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Alimentation: Que mangerons-nous dans le futur?

Comment mangera t on demain

La viande de synthèse doit permettre de retrouver le gout d'un steak, sans souffrance animale.

© GETTY IMAGES/ANILYANIK

La Confédération nous a récemment enjoint de ne manger de la viande que deux ou trois fois par semaine. Une initiative populaire préconise l’interdiction du foie gras, à nous qui en importons 186 tonnes par année. Le secteur de la restauration mute plus vite qu’une cuisson au micro-ondes. Les questions environnementales modifient nos habitudes alimentaires alors que dans le même temps, nous avons souci de préserver nos traditions culinaires et gastronomiques. Des produits de synthèse sont en train de remplacer les aliments qui font partie de notre quotidien et même nos jardins changent: quand la carotte sera-t-elle remplacée par un melon ou une pastèque? Enfin, la nourriture aussi est déterminée par les questions de genre.

Pendant que les guides renommés couronnent des chefs cuisiniers, les femmes continuent à assumer l’essentiel des courses et des repas domestiques. Se nourrir devient source de stress, dans une société où les corps doivent rester jeunes, sains, sportifs, minces.

Différent-e-s expert-e-s ont répondu à nos questions autour de l'alimentation du futur, de Cyrille Lecossois, maître d’enseignement et manager de l’institut de recherche en nutrition à l’École hôtelière de Lausanne (EHL Hospitality Business School), de Philippe Ligron, maître d’enseignement au Centre d’orientation et de formation professionnelles (Cofop) et chroniqueur à la RTS, de Laurence Margot, diététicienne à Pully, et de Rebecca Eggenberger, responsable alimentation à la FRC. Ça donne faim, non?

Comment éviter que s’alimenter devienne davantage une prise de tête qu’un plaisir?

La viande rouge (bœuf, porc, agneau, mouton, cheval) est à consommer avec modération. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il y a un lien entre le risque de développer un cancer colorectal et le fait de manger beaucoup de viande rouge. Quant au sucre, indépendamment du fait qu’il cause des caries, il active les mêmes circuits de la récompense dans le cerveau que la cocaïne. Il est donc non seulement très addictif, mais consommé en grande quantité, il entraîne le surpoids, des troubles de la régulation de la glycémie, entre autres. Enfin, le gras, consommé en excès, favorise la prise de poids, augmente les risques de maladies cardiovasculaires, la survenue de diabète. etc. En résumé, on pourrait penser que manger nuit gravement à la santé. Évidemment, ne pas manger n’est pas une solution.

S’alimenter est-il en train de devenir une source d’angoisse? Laurence Margot, diététicienne à Pully, rassure: «Cela fait longtemps que ces messages de diminution de consommation de certains produits sont diffusés au sein de la population. Ce qui est cependant nouveau et anxiogène, ce sont les discours qui concernent l’impact écologique de nos choix alimentaires.

D’un point de vue de la santé, le principe est toujours le même: il faut manger équilibré!

Cela signifie que l’on peut manger de tout, mais qu’il convient de limiter les aliments qui se trouvent au sommet de la pyramide alimentaire et consommer davantage ceux qui se situent dans les étages inférieurs. Et surtout garder à l’esprit que manger n’est pas qu’une histoire de santé, mais doit aussi être un plaisir.»

Comment lutter contre l’augmentation des allergies et des intolérances alimentaires?

Ces dix dernières années, les allergies et les intolérances alimentaires semblent avoir explosé. La faute, notamment, à des modes de fabrication des aliments qui incorporent des ingrédients potentiellement allergènes. «À titre d’exemple, les pains industriels contiennent des céréales qui lèvent plus rapidement et qui sont donc beaucoup plus riches en gluten. Une personne sensible qui en mangerait régulièrement peut ainsi plus facilement développer une intolérance au gluten que si elle consommait un pain qui en contient peu», explique Laurence Margot.

Pour éviter ce type de problèmes, la spécialiste conseille de cuisiner le plus possible avec des aliments bruts plutôt qu’avec des produits transformés. Elle précise:

«Certaines personnes se disent allergiques ou intolérantes à un aliment mais elles n’ont pas validé cela auprès d’un médecin. Il faudrait éviter de suivre une diète restrictive sans être certain que cela soit utile.

