Société
Palmarès de l’OFS: Les prénoms en «a» sont rois
L’Office fédéral de la statistique (OFS) a dévoilé le 22 août 2023 le palmarès des prénoms les plus donnés en Suisse pour l’année 2022 où l'on dénombre 82'371 naissances. En Romandie, chez les filles, le top 3 est Emma, Mia et Sofia. Chez les garçons, on retrouve Noah, Liam et Matteo. Selon Benjamin Coulmont, sociologue et professeur à l'École normale supérieure Paris Saclay, cette liste évolue relativement peu. Pour l’expert des prénoms, il est possible d'imaginer à court terme les prénoms du futur: il suffit d’observer ceux qui gagnent en popularité.
Sur le long terme, c’est plus compliqué. Il y a toutefois une tendance en pleine croissance parmi les prénoms féminins. Vous avez peut-être deviné, il s’agit de la mode des "a", qui pourraient bien avoir encore de beaux jours devant eux. «Ces dernières années, il y a presque une fille sur deux qui porte un prénom court qui termine en “a”. C'est beaucoup plus flagrant que les autres modes. Par exemple, les prénoms en “ine” n'ont pas connu la même diffusion, explique le sociologue. Les prénoms en “ie”, comme Sophie, Nathalie, quand ils étaient à la mode, ne couvraient pas la moitié des naissances». Alors, à quoi ce boom des prénoms en “a” est-il dû? Il peut s’agir «soit d’un changement structurel qui durera longtemps, soit d’une vraie mode, et à ce moment-là, on risque d’assister à un essoufflement.»
Du neuf avec du vieux
Même si un prénom a connu son heure de gloire, il peut s'essouffler du jour au lendemain. Prenez Maxime. Qui ne connaît pas un Maxime, souverain incontestable des années 90? Et bien il ne figure même pas dans le top 30 de 2022. Exit aussi Jessica, Dylan et Kévin. Bonjour aux Louis, Léon et Emma. Assiste-t-on au retour des vieux prénoms? «Le retour des vieux prénoms, ce n'est pas quelque chose de nouveau. [Dans l’histoire], dès que les prénoms ont été choisis par les parents indépendamment des prénoms qui circulaient dans leur famille, on a vu la remise au goût du jour de prénoms anciens», observe Benjamin Coulmont.
Comme dans la mode, les tendances des prénoms suivent des schémas cycliques. «Une des manières de créer du neuf, c'est de revenir à des formes anciennes qui n'ont pas été utilisées récemment, résume Benjamin Coulmont. Vous pouvez faire du neuf avec du vieux. Par exemple Claudia qui succède aux Claudine, Claudie et autres Claudette. Avec Hélène, vous faites Elena. Avec Victoire, Victoria. Claire devient Clara. Avec Jules, vous faites Julia. Avec Sophie, Sofia. Et Ève, Eva. Tous ces prénoms sont construits sur une base classique, mais permettent de faire du neuf, illustre-t-il. Au final, des prénoms comme Jules, Léon ou Charles sont aujourd'hui beaucoup moins donnés qu'ils ne l'ont été au XIXe siècle.»
Vers des prénoms épicènes?
Les prénoms non genrés, qui se donnent autant à une fille qu’à un garçon, sont-ils en train de gagner du terrain? Selon le spécialiste, peu de prénoms suivent cette tendance. «Il y a des prénoms qui sont majoritairement féminins, mais qui sont donnés à des garçons ou l'inverse. Par exemple Charlie, c'est un prénom qui est en voie de féminisation. Ou le prénom Camille, qui est en forte chute chez les filles. En proportion, il y a plus de garçons qui s'appellent Camille, mais c'est un prénom qui est beaucoup moins donné aujourd'hui.»
Benjamin Coulmont prend aussi l’exemple d’Eden. En France, 83% des Eden sont des garçons. Depuis les années 2010, il a aussi gagné en popularité sur notre territoire dans sa forme masculine. Pourtant, dès le 17e siècle, il est très utilisé au féminin par les anglophones. En l'occurrence, en hébreu, Eden signifie «plaisir et délice». Peu importe l’étymologie du vôtre, Ginette Reno, chanteuse et actrice montréalaise, vous dirait qu’«un des plus beaux cadeaux que nous ait fait la vie, c’est quand notre prénom a l’air d’un mot gentil.»