à longueur de films malheureusement.

La condition qui persiste des femmes dans la sexualité montre à quel point effectivement c’est compliqué. C’est là que va s’inscrire la question de la domination et de la soumission que l’on veut montrer dans le livre.

Freud dit que c’est par le plaisir qu’on s’attache la femme, l’histoire montre que c’est par la violence. On est prises dans nos sociétés modernes entre les deux, ne sachant pas ce qu’on va tirer au sort. Il y a de quoi être un peu inquiète et inquiet.

Elléa Bird sera présente à BDFIL à Lausanne, le week-end du 26 au 28 avril 2024.

bd vierges ed du Lombard
Planche tirée de la BD «Vierges» © Éd. du Lombard

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