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Serial killeuse: Elisabeth Báthory, première tueuse en série

Femina 27 Serial Killeuse Elisabeth Bathory 00
© Naila Maiorana

Carte d’identité de la comtesse aux bains de sang

Nom: Elisabeth Báthory (1560-1614).
Née en: Hongrie (Nyírbátor).
Occupation: comtesse.
Nombre de meurtres: entre 36 et 650.
Période d’activité: 1604-1610.
Mode opératoire: torture entraînant la mort.
Sentence: condamnée à l’enfermement à vie.


©PVDE

Si les cinéastes adorent situer leurs films d’épouvante en Europe de l’Est, c’est un peu à cause d’elle. Elisabeth Báthory. En découvrant son portrait au musée national de Budapest on n’imagine pas une milliseconde qui se cache derrière ce visage blafard d’infante triste, osant à peine regarder le spectateur en face. Un détail dans cette peinture, exécutée quelque part au début du XVIIe siècle, trahit cependant la nature du personnage. Hormis les plis et replis d’organdi de soie ivoire, le rouge domine dans la robe de l’aristocrate. Un rouge carmin. Pour ne pas dire… carrément sanguin.

A côté d’elle en effet, les pires criminels hantant nos chroniques judiciaires passent pour des bricoleurs du dimanche. Car Elisabeth Báthory, comtesse hongroise née en 1560, première serial killeuse recensée de l’Histoire, est l’une des rares personnes à avoir intégré le Guinness Book des records pour des exploits purement liés à l’hémoglobine. Combien d’êtres humains ont perdu la vie en croisant le chemin de cette noble de la Renaissance? Au moins trente-six. Probablement plus. Peut-être même au-delà de six cents, selon les dires d’un proche qui aurait eu accès à ses journaux intimes…

Mais comment une femme admirée de tous, de bonne naissance, bénéficiaire d’une éducation de haut vol, parlant six langues, peut-elle soudain devenir un croc de boucher ambulant? Un rembobinage s’impose. Descendante d’une prestigieuse lignée, les Báthory, et d’une grande famille de la noblesse de Transylvanie (la patrie de Vlad l’Empaleur, alias Dracula), la jeune et belle Elisabeth aurait très tôt été trimballée sur les champs de bataille par son oncle, Etienne. Lequel, prince peu regardant dès lors qu’il s’agissait de trucider des congénères, aurait construit sa renommée sur ses manières imaginatives d’achever ses ennemis. A l’âge de 11 ans, la comtesse est fiancée à un certain Ferenc Nádasdy, futur général hongrois qui, lui non plus, ne fera pas dans la dentelle au front. On le surnommera bientôt le «chevalier noir». Sympa l’entourage, même si, à l’époque, la mort et la guerre font un peu partie des meubles.

Une prédatrice

Elle épouse Ferenc cinq ans plus tard. Dans la corbeille de mariage, le château de Čachtice, en actuelle Slovaquie. Après ces noces adolescentes, le couple ne passera pas beaucoup de temps ensemble. Ferenc est souvent pris par ses engagements militaires. Elisabeth doit gérer seule le domaine, ainsi que les cinq enfants qui naissent de l’union. Mais la tâche ne lui pèse pas et la propulse au faîte de la société. Rarement une femme de l’époque aura eu tant de pouvoir et de fortune entre les mains. La situation prend encore plus d’ampleur lorsque Ferenc rend l’âme, en 1604. Mais personne n’ose critiquer l’autorité de la comtesse, à part ce pasteur luthérien qui, dès 1602, débarque à la cour de Vienne avec un seul mot à la bouche: Elisabeth Báthory est une prédatrice.

Durant des années, pourtant, les autorités ne pipent mot. Puis, les rumeurs devenant cacophoniques, l’empereur Matthias Ier diligente une enquête. On raconte que de nombreuses jeunes filles disparaissent. On parle de meurtres ignobles. On décrit des tombes sauvages et improvisées autour de Čachtice… Le palatin György Thurzo est envoyé sur les lieux pour démêler fantasmes et réalité. Il ne regrettera pas le déplacement. Trois cents personnes vont lui parler des assassinats commis par la comtesse. Les victimes? Toujours des jeunes filles, attirées pour la plupart par des offres d’emploi de domestique au château. Elisabeth et une poignée de complices (dont des femmes du personnel, un nain et une influente amante adepte de la sorcellerie, Anna Darvulia) joignaient leurs forces pour kidnapper les proies et les torturer à mort. Brûlures. Mutilations. Morsures. Tabassages. Une série d’homicides frénétiques qui aurait débuté avec la disparition de Ferenc. Un pasteur raconte même avoir été forcé par l’aristocrate à enterrer neuf cadavres.

Afin de ne pas jeter l’opprobre sur la famille, la comtesse est assignée à résidence dans sa demeure, tandis qu’un procès se tient en janvier 1611. Jugée coupable, Elisabeth est condamnée à rester enfermée dans son château jusqu’à sa mort, qui surviendra quatre ans plus tard. Ses deux domestiques complices ont les doigts arrachés puis sont jetées au bûcher. Le nain est décapité puis abandonné au feu. Quant à Anna Darvulia, elle a fui avant l’audience. Personne ne l’a jamais revue ni n’a vraiment su quelle influence cette Raspoutine au féminin avait eu sur la comtesse.

Péchés de femme

Les motivations de Báthory demeurent d’ailleurs une énigme et tendent à se noyer dans le flou au fil des siècles. Devenant un véritable mythe, l’histoire d’Elisabeth a été reprise, déformée, agrémentée de toutes sortes de détails sensationnalistes n’apparaissant pas dans les comptes-rendus du procès, redécouverts avec la fin de la Guerre froide. Selon des récits plus tardifs, souvent moralisateurs et écrits hors-sol, la comtesse aurait notamment pris goût aux bains pris dans le sang de ses victimes, croyant pouvoir ainsi entretenir l’éclat de sa beauté. D’autres s’attardent sur la possible hypersexualité de cette femme de pouvoir au mari absent. Nécessairement narcissique, nymphomane et frustrée, sinon comment expliquer qu’une dame bascule dans un tel sadisme? Eloignant la morale religieuse douteuse qui a longtemps pollué la légende de Báthory, les experts récents soulignent quelques éléments dans la biographie de la comtesse qui peuvent éclairer cette soif de meurtres sous l’angle de la psychologie. Elisabeth a notamment entretenu une brève liaison avec un paysan lorsqu’elle avait 14 ans. Une fille est née de cette relation interdite, mais l’enfant n’a pas survécu. Cet événement fut-il un traumatisme fondateur, lui donnant l’envie de s’en prendre à des victimes du même sexe et âge qu’elle au moment des faits?

Certains historiens évoquent néanmoins la possibilité d’un procès aux accusations largement exagérées. Le but? Faire chuter une femme dont le pouvoir immense était regardé comme non naturel à l’époque. Mais alors, pourquoi ne pas l’avoir simplement accusée de sorcellerie, motif de condamnation le plus courant en ces temps, au lieu de lui mettre un vaste massacre sur le dos, objectent certains spécialistes? On oublie, peut-être, l’explication la plus simple: la comtesse n’aurait été que le fruit monstrueux d’une période où la mort violente était tout autant une banalité… qu’un divertissement.

Du château de Čachtice, où Báthory a commis nombre de ses meurtres, il ne reste que des ruines. Le site est un des spots touristiques slovaques.


©Ján Sokoly/wikimedias

Pour les «metalleux», la comtesse sanglante est une figure mythique. Plusieurs groupes de black métal lui ont consacré une chanson. Une formation suédoise s’est même tout simplement baptisée Bathory…

Elisabeth Báthory a suscité nombre d’adaptations sur grand écran. Dernières en date: «Chroniques d’Erzébeth», avec Anna Friel dans le rôle titre (2008, le plus grand succès au box-office slovaque et tchèque), puis «La comtesse», de et avec Julie Delpy (2009).

Publiée en 1964, la biographie (très, trop romancée) de l’écrivaine surréaliste Valentine Penrose a popularisé la figure de la comtesse, contribuant beaucoup au mélange inextricable entre faits et fable.


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