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Visite guidée: l'austère presbytère des sœurs Brontë

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Les livres cultes des sœurs Brontë ont été adaptés maintes fois au cinéma, comme ici Jane Eyre, en 2011, avec Michael Fassbender et Mia Wasikowska.

© Alamy

Il faut se rappeler la dureté de la vie au début du XIXe siècle pour comprendre la portée de l’œuvre des sœurs Brontë… et l’importance de leur foyer. Charlotte, Emily et Anne ont vécu à peu près à la même époque que Dickens, histoire de poser le décor. Le Royaume-Uni compte alors un peu plus de 10 millions d’habitants (contre 68 aujourd’hui), et si la démographie est en forte hausse, la mortalité y est très élevée. Père de six enfants, le révérend Patrick Brontë voit sa femme emportée par un cancer alors que sa cadette n’a même pas 2 ans. Puis c’est la tuberculose qui lui enlève ses deux filles aînées, en 1825. Dans ce contexte tragique, la maison familiale de Haworth, petit village du Yorkshire, représente un havre de paix et un refuge pour la fratrie survivante, à l’imagination débordante.

Située dans le Yorkshire, la maison de Haworth est un musée rempli d’objets personnels ayant appartenu à la fratrie Brontë qui, comme Jane Austen, fait l’objet d’un culte mondial. © Tim Green

C’est que le père, bien qu’issu d’une famille paysanne très modeste de dix enfants, a réussi à étudier à l’Université de Cambridge. Un brin excentrique, il insuffle dans son foyer un climat de curiosité intellectuelle et d’ouverture d’esprit, notamment grâce à son abonnement au Blackwood’s Magazine, une revue au ton satirique contenant des contes et nouvelles gothiques, des enquêtes et des critiques. Les trois sœurs et leur frère, Patrick Branwell, en dévorent chaque numéro et inventent à leur tour des scénarios et des mondes imaginaires avec leurs petits soldats en bois, produisant leurs premiers écrits à un âge précoce.

© The Brontë Society

Jeunesse au pensionnat

En grandissant, les enfants Brontë font l’expérience des études en pensionnat, avec plus ou moins de bonheur. La rigueur de l’éducation dispensée, la maltraitance, la malnutrition et les différentes maladies ne sont pas une légende, elles ont coûté la vie à leurs sœurs aînées et marqué leur esprit. Charlotte s’en est inspirée dans son roman le plus célèbre, adapté maintes fois au cinéma, Jane Eyre, et la terrible école pour orphelines de Lowood.

Anne (à droite), la cadette, est un peu moins connue que ses sœurs Emily (à gauche) et Charlotte (l’aînée). © Alamy


A 17 ans, Emily est envoyée dans l’école où enseigne sa sœur Charlotte, mais elle dépérit et retourne bien vite chez elle. En 1842, Charlotte et sa sœur ont l’opportunité de faire un voyage à Bruxelles, dans l’optique d’apprendre les langues et de pouvoir ouvrir leur propre pensionnat. Mais la mort de leur tante, qui les a élevées, les ramène vers Haworth, qu’Emily ne quittera plus.

Moins connue que ses sœurs, Anne est également marquée par une expérience loin de chez elle, comme gouvernante. Elle lui inspire son roman Agnès Grey, tandis que la déchéance de son frère est racontée dans La recluse de Wildfell Hall. Tous ont ainsi passé l’essentiel de leurs courtes vies à Haworth.

Morts prématurées

Car tous ont connu un destin tragique et mourront «jeunes», sachant que l’espérance de vie alors dépassait à peine 40 ans. Déjà fragile, Patrick Branwell sombre dans de la dépression et les dépendances (alcool, opiacés) après une déception amoureuse. Il meurt de tuberculose, encore, en 1848. Il a 31 ans. Emily reste très proche de lui durant ses derniers jours. Trop proche. Elle est contaminée et décède à son tour, trois mois plus tard, à l’âge de 30 ans. Fragile également, Anne succombe à la même maladie en mai de l’année suivante. Charlotte, elle, disparaît en 1855, un an après son mariage, de causes incertaines, à 38 ans.

© The Brontë Society

Comme toutes les femmes artistes de l’ère victorienne, de Jane Austen à Beatrix Potter, les sœurs Brontë ont beaucoup de peine à se faire publier et doivent prendre des pseudos d’homme. Seule Charlotte connaît le succès de son vivant avec Jane Eyre, en 1846, un succès qui facilite la publication des romans de ses sœurs, le Agnès Grey de Anne et Les Hauts de Hurlevent, unique œuvre d’Emily. Comme Jane Austen, leur destinée romanesque fait l’objet d’un culte mondial qui a commencé avant même la disparition de Charlotte. Les curieux se pressent à Haworth dans l’espoir de croiser l’écrivaine ou, à défaut, assister aux prêches de son père, le dernier à quitter ce monde en 1861, à l’âge vénérable de 84 ans. C’est lui qui met en lumière l’œuvre de ses filles en engageant un biographe, et en faisant publier à titre posthume le premier roman écrit par Charlotte, Le Professeur. Quant à Haworth, c’est désormais un musée. Fondée en 1893, la société littéraire qui le gère est l’une des plus anciennes toujours en exercice. A défaut de le visiter, on peut toujours faire un tour dans la boutique virtuelle pour acheter un tote bag peint par Charlotte, un mélange de thé concocté en l’honneur d’Anne ou un mug avec une citation d’Emily.


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