Société
L'édito de Géraldine Savary: «Pas de Micheline chez Michelin»
«On relit la liste plusieurs fois, on se dit qu’on a raté une ligne mais non, rien à faire, pas une seule femme ne cuisine avec suffisamment de brio pour l’illustre bible rouge.»
© ELSA GUILLETLe 2 octobre 2023, le guide Michelin, en grande pompe et champagnes millésimés, a dévoilé la liste des talents nouveaux ou confirmés de la gastronomie helvétique, lors d’un dîner de gala à l’École hôtelière de Lausanne.
Cocorico, une pluie d’étoiles est tombée sur la Suisse romande et ruisselle sur d’incroyables chefs cuisiniers: Benoît Carcenat, Nicolas Darnauguilhem, Benjamin Le Maguet, Gilles Varone, Franck Pelux, Olivier Jean, Mariano Buda, Grégory Halgand, Gerardo Metta. On relit la liste plusieurs fois, on se dit qu’on a raté une ligne mais non, rien à faire, pas une seule femme ne cuisine avec suffisamment de brio pour l’illustre bible rouge. «Le genre n’est en aucun cas un critère pour nos inspecteurs», rétorque Tanguy-Léon Pflieger, le directeur suisse à qui Le Temps a posé la question.
Le genre n’est à tel point pas un critère aux yeux de ces messieurs, qu’ils retirent même un macaron à une des rares femmes à faire partie du club. En effet, Marie Robert, la patronne du Café suisse à Bex se voit privée de son étoile pour l’année 2023. Que s’est-il passé? Il s’est passé que Marie Robert a eu un bébé, ce sont des choses qui arrivent dans le genre féminin. Sa petite Camille est née il y a quatorze mois. Marie Robert n’a pas fermé son restaurant pour autant, elle a transporté son ventre et ses casseroles, a accouché, traversé un baby blues comme de nombreuses femmes, n’a pas arrêté de s’affairer, de proposer de nouveaux menus, de tenir son équipe, de tenir un établissement qui n’est pas adossé à un grand hôtel ou à un terrain de golf, de s’occuper de sa fille en même temps.
Choix du public
Le genre n’est pas un critère gustatif, certes, mais concilier pour une femme créativité, entrepreneuriat et l’arrivée d’un enfant n’est pas chose facile. Tout le monde le sait et le comprend désormais, sauf manifestement les inspecteurs du Guide Michelin, qui, forts de leur pouvoir, ont abattu leur implacable glaive.
Heureusement, pour nous et pour toutes les femmes qui gardent l’ambition d’ouvrir un restaurant, de régaler les gens et de fonder une famille, le Michelin n’est plus le prescripteur souverain qu’il était. Il y a d’autres guides, d’autres critiques, d’autres façons d’acquérir notoriété et considération. La première étant celle qui vient du public. Et justement, le café de Marie Robert ne désemplit jamais.
