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Débat: a-t-on le droit de ne pas s'épiler?
NON: Jennifer Segui
© Corrine Sporrer
Je ne vais pas me faire des copines avec ces quelques lignes. Je le sais. Je le sens. Pourtant, pas fofolle, je limite les risques: je laisse tomber le véganisme et les assurances maladie, les sujets «touchy feely» du moment, ceux qui provoquent stupeur et tremblements autour du repas du dimanche ou sur les réseaux sociaux. Le sujet est bien plus léger, au propre comme au figuré. C’est du poil, ou plutôt de son éradication volontaire, que je vais me faire l’avocate. Car, contrairement à la jeune fille ci-dessus, qui, ma foi, fait ce qu’elle veut avec ses gambettes habillées pour l’hiver et ne mérite en rien les tonnes d’insultes qu’elles ont engendrées, je continuerai à être de celles qui s’arrachent le bulbe régulièrement afin que jambes et aisselles demeurent plus proches du crâne de Dwayne Jonhson (ou de Kojak pour les plus de quarante ans!) que de celui de Chewbacca.
Ni futile ni soumise, je revendique le droit de ne pas laisser libre cours à mon animalité juste pour donner le sentiment d’être cool, engagée, ou libérée de l’obligation de devoir plaire aux autres. S’épiler, c’est d’abord une question d’esthétique et d’hygiène. C’est de fait pour cette raison que les femmes, et les hommes aussi d’ailleurs, ont commencé à se débarrasser de leurs toisons dès l’Antiquité. Il ne me viendrait pas à l’idée de sortir avec les ongles sales et la mèche grasse. Pas davantage avec les aisselles velues. Eh oui, c’est aussi une question d’estime de soi. Dans l’idée de se plaire à soi-même et non pas – ô c’est si mal! – de chercher à exister à tout prix dans le regard de l’autre.
Le discours ambiant prône le retour à l’authentique: le poil s’assume autant que le cheveu blanc, le poivre et sel et les jambes de yéti deviendraient l’apanage des femmes débarrassées des chaînes de la féminité à tout prix. On veut du naturel côté bouffe comme côté touffe. Chacune son truc. Mais je préviens tout de suite: vous pouvez prendre mon mascara, mon coca et ma Mazda… mais vous n’aurez pas ma liberté de raser.
OUI: Saskia Galitch
© Corrine Sporrer
Si j’en crois pas mal de mes sœurs humaines, l’épilation serait «une étape incontournable de notre routine beauté», sous prétexte que «les poils, c’est laid!» Ah bon. Parce que des velues notoires comme Julia Roberts, Arvida Byström ou encore Lola Kirke seraient plus jolies rasées? Eh bien ce que je trouve vraiment moche, moi, ce sont les heures perdues à éradiquer ces prétendus importuns alors qu’on pourrait passer ce temps à faire des trucs plus rigolos. Non, cet argument n’est pas recevable. Suivant?
Bref, une vision un brin débilitante de la femme, de la sensualité et du désir. Et puis n’en déplaise aux adeptes de la barbiefication du corps, «le poil, c’est très érotique». Si, si, c’est même l’hypersexy Laetitia Casta qui le dit! D’ailleurs, pas mal d’hommes sont très friands du «tout naturel» et de l’«à poil». J’en connais qui sont même dégoûtés par l’aspect «ado prépubère» des dépoilées de tous crins et qui trouvent qu’il s’agit-là d’une forme de «jeunisme éperdu et pitoyable» (sic).
Quant à l’idée que les touffues font crade et que l’épilation est une question d’hygiène… je réfute aussi. Car glabre ou pas, une aisselle transpire. Pour le coup, la douche et le déo s’imposent quoi qu’il arrive. Ensuite… Sans remonter à l’origine du monde si chère à Courbet, je signale que si l’humain est doté d’un système pileux encore si actif, ce n’est pas pour des prunes: protection, thermorégulation, barrière anti-cochonneries, etc. Et puis si on va au bout de cette logique pseudo-hygiéniste... les coupures et rougeurs post-épilatoires ne font pas très propre non plus. Ou bien? Non, décidément, le seul poil vraiment barbant à éliminer sans pitié, c’est celui qu’on a parfois dans la main…
NB: Soyons honnêtes: ce type de point de vue est plus simple à défendre quand on a, par nature, trois poils blonds qui se courent après…
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