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Cinéma français

Amanda Castillo analyse l'emprise vécue par Judith Godrèche

Amanda castillo analyse lemprise vecue par judith godreche

Judith Godrèche a explicitement dénoncé en janvier 2024 sa relation abusive avec le réalisateur Benoît Jacquot.

© LEEXTRA/LICONOCLASTE/CELINE NIESZAWER - GETTY IMAGES/FRANCOIS G. DURAND

Son témoignage a massivement marqué les esprits en ce début d’année 2024. Judith Godrèche, 51 ans, a témoigné explicitement de sa relation abusive avec Benoît Jacquot. Le 6 février, la Française a de plus déposé plainte à Paris auprès de la Brigade de protection des mineurs. Dans les détails, elle a déposé plainte pour viols sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité en lien avec des faits qui datent des années 80. Ils sont donc possiblement prescrits.

L’actrice et réalisatrice a détaillé - sur les réseaux sociaux et dans les médias - «l’emprise» vécue durant cette relation qui a commencé quand elle n’avait que 14 ans, et le réalisateur 40. Un thème exploré dans sa nouvelle série Icon of French Cinema.

Depuis, les réactions ne faiblissent pas. Beaucoup de personnes soutiennent Judith Godrèche, par exemple dans les commentaires publiés sur son compte Instagram. Une bienveillance qui n’est pas omniprésente, comme l’a constaté l’autrice et journaliste Amanda Castillo: «J’ai été choquée de voir qu’elle faisait déjà face à un retour de bâton. Peu d’artistes de sa génération l’ont soutenue.»

Son intégrité est également remise en cause: «On la traite d’opportuniste en disant qu’elle cherche à relancer sa carrière, on met l’accent sur le fait que cette relation lui a permis de «percer au cinéma», ajoute Amanda Castillo qui précise qu’«elle n’a rien à gagner en brisant le silence».

Conscientiser l’emprise

Un manque de connaissance des situations d’abus explique ces jugements:

«On peut penser de manière assez naïve que le sentiment d’avoir été victime va de soi, qu’on le sait tout de suite quand cela arrive. Or, cela prend du temps de le reconnaître.»

Pouvoir conscientiser le fait d’être sous emprise est rendu difficile par des mécanismes propres à notre société: «Elle a grandi dans un monde où ce sont majoritairement des hommes dominants qui donnent leur vision des femmes, à travers l’art, le cinéma, la publicité, les livres. Les femmes finissent par se voir avec ce regard», argumente l’autrice du livre Et si les femmes avaient le droit de vieillir comme les hommes?, (Éd. L’Iconoclaste, 2023).

«Judith Godrèche a été immergée dans la culture du viol et de la pédophilie, dénonce de surcroît Amanda Castillo. Mais ce n’est pas quelque chose en lien avec les années 80, comme certains semblent le penser, c’est encore très présent aujourd’hui», avertit la journaliste.

Elle évoque différents exemples récents de culture pédophile, comme en 2021 lorsque l’influenceuse Maeva Ghennam vantait une chirurgie esthétique qui permettrait d’avoir «un beau vagin comme si j’avais 12 ans», ou encore le parcours de la mannequin enfant Thylane Blondeau, qui posait en 2011 dans une série photos pour Vogue France en robe et talons, très maquillée, alors qu’elle n’avait que 10 ans.

«Il y a également le fait de diaboliser les poils, promouvoir le fait d’avoir une peau de bébé, des corps minces, fragiles, des vulves glabres…tout cela renvoie à l’enfance et à une certaine malléabilité et vulnérabilité que recherchent les prédateurs», abonde Amanda Castillo. Ces caractéristiques sont «recherchées chez les femmes par un nombre important d’hommes qui ont été conditionnés sans se rendre compte à cette culture pédophile».

Tout cela envoie un message très clair aux femmes et aux jeunes filles: «Leur corps est perçu comme quelque chose que l’on peut s’approprier, et avant d’être des sujets, on se perçoit comme un objet pour l’autre.» La Suissesse note encore la problématique du harcèlement de rue, qui «commence dans l’adolescence et diminue avec l’âge».

Aucune aide

Un point décisif lié à la libération de la parole de Judith Godrèche concerne aussi sa fille de 15 ans, qui évolue dans le milieu artistique: «Cela a clairement mené à une prise de conscience sur ce qu’elle avait vécu. Le fait de devenir parents, quand on a vécu des abus, est un gros challenge», pointe Amanda Castillo. L’actrice s’est projetée à travers sa fille:

«On se revoit à cet âge-là et on se dit qu’en tant qu’adulte, on ne se comportera jamais comme ce fut le cas dans notre entourage et on panique à l’idée qu’il lui arrive la même chose qu’à nous.»

Personne n’a réagi lorsque Judith Godrèche a décidé, encore mineure, de vivre avec Benoît Jacquot. Aucun adulte n’a exprimé le fait «que la situation était anormale» et n’a protégé l’enfant qu’elle était. «Elle a expliqué dans Quotidien (ndlr: sur la chaîne TMC, le 8 janvier 2024) avoir pu sortir petit à petit de son emprise quand, enfin, une personne de confiance lui a fait des remarques», mentionne l’autrice.

En effet, durant cette relation qui a duré six ans, le cinéma et les médias «ont romantisé le couple». Des interviews du réalisateur ont refait surface et démontrent «de l’impunité avec laquelle il parlait de sa préférence pour les mineures». Des extraits qui illustrent l’existence d’une culture du viol selon Amanda Castillo:

«La domination, la relation d’emprise, est présentée comme quelque chose de banal et même d’enviable.»

Judith Godrèche a vécu dans une période où «la grille de lecture féministe n’existait pas», ce qui a désormais changé grâce au mouvement #MeToo. Ce dernier permet «d’avoir des outils pour se penser comme des victimes d’abus» et la multiplication des prises de parole, à l’image de ce que l’on voit actuellement dans le cinéma français. «Ces femmes, qu’on imaginait vivre un conte de fées, révèlent leurs souffrances et que le fait d’avoir été découvertes par un homme d’âge mûr au début de leur carrière est la pire chose qui pouvait leur arriver.»

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