Cela afin de ne pas se priver inutilement de certains produits qui ne sont peut-être pas la cause de l’inconfort.» Une fois l’allergène identifié, il est également important de bien se renseigner sur sa présence ou non dans certains produits. À titre d’exemple, le lactose (sucre naturellement présent dans le lait) peut entrer dans la composition de certains médicaments, mais n’est en revanche pas présent dans les fromages à pâte dure. Ce qui est loin d’être intuitif!

Réchauffement climatique oblige, certaines espèces végétales risquent-elles de disparaître des cultures suisses? Pourra-t-on les remplacer par d’autres plus «exotiques»?

Les épisodes caniculaires d’une part, les pluies trop abondantes par moments ou la sécheresse prolongée ne sont pas sans conséquences sur les cultures de fruits, légumes et céréales. Cyrille Lecossois, maître d’enseignement et manager de l’Institut de recherche en nutrition de l’École hôtelière de Lausanne, explique: Sur le long terme, une bonne partie des légumes communs de Suisse peuvent en effet être affectés. Ce qui a le plus d’incidence sur leur culture sont les changements de temps subits, les variations de températures et les pluies abondantes.

À titre d’exemple, les haricots, betteraves sucrières, carottes, laitues, entre autres, sont sensibles à la chaleur excessive. Elle peut non seulement altérer le goût (salade plus amère), mais aussi le rendement ou encore favoriser l’apparition de maladies (comme c’est le cas pour la pomme de terre, lorsqu’il fait trop chaud). «Quant aux courgettes et aux concombres, ils n’aiment pas les chutes d’eau excessives et la production en pâtit», précise le spécialiste. Le bon revers de la médaille est que désormais des melons sont cultivés à Genève, des pastèques sont produites dans plusieurs régions de Suisse, les aubergines, tomates et poivrons n’ont plus besoin de serre pour mûrir sous nos latitudes.

«À Vionnaz, il y a même une ferme qui cultive du riz depuis trois ans. La production est bonne et leur riz est délicieux», assure Cyrille Lecossois.

La viande de synthèse va-t-elle s’imposer?

La viande de synthèse est une aberration selon Philippe Ligron, maître d’enseignement au Centre d’orientation et de formation professionnelle (COFOP) et chroniqueur à la RTS:

On ne doit pas construire notre alimentation du futur en se basant sur nos erreurs, mais en les rectifiant. Fabriquer de la viande en laboratoire coûte excessivement cher, tant en énergie qu’en savoir-faire. Sans oublier que manger fait appel à tous nos sens et également le 6e: l’émotion. Si l’on mange avec plaisir, on a bon appétit et on digère mieux. Arrêtons de proposer une nourriture aseptisée.

À noter, que la viande de synthèse est produite grâce à des cellules souches de bovins et coûte pas moins de 5000 francs le kilo! Les adeptes évoquent moins de souffrance animale, moins de maladies liées aux animaux et la libération des terres arables. Et le goût dans tout ça? «On n’en sait rien! Les fabricants assurent que cette viande est saine et bonne, mais en Suisse personne n’y a goûté. Par ailleurs, réagit-elle de la même façon à la cuisson? Les photos que j’ai pu voir ne m’ont pas donné envie», explique Cyrille Lecossois. Les alternatives à la viande existent et ne nécessitent aucun laboratoire. En combinant des légumineuses (pois chiche, lentilles, fèves) avec des céréales (riz, maïs, blé), on obtient un plat couvrant les besoins en acides aminés (ces éléments de base des protéines) de l’être humain. Des recettes de ce type existent depuis la nuit des temps: tajines aux pois chiches et couscous; dahl de lentilles avec du riz, tortillas de maïs aux fèves rouges…

Comment savoir si un label est fiable? Et quid du Nutri-Score: atout marketing ou outil utile?

Pas facile de s’y retrouver face à la multiplication des labels. «Chaque label répond à des critères qui lui sont propres. Cependant, pour être fiable, il doit correspondre à un cahier des charges accessible, avec des critères reconnus, et prévoir des contrôles indépendants, entre autres. Il doit garantir une plus-value aux consommateurs et ne pas être un simple outil marketing», explique Rebecca Eggenberger, responsable alimentation à la FRC.

