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«Rosalie»: Nadia Tereszkiewicz joue une femme à barbe libre

Nadia tereszkiewicz dans film rosalie

«C’est un film [Rosalie] féministe parce qu’il parle de la liberté d’être soi, de faire ce qu’on veut en tant que femme.» - Nadia Tereszkiewicz

© PASCO & CO/PHILIPPE QUAISSE

Une somptueuse chevelure blonde, qui rappelle la Vénus de Botticelli, cachant son sexe à l’aide de sa crinière. Sur cette cascade de cheveux s’ouvre le film Rosalie, de Stéphanie Di Giusto (en salle le 10 avril 2024). Sauf que les spectatrices et spectateurs découvriront rapidement que la pilosité à cacher ici n’est pas celle du pubis: Rosalie, incarnée par Nadia Tereszkiewicz, atteinte d’hirsutisme, s’emploie à camoufler ou à raser son intense pilosité, qui se déploie sur son visage, sa poitrine, son dos ou ses jambes. Devant la caméra de Stéphanie di Giusto, ces poils sont sublimés dans une lumière, elle aussi, très belle et esthétisante.

En assumant finalement sa barbe, la coquette Rosalie se livre à la violence potentielle de «brutes» revenues de la guerre, dans cette France des années 1870. Mais cet attribut de la masculinité lui confère également une forme de pouvoir. Du fait de sa détermination à tenir son commerce, à assumer son identité velue tout en voulant vivre sa féminité, elle suscitera des désirs inavouables et inversera l’ordre social, ce qui lui sera reproché.

Pour le rôle de Rosalie, Nadia Tereszkiewicz (César du meilleur espoir féminin en 2023 dans Les Amandiers) s’est levée chaque jour avant 4h du matin pour se faire coller les poils de la barbe un à un sur le visage.

FEMINA Jouer dans un film qui souligne la naturalité du poil (par le biais des nombreuses scènes où Rosalie se retrouve dans la nature), est-ce pour vous une posture féministe?
Nadia Tereszkiewicz
Rosalie assume sa barbe au départ pour aider financièrement son mari (ndlr: en attirant des clients au café). Puis elle comprend qu’elle est profondément femme quand elle la porte. Cela lui permet d’accéder à sa féminité et à l’exploration de ses propres désirs de femme. Elle a aussi un désir de maternité, