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Décryptage

Photothérapie: Une méthode pour réparer l’image de soi

La phototherapie aide a se reconcilier avec soi meme 3

Face au miroir, une femme qui ne s’est pas regardée dans une glace depuis dix ans apprend à accepter son image, accompagnée par Valérie Moulin et son appareil photo.

© VALERIE MOULIN

Lorsqu’on demande à Valérie Moulin sa définition de la photothérapie qu’elle pratique à Sembrancher (VS), elle répond d’abord par ce que ça n’est pas: «Ce n’est pas un shooting photo. En photothérapie, la photo est une porte d’entrée. Ça n’a strictement rien à voir avec le fait de mettre les gens en valeur grâce à des postures pour les rendre beaux et belles. L’approche est complètement différente.»

Une approche différente et thérapeutique puisqu’elle invite à une démarche où le corps est le point de départ à une profonde réflexion sur ce qu’il exprime. «L’idée, c’est de partir du corps, de ce qu’il raconte, que ce soit un mal-être ou une maladie. On utilise la photo d'une personne, on la met face à son image pour l’amener à se voir, à se comprendre pour pouvoir se libérer et se réconcilier avec soi, continue la photothérapeute valaisanne.

Pour moi le mot thérapie a son sens, car c’est vraiment un travail introspectif intense qui mène vers un mieux-être.»

Un puissant outil

Même approche pour Elvira Maeder, photothérapeute basée en Gruyère du côté de Bulle (FR), qui parle de «thérapie du corps et de l’image de soi par différents outils tels que le travail face au miroir, la visualisation émotionnelle ainsi que la photographie thérapeutique».

Photographes indépendantes de profession depuis plusieurs années, Valérie Moulin et Elvira Maeder se sont toutes deux formées à la photothérapie en France, après être arrivées au même constat: celui de l’impact de l’image sur les personnes photographiées. «Les séances de photos classiques ne me suffisaient plus, confie Elvira Maeder. Je constatais que les gens avaient des blocages avec leur image. C’était alors évident d’aller plus loin dans la démarche et de les accompagner afin que ces personnes puissent se rencontrer, se réapproprier leur image et se réconcilier avec différentes parties d'elles-mêmes visibles et invisibles.»

Le but, ainsi, n’est pas de se trouver beau et belle ou mis-e en valeur, mais de lancer un processus d’acceptation de soi. «Le support de l’image permet aux patient-e-s de se voir réellement comme ils et elles sont. C’est un outil puissant, autant pour des personnes qui manquent d’estime que pour des corps meurtris par la maladie», pointe Elvira.

«La photo en tant que telle n’est pas très importante, c’est un outil. Je mets la personne photographiée face à sa photo, ou face au miroir, et je décode ce qu’il se passe dans son corps au moment où elle se voit. Une synergie voit le jour entre ce que le corps exprime, ce que la personne voit d’elle et ce que le cerveau est prêt à faire passer de l’inconscient au conscient. Des sensations, des émotions surgissent. Il est temps de les libérer et de se désencombrer», explique Valérie Moulin avant de soulever un point crucial:

«Dans une société comme la nôtre où l’on aime se voir toujours beau et souriant, ça peut être confrontant.»

L’image comme soutien à la parole

En Gruyère comme à Sembrancher, la majorité des personnes qui entament la démarche sont des femmes. Même s’il n’y a pas de profil type pour se lancer, Valérie Moulin explique: «La photothérapie est destinée à tout le monde à partir du moment où il y a un rapport avec le corps ou un mal-être psychologique, émotionnel ou spirituel. Je suis par exemple en train de suivre une femme qui ne s’est pas regardée dans un miroir depuis dix ans. Elle se regarde la tête dans une glace pour se coiffer, mais la première fois que je l’ai rencontrée elle m’a dit ne pas savoir à quoi son corps ressemblait.»

Véritable accompagnatrice, la photothérapeute module les outils à disposition en fonction de la personne en face. «Avant d’entrer dans la photothérapie, on a d’abord travaillé avec elle en constellation familiale et en psychogénéalogie. De ces approches ont découlé des actes symboliques pour déposer ce qui devait l’être. Après trois séances, elle a pu se voir. Maintenant on est dans une phase où elle est en sous-vêtements face au miroir.»