Le site labelinfo.ch permet de connaître ces critères et de comparer les différents labels alimentaires. Encore faut-il y penser au moment de faire ses courses et avoir avec son smartphone pour consulter le site.

Le Nutri-Score est quant à lui un outil de décryptage des informations nutritionnelles. Il permet, d’un simple coup d’œil, de comparer deux produits sur la base de leur teneur en gras, sucres, protéines, fibres, etc. Une note A indique que le produit est bon pour la santé, une note D montre que sa composition n’est pas optimale. «Le Nutri-Score constitue une aide pour équilibrer son alimentation, mais n’est pas une recommandation nutritionnelle en tant que telle», précise Rebecca Eggenberger. Attention, l’intérêt du Nutri-Score réside dans le fait de comparer une même gamme de produits, un fromage ne peut pas être mis en parallèle avec une huile d’olive ou un paquet de biscuits. À noter que cet outil est perfectible et fait l’objet d’une révision tous les cinq ans. Par ailleurs, chaque fabricant est libre de l’apposer sur ses paquets ou pas. La Confédération soutient le Nutri-Score et fournit des explications précises sur nutri-score.ch.

Faudra-t-il cultiver soi-même ses légumes dans le futur afin de s’assurer d’une production locale et saine? Est-ce une solution viable pour les citadins?

Favoriser les circuits courts, et donc les achats locaux, est un des piliers d’une alimentation responsable et goûteuse. En poussant ce principe à son extrême, tout un chacun aurait intérêt à avoir chez lui, sur son balcon, dans son jardin privatif ou sur une parcelle communautaire, un potager. «C’est une bonne idée pour un approvisionnement de saison, mais il faut beaucoup de surface pour nourrir une famille entière. Par ailleurs, s’occuper d’un jardin n’est pas facile. C’est contraignant et cela peut aussi vite être cher s’il faut s’équiper de graines et d’outils», explique Cyrille Lecossois.

Pour celles et ceux qui n’ont pas la main verte ou simplement pas de lopin de terre à disposition, il reste le maraîcher du village ou les marchés citadins. Ils proposent un choix de fruits et légumes locaux et de saison et permettent aussi de soutenir les agriculteurs de la région. «En Suisse, nous avons la chance d’avoir accès à énormément de produits de proximité. Ils sont non seulement écologiques, mais ils ont aussi plus de goût», conclut le cuisinier.

Dans le futur mangera-t-on des insectes plutôt qu’un steak de bœuf ou un pavé de saumon?

Produire des insectes dont le pourcentage en protéines semble intéressant est-ce vraiment une bonne idée? Philippe Ligron est catégorique: «Non, les insectes sont hors de prix! Plutôt que de manger ce type de nourriture qui ne correspond pas à nos habitudes culturelles, pourquoi ne pas revisiter des recettes faites avec des abats, par exemple. Ils sont riches en fer et bon marché. Les consommateurs veulent manger du filet de bœuf parce que c’est une viande tendre, mais seulement 12% de l’animal l’est. Nous avons développé une alimentation snob et coûteuse. La viande de bœuf est celle de boucherie la plus polluante, mais plutôt que de s’intéresser à l’élevage d’insectes, il serait préférable d’en consommer moins et d’acheter local. Nous devons également réduire le gaspillage alimentaire qui représente 37% de notre nourriture en Suisse! »

Un avis nuancé par Cyrille Lecossois: «Du point de vue d’un chef de cuisine, les insectes peuvent être une option intéressante pour diversifier les sources de protéines et créer des plats innovants.

En Suisse, seuls les vers de farine, les criquets migrateurs et les grillons domestiques sont commercialisés. Ces derniers ont un goût de cacahuète et ils prennent facilement les saveurs des épices qui leur sont ajoutées.

Compte tenu de leur prix, parfois plus de 200 francs le kilo, cela n’est pas très intéressant. On pourrait en revanche utiliser les insectes pour nourrir les poulets et poissons d’élevage, plutôt que de leur donner des farines animales…»

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