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Fraudes alimentaires: ce que nous mangeons sans le savoir

Fraude alimentaire livre ingrid kragl manger du faux pour de vrai

Flans fabriqués à partir d’œufs contaminés par du fipronil (un antipoux interdit et dangereux), des kiwis estampillés bios mais issus de la culture traditionnelle, du thon rendu plus rouge grâce à des injections de nitrites, des traces de pesticides sur des melons bios: il y en a pour tous les (dé)goûts!

© Yagi Studio / Getty Images

Ce bouquin-là vous ouvrira les yeux plus que l’appétit. Manger du faux pour de vrai (Ed. Robert Laffont) est une enquête signée par la journaliste française et directrice de l’information de l’ONG Foodwatch Ingrid Kragl. Elle y décortique minutieusement les mécanismes de la fraude alimentaire. Des petites arnaques au crime organisé, on prend la mesure de l’ampleur d’un phénomène sans frontières qui contamine l’industrie agroalimentaire. Du sel au champagne, des matières brutes aux produits transformés, la fraude est partout. Elle s’immisce au niveau de la fabrication des produits, mais aussi de leur transformation, de l’emballage et de la distribution.

Denrées contaminées, altérées, étiquettes mensongères… parmi les fraudes mises au jour ces dernières années, il y en a pour tous les (dé)goûts: des désormais célèbres lasagnes de bœuf à la viande de cheval aux flans fabriqués à partir d’œufs contaminés par du fipronil (un antipoux interdit et dangereux), des kiwis estampillés bios mais issus de la culture traditionnelle au thon rendu plus rouge grâce à des injections de nitrites, des traces de pesticides sur des melons bios à l’huile d’olive italienne peinte au sulfate de cuivre pour en revivifier l’aspect. Sans parler du miel chinois fabriqué à partir de glucose et de fructose.

Les labels n’échappent pas non plus à l’appétit des fraudeurs. Selon Ingrid Kragl, «9% des indications d’origine protégée, IGP, en Europe sont contrefaites».

Dur de ne pas se faire berner

Coordonnée par Interpol et Europol, l’opération Opson a permis en 2020 la saisie de 12’000 tonnes de faux aliments pour plus de 28 millions d’euros. Car le marché attire parfois de très gros bonnets. Les mêmes qui trafiquent de la drogue ou des êtres humains peuvent en effet ponctuellement intervenir sur une filière de tomates ou d’agrumes. Les profits sont importants, tandis que la probabilité de se faire pincer est «bien maigre», estime Ingrid Kragl, qui souligne que personne ne peut, aujourd’hui, «avoir la maîtrise complète du phénomène». Les fraudeurs prennent encore trop souvent les organes de contrôles, voire les industriels eux-mêmes, de court.

«Et pour cause, les consommateurs sont friands de nouveautés. L’offre alimentaire s’accroît donc sans cesse avec de nouveaux produits, multipliant ainsi les opportunités de tricherie.»

Difficile de ne pas se faire berner. «Vous et moi ne sommes pas suffisamment armés pour nous défendre», constate Ingrid Kragl. Au-delà de l’arnaque, certains produits frelatés ne sont pas sans risques pour la santé. En 2019, le nombre de notifications d’alertes sur le réseau RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) de l’Union européenne impliquant un risque grave pour la santé avait augmenté pour la 6e année consécutive.

© Dainis Graveris / Unsplash

Alors que faire? Éviter les produits transformés peut apparaître comme une bonne idée, mais elle ne suffit pas, puisque la viande, le poisson, les fruits et légumes sont, eux aussi, concernés. «Je ne suis pas une marchande de peur», se défend Ingrid Kragl qui plaide, avant tout, pour que plus de moyens soient consacrés à contrecarrer ce fléau qu’est devenue la fraude alimentaire.

«Les consommateurs sont friands de nouveautés. L’offre alimentaire s’accroît donc sans cesse avec de nouveaux produits, multipliant ainsi les opportunités de tricherie.»

Ingrid Kragl

Journaliste et directrice de l’information de l’ONG Foodwatch

«Les autorités de contrôle devraient pouvoir aller plus loin»

La Suisse n’est pas épargnée par la fraude alimentaire. D’ailleurs, les produits vendus dans l’Union européenne peuvent l’être dans notre pays sans contrôles supplémentaires; c’est le fameux principe du Cassis de Dijon. Notre spécificité, toutefois, réside dans la quantité de produits de marques propres aux distributeurs nationaux qui effectuent eux-mêmes des contrôles afin d’éviter de voir leur réputation entachée par un scandale. «C’est une bonne chose, même si tout le système ne peut bien sûr pas être basé sur ces contrôles volontaires», note Barbara Pfenniger, responsable alimentation à la Fédération romande des consommateurs (FRC).

Les autorités effectuent, elles aussi, des vérifications. «Elles devraient pouvoir aller plus loin, avoir une liberté plus grande de réaliser des analyses au-delà des substances connues pour présenter un risque de fraude», estime toutefois Barbara Pfenniger. Car quand on cherche, on trouve parfois de nouvelles substances qui n’ont absolument rien à faire dans des aliments. En 2019, du colorant synthétique, le rouge Soudan, interdit et cancérogène, était par exemple détecté dans de l’huile de palme. La FRC plaide aussi pour une adaptation de la législation qui mettrait un termeà certaines tromperies.

Ainsi, les termes naturel ou durable ne font pas l’objet d’une définition et peuvent donc être utilisés à toutes les sauces. Quant aux labels suisses bio, IGP et AOP achetés en magasins, ils sont bien contrôlés. Le risque vient plutôt des intermédiaires. «Si vous achetez un sandwich au jambon de Parme AOP, vous avez moins de garanties, prévient Barbara Pfenniger. Des contrôles supplémentaires sont prévus et devraient améliorer cette situation.» En général, les produits suisses et bruts sont sans doute ceux qui risquent le moins d’être entachés de fraude.

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