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«Tapie», «Bernadette»: La femme de l’ombre, un fantasme?

Femme de lombre NETFLIX TAPIE MARIE GENIN

Sur Netflix, la série Tapie, un biopic auscultant l’ascension puis les dérives du businessman, dépeint sa femme Dominique comme une partenaire dévouée jouant les bras droits dans ses coups de poker professionnels.

© NETFLIX/MARIE GENIN

«Derrière chaque grand homme, il y a une femme.» Cette fameuse phrase attribuée à Talleyrand, personnalité de la France révolutionnaire, aurait plus de deux siècles, mais le nombre de ses adeptes actuels prouve qu’elle a définitivement le cuir dur. La preuve? Cette théorie selon laquelle les épouses des grands de ce monde participent activement à la starification de leur mari, voire s’immiscent dans toutes leurs affaires et prêtent leur matière grise, est au cœur de deux productions déboulant actuellement sur nos écrans.

Sur Netflix, la série française Tapie, un biopic auscultant l’ascension fulgurante puis les dérives du businessman, dépeint sa femme Dominique (incarnée par l'actrice Joséphine Japy) comme une partenaire dévouée jouant les bras droits dans ses coups de poker professionnels, et façonnant l’homme de sa vie pour en faire une véritable machine de guerre de l’espace public.

Au cinéma, la comédie Bernadette, signée par la réalisatrice Léa Domenach, propose une biographie romancée (et truffée d’humour) de l’épouse du président Jacques Chirac, dont elle serait progressivement, selon les thèses du film, devenue l’une des têtes pensantes du parcours politique, jetant son rôle originel de figure passive, anonyme, pour mieux endosser celui d’édificatrice de légende vivante et se créer un destin au passage, quitte à la montrer bien plus féministe qu'elle ne l'était.

Dominique Tapie, l’intrigante intriguée

Cette vision de la femme de l’ombre qui se met forcément à tirer les ficelles n’est-elle pas, d’abord, un fantasme, voire un stéréotype, prêtant aux dames des compétences innées de manipulatrices et d’intrigantes, ainsi qu’une dévotion amoureuse presque animale aux ambitions de monsieur? C’est justement ce que dénonçait récemment Dominique Tapie elle-même dans la presse, quelques jours après avoir découvert les faits et gestes de son personnage dans la création Netflix.

«Dans la série, on me fait presque passer pour la tête pensante […]. Mais je n’ai jamais mis un doigt, un œil, dans les dossiers de Bernard! s’insurgeait-elle notamment lors d’une interview accordée à Madame Figaro.

J’ai accompagné mon mari dans ses aventures, mais je n’ai jamais été investigatrice de ses affaires.

Des années après, j’ai appris qu’on avait signé pour moi, qu’il m’avait désignée comme associée sur des documents, et je lui en ai énormément voulu.»

Soucieuse de rétablir un peu de vérité sur le fonctionnement de son couple, elle ajoute: «J’étais une femme au foyer. J’avais mes cours de danse, mes amis… Je n’ai jamais travaillé, il ne l’aurait pas supporté. Je le gérais lui, les enfants, les chiens dont il était fou, l’organisation, les vacances… Le reste, ce n’était pas mon job.»

La veuve de l’homme d’affaires français le plus médiatique des années 80 et 90 persiste et signe au micro de la radio Europe 1, martelant que le biopic Netflix a beaucoup trop fantasmé son personnage:

«Je ne me suis pas du tout retrouvée […] dans mon rôle. Me mettre presque à un moment aux commandes des affaires, je ne l’ai jamais fait jamais, jamais, jamais.»

Dominique Tapie ne manque pas de rappeler qu’il s’agit certes d’un biopic autoproclamé, mais qui revendique également une part de fiction dans les situations, les dialogues et la psychologie des personnages.

Bernadette, une figure de fiction idéale

Même posture du côté de Bernadette (en salles le 4 octobre 2023), dont la réalisatrice a tout de suite précisé qu’il ne fallait pas y voir une sorte de documentaire stricto sensu, mais plutôt une œuvre fictionnelle.

«J’ai rencontré Léa Domenach qui m’a expliqué qu’elle ne voulait pas faire un biopic mais une fiction dans laquelle elle prendrait beaucoup de libertés, tout en restant fidèle aux événements, en s’appuyant sur des images réelles», révèle Catherine Deneuve, qui interprète l’ancienne première dame, dans un article du quotidien Ouest France.

Le cas Meghan Markle

Et c’est peut-être parce que de nombreuses parties de ces scénarios sont inventées que la figure de l’influente femme de l’ombre y est si présente: elle est avant tout un moteur idéal pour la dramaturgie. Comme dans le récit médiatique brossé par les tabloïds britanniques autour du couple Harry et Meghan: Miss Markle, prétendument ambitieuse, avide de pouvoir et de visibilité, a ainsi très vite été désignée responsable de l’attitude du prince vis-à-vis de la famille royale, les commentateurs voyant en elle l’instigatrice à l’origine de l’éloignement de Harry. Sans que tout cela soit vraiment démontré.

Car dans la vraie vie, dans les parages des hommes d’affaires, des leaders politiques ou des artistes masculins, l’attitude des épouses ou des compagnes est rarement aussi radicale. On se souvient de l’inquiétude de Cécilia Sarkozy à l’idée de voir son mari Nicolas être élu à la plus haute fonction de l’État, redoutant de perdre le contrôle de leur existence. Une fois à l’Élysée, l’épouse ne trouva d’ailleurs jamais complètement ses marques et finit par choisir la liberté et le calme, à l’opposé du modèle de la femme pygmalion construisant patiemment l’homme de pouvoir dont elle partage la vie.

Monsieur n'en fait qu'à sa tête

Mêmes réticences de la part de Melania Trump, on le sait, peu emballée par son rôle de première dame. On la disait même terrifiée par l’annonce d’une nouvelle candidature de Donald Trump pour la Maison-Blanche. Une partenaire de vie, certes, mais une associée, une conseillère de l’ombre, pas vraiment, son mari écoutant d’abord, comme de nombreux hommes de pouvoir, ses propres instincts et ses envies personnelles. Et la liste des autres exemples peut être longue...

Faut-il le rappeler, être une épouse n’est pas automatiquement un sacerdoce. On peut sans doute aimer l’homme de sa vie, le soutenir au quotidien, sans pour autant marier ses ambitions.

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