Elvira Maeder adapte elle aussi ses accompagnements en fonction des besoins de chacun-e. «En photographie thérapeutique, j’écoute la personne et l’invite à poser des intentions avant de commencer l’expérience. Parfois, je mets de la musique afin qu’elle puisse plus facilement vivre le moment et accueillir pleinement ce qui se présente. Certaines sont un peu perdues, ne savent pas quoi faire. J’apporte alors ma guidance, je leur dis qu’elles peuvent bouger leurs mains, par exemple, et si je perçois une émotion, je leur demande ce qu’il se passe en elles et les encourage à s’exprimer.

Parfois les personnes pleurent, crient, parce qu’elles souffrent, elles en ont marre de ne montrer que certaines facettes d’elles-mêmes pour plaire, pour être aimées. C’est véritablement libérateur!»

Une vulnérabilité capturée par l’objectif, pour exprimer qu’elles sont fatiguées, en colère, au bout du rouleau.

Accepter de se réconcilier avec son image est un moment fort en émotion, comme ici lors d’une séance organisée par la photothérapeute Elvira Maeder. © ELVIRA MAEDER

Une expérience qui guérit

Si la démarche se fait plutôt individuellement, elle peut être proposée en groupe, comme l’a expérimenté Elvira dernièrement en invitant trois femmes atteintes de cancer du sein, dont Michèle. «Je les avais accompagnées chacune individuellement et on a voulu s’unir pour qu’elles sentent cette force commune, ce soutien.

Lors de la première visualisation des images, elles n’ont presque pas pu parler tellement il y avait d’émotions.

C’est tout un processus qu’on ne comprend pas forcément et qui passe par le corps», réagit Elvira Maeder. Une expérience encore différente quand elle se vit en groupe, mais que la photothérapeute estime «guérisseuse».

Michèle, 34 ans: «J’étais prête à me voir telle que je suis»

MichèleMichèle, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2023,
Photographiée en pleine nature, Michèle, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2023, est en pleine phase d’acceptation de se voir sans perruque. @ ELVIRA MAEDER


Michèle, qui faisait partie des participantes d'une expérience en groupe, nous livre son témoignage poignant.

«En juillet 2023, on m’a diagnostiqué un cancer du sein. À cette annonce, une des pires choses pour moi, c’était de savoir que j’allais perdre mes longs cheveux. J’en ai beaucoup souffert. Je l’ai longtemps caché sous des perruques, «comme si ça n’existait pas». En novembre de la même année, au milieu de mes chimiothérapies, j’ai pris rendez-vous avec Elvira, qui est par ailleurs une amie d’enfance. J’étais partante pour me voir différemment. Excepté mes proches, elle a été la première personne à me voir sans ma chevelure.

En commençant la photothérapie, j’ai été d’abord surprise par la manière dont les émotions sont accueillies quand on est photographié.

Ensuite, devant la photo, j’ai vu quelque chose que je ne voyais pas en me regardant dans le miroir: j’étais toujours moi, même sans mes cheveux. C’était moi à l’état brut.

J’ai de moins en moins porté ma perruque depuis, elle devenait plus «lourde» physiquement, et aujourd’hui je ne la porte plus. Maintenant mes cheveux repoussent et j’assume ma coupe courte. Même si je suis suivie psychologiquement, cette expérience de la photothérapie est complètement différente.

Avec deux autres femmes elles aussi atteintes d’un cancer du sein et qu’Elvira accompagnait, on a revécu l’expérience à trois.

Cela a créé un lien fort. On guérit ensemble, on partage la même vulnérabilité, avec des mutilations physiques et des blessures émotionnelles différentes. Ça aide au processus de guérison avec ce nouveau corps.

C’est une expérience que j’ai envie de partager, car c’est libérateur. Pour soi, et pour les proches. Cela a un effet propulseur. Et la photo est la trace de ces émotions libérées.»

Plus d’infos sur elvimotion.ch et valeriemoulin.ch

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