résidence célèbre
Visite guidée: la Casa Azul, rêve bleu de Frida Kahlo
La vie de Frida Kahlo est un roman. Dramatique, souvent. Inspiré, révolutionnaire, libre et passionné, toujours. En témoignent ses tableaux, bien sûr. Mais également sa fameuse Casa Azul, maison mère en pierre de lave construite en 1904 par son père sur l’angle des rues de Londres et Allende à Coyoacán, dans le sud de Mexico, trois ans avant sa naissance. Un nid dont elle n’a jamais pu s’envoler complètement et qui, aujourd’hui encore, est profondément imprégné de son âme. De son art. De ses blessures. De ses révoltes ou de ses souffrances. De ses espoirs et de ses rires, aussi.
Il faut dire que c’est là, dans ces murs bleu cobalt censés éloigner le mauvais sort, dans cette douzaine de pièces lumineuses distribuées sur deux étages autour d’un jardin de plantes tropicales, que Frida Kahlo vit les épisodes les plus marquants de son existence.
Dans l’enfance d’abord, puisque à six ans, victime d’une attaque de poliomyélite, elle passe des mois alitée et souffrira d’une atrophie irrémédiable de la jambe droite. Puis à l’adolescence, ensuite, quand elle a la révélation de sa vocation artistique. Grièvement blessée dans un accident de bus, elle doit en effet rester près d’un an en position couchée. Or, pour l’aider à conjurer les douleurs et l’ennui, sa mère lui offre une boîte de couleurs, lui fait fabriquer un chevalet spécial et installer un baldaquin-miroir en guise de ciel. Frida, dans sa chambre ou transportée avec son lit dans le patio pour qu’elle puisse y prendre l’air, les couleurs et le soleil, peut ainsi se servir de son reflet comme modèle – l’élément déclencheur des 55 autoportraits qu’elle réalisera tout au long de sa carrière. De cette période complexe, elle dira:
Le monde est à elle, elle est au Mexique
Bien que très attachée à son cocon familial, elle décide tout de même de le quitter à 21 ans, après avoir épousé le célébrissime muraliste communiste Diego Rivera (21 ans, 20 centimètres et… 100 kilos de plus qu’elle!) – l’union «de la colombe et de l’éléphant», dira délicatement sa mère!
Dans le sillage de son illustre mari, qui a racheté et fait agrandir la Casa Azul pour ses beaux yeux, elle parcourt le monde. Avec un enthousiasme mitigé, à en croire son journal intime ou les lettres qu’elle écrit. Les San Francisco, Detroit, Paris ou New York surexcitées des années 30 leur ouvrent les bras et raffolent de leurs œuvres respectives? D’accord, c’est agréable. Elle rencontre des artistes ou des activistes formidables au cours de leurs pérégrinations? Oui, oui, c’est merveilleux… Il n’empêche que ses racines et sa maison lui manquent. De plus en plus. Ce d’autant qu’elle a une santé fragile, méprise copieusement les gringos américains et voue une sainte horreur aux nationalismes qui montent en Europe. Et puis même s’ils se respectent et s’aiment aussi librement que follement, ont le même attachement aux cultures populaires indiennes et une vraie communauté d’esprit aussi bien artistique que politique, Diego et elle se déchirent.
La maison des retrouvailles
Mais quelles que soient leurs errances, les amoureux finissent toujours par se réconcilier. Et se retrouver à la Maison Bleue, où, dès 1937, ils accueillent leurs amis de tous horizons. Comme le camarade Léon Trotski, qui y restera deux ans et avec qui Frida a une fougueuse liaison. Ou André Breton, qui l’insupporte profondément et dont elle n’aime que la femme!
Dans les années 40, inspirée par ce petit paradis coloré qu’elle s’est créé – sols rouges, fenêtres vertes, cuisine à dominante jaune citron… – Frida peint comme jamais. Sollicitée et exposée partout, elle se voit même propulsée «muse surréaliste». Ce dont elle se défend, d’ailleurs, agacée par ce qu’elle considère être le discours d’intellectuels pérorant… pour adoucir son langage fleuri!
A vrai dire, peu sensible à son propre succès, elle préfère maintenant s’occuper de son art, de Diego et de sa maison.
Et se démène pour faire du patio une cour des miracles luxuriante où s’égaillent chiens, singes ou perroquets, où glougloutent des fontaines et où se dresse une petite pyramide qui sert de support aux statuettes précolombiennes qu’elle et Diego collectionnent… Au fond, plus sa santé décline, plus elle subit d’opérations dont les souffrances la font sombrer dans l’addiction aux antidouleurs, plus elle théâtralise ce havre originel qu’elle ne quittera pratiquement plus jusqu’à sa mort, en juillet 1954, à 47 ans. Depuis, offerte par Rivera au peuple mexicain et devenue musée, la Casa Azul n’a quasi pas changé.
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