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Emballages cosmétiques: vers la fin du plastique?

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Tous secteurs confondus, on produit 359 millions de tonnes de plastique chaque année (Source: WWF, 2018). Seuls 20% sont recyclés. Huit millions de tonnes finissent dans les océans.

© Shane Gros / Stocksy

«Le plastique c’est fantastique», chantait, en 1990, un groupe oublié depuis, et pour cause: aujourd’hui, le refrain serait plutôt «zéro plastique c’est fantastique», un objectif que beaucoup d’acteurs de la beauté se sont imposé pour un avenir proche; 2025, par exemple, pour Clarins, Garnier ou encore Kneipp. D’autres y sont déjà, comme le breton Yves Rocher ou la toute fraîche weDo/, basée à Genève.

«C’est une tendance de fond», constate Marcial Vargas, consultant chez Quantis, un groupe de scientifiques spécialisés dans le calcul du cycle de vie et de l’empreinte carbone. Start-up de l’EPFL devenue groupe mondial, Quantis accompagne les entreprises dans la compréhension de leur problématique. «Les marques ont conscience qu’elles ont de gros efforts à faire pour arriver à respecter les accords de Paris, soit limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C. Elles ont intégré ces démarches à leur modèle d’affaires.»

Si l’industrie cosmétique n’est pas la plus grande utilisatrice de plastique, elle peut néanmoins avoir un impact considérable en modifiant ses standards. Garnier, par exemple, produit 1,8 milliard de flacons chaque année, dont notamment ses gammes Ultra Doux ou Ambre Solaire bien connues du grand public. En travaillant à rendre ses emballages 100% recyclables, recyclés ou compostables, le géant compte économiser 37 000 tonnes de plastique par an.

«Notre démarche de développement durable a commencé il y a plusieurs d’années, détaille Aurélie Weinling, directrice scientifique en charge du développement durable chez Garnier. Nous avons travaillé dès 2007 à l’optimisation environnementale de nos emballages.

Nous avons ensuite proposé des produits contenant plus de 98% d’ingrédients naturels et déployons encore plus largement cette approche durable avec des produits engagés, comme Garnier Bio Hemp, conditionnés dans des tubes intégrant du carton pour substituer et diminuer l’usage de plastique. Nous lançons aussi notre première gamme de shampoings solides zéro déchets.»

De son côté, Yves Rocher s’est emparé très tôt du problème en supprimant dès 2006 les sacs en plastique et en commercialisant ses premiers flacons avec 25% de PET recyclé dès 2009. Depuis octobre dernier, 100% de ses emballages sont en plastique recyclé, à l’exception des pompes et de certains bouchons. L’entreprise, toujours en mains familiales, anticipe ainsi la directive européenne interdisant les produits à usage unique et imposant, d’ici à 2025, l’utilisation de 30% de plastique recyclé dans les bouteilles commercialisées.

Bien sûr, le soupçon de green washing n’est jamais loin. Toutefois, les chiffres avancés sont désormais soumis à des audits externes; PricewaterhouseCoopers le fait pour Garnier, par exemple. Par ailleurs, des outils comme SPICE ont été développés spécialement pour cette industrie. Conçue par Quantis, cette plateforme en libre accès permet de calculer l’impact global d’un emballage — de la production à l’élimination — à travers 16 indicateurs comme la quantité d’eau utilisée ou l’effet sur la biodiversité.

Phase de transition

Cette transition écologique affichée réjouit tout le monde. En théorie. En effet, les jeunes générations manifestent pour le climat dans la rue, mais leurs préoccupations s’expriment moins dans l’acte d’achat.

«Les marques avec lesquelles nous travaillons évoquent souvent le problème du consommateur. Est-il prêt? Car si acheter une bouteille de shampoing en plastique recyclé ne bouleverse pas ses habitudes, détaille Marcial Vargas, en revanche passer au shampoing solide ou retourner au point de vente pour un remplissage représente un gros changement.»

Les nouvelles gammes qui arrivent sur le marché semblent néanmoins conçues pour répondre aux attentes écologiques des millennials et de la Gen Z. Le groupe Coty (près de 80 marques dont Wella, Sebastian Professional, Covergirl, les parfums Calvin Klein, etc.) vient de lancer weDo/ (Nous agissons), une jolie ligne capillaire de 18 références aux valeurs fortes: vegan, cruelty free, recyclable et dont les ingrédients sont à 99,7% naturels. Son co-créateur, Antoine Schuler, explique:

«Il y a cinq ans, ce qui caractérisait la beauté naturelle, c’était l’épuration de la formule, le free of, sans paraben, sans silicone etc. Aujourd’hui, nous sommes dans une approche globale. Les efforts couvrent tous les domaines, des sources d’approvisionnement aux emballages, avec des implications sociales et environnementales.»

La petite équipe a travaillé sur ce projet éco-éthique durant 2 ans, dans «un esprit de start-up», en partant de zéro et en pensant différemment. Malgré tout, les flacons restent un problème difficile. «Je voulais sortir du plastique, avoue Antoine Schuler, explorer d’autres voies, l’alu, le verre, mais quand on compare les alternatives, on se rend compte qu’un des matériaux les moins impactants pour nos produits liquides est le plastique recyclé, permettant de réutiliser le plastique déjà existant. Je crois beaucoup aux produits solides, c’est le futur, car le meilleur déchet est celui qu’on ne crée pas. Le plastique recyclé permet dès lors une phase de transition.»

Aux consommateurs, ensuite, de jouer le jeu et de ramener les flacons vides en déchetterie, condition sine qua non pour que le cercle vertueux fonctionne. Et là, la marge de progression est encore grande… ce qui froisse des acteurs majeurs de la protection de l’environnement. Si Philipp Rohrer, chargé de campagne Zéro déchet pour Greenpeace Suisse, salue les efforts des grands groupes, il rappelle que le problème vient surtout de la quantité de déchets, peu importe leur matière! Et d’ajouter: «La suppression du plastique vierge doit se faire sans recourir à de fausses solutions, c’est-à-dire sans utiliser de matériaux de substitution tels que le bioplastique, le plastique compostable, le papier ou le carton. Ces matériaux à usage unique ne font que perpétuer la culture du jetable et ont aussi de fâcheuses conséquences sur l’environnement. L’accent doit donc être mis sur des solutions réutilisables hygiéniques, sûres, pratiques et basées sur la recharge.»

De déchets à ressources

Dans l’idée d’agir collectivement et sur tous les plans, le dernier point d’engagement consiste à soutenir une ONG active sur le terrain. Ainsi, Clarins est-il partenaire de Plastic Odyssey et de son bateau laboratoire qui parcourt le monde. weDo/ a choisi Plastic Bank et ses filières de recyclage dans les pays en voie de développement. Garnier soutient Ocean Conservancy, qui organise le nettoyage des plages, et Plastics for Change, qui soutient les collecteurs indépendants en Inde et leur famille afin de leur offrir un meilleur futur.

Toutefois, ces efforts restent fragiles et soumis aux lois du marché. «La pollution par le plastique est hors de contrôle, déplore ainsi Andrew Almack, fondateur de Plastics for Change. Le prix très faible du plastique vierge n’encourage pas les filières de recyclage. Par ailleurs, la pandémie de Covid-19 aggrave encore les choses. Le ralentissement de l’économie est à l’origine de tarifs historiquement bas et les filières de recyclage s’effondrent partout dans le monde.» Son objectif est double: améliorer les moyens de subsistance des populations locales et aider les entreprises à passer à une économie circulaire.

«Les déchets en plastique peuvent être une ressource pour un changement positif. En Inde, 40% des ordures ne sont pas ramassées du tout, ce qui permet aux collecteurs non officiels de jouer un rôle crucial dans la récupération du plastique jeté afin de le réinjecter dans l’économie.»

En aidant ces travailleurs précaires à accéder à l’éducation et au système de santé, ils peuvent devenir de véritables entrepreneurs du recyclage et offrir un meilleur futur à leurs enfants et notamment aux filles. Un objectif qui n’est pas si inenvisageable, puisque, selon le WWF, la pollution plastique a été créée en une génération et qu’elle peut également être résolue en une génération en prenant nos responsabilités à l’échelle mondiale.

3 questions à Marcial Vargas, Senior Sustainability Consultant chez Quantis

FEMINA Le plastique est une ressource recyclable à l’infini?
Marcial Vargas Pas à l’infini, mais on peut le recycler plusieurs fois, oui. Le problème du plastique recyclé est qu’il provient d’un mélange de matières, la qualité se dégrade donc à mesure qu’on le refond. On peut surmonter ça en créant une boucle fermée, c’est-à-dire en recyclant toujours le même plastique. De nouvelles technologies sont également en développement pour décomposer chimiquement le plastique et créer une nouvelle matière à partir des particules élémentaires.

Pour rester écologique, le plastique ne doit pas provenir de l’autre bout du monde. Or, le problème des déchets concerne surtout les pays en voie de développement.
Utiliser du plastique local est toujours mieux, même si la transformation, et non le transport, constitue la majeure partie de l’impact sur l’environnement. Il y a encore des efforts à faire, même en Europe. Aucun pays ne dépasse 50% de taux de recyclage. Mais au moins il ne finit pas dans la nature, comme c’est le cas dans les pays en voie de développement qui n’ont tout simplement pas les infrastructures pour le collecter. Le type de plastique qui pose problème chez nous ce sont les plats achetés à l’emporter. Ces déchets-là finissent parfois dans l’environnement.

Recycler, c’est bien, mais dans le fond, on sait aussi qu’il faut consommer moins…
Toutes les marques qu’on accompagne sont en quête de solutions pour limiter la quantité de matière utilisée dans les emballages. Elles sont conscientes que le changement passe aussi par moins de volumes de vente, mais comment faire sans mettre en péril l’entreprise? Nous n’avons pas de catalogue de solutions, mais nous les aidons à chiffrer précisément le coût du changement dans un temps donné.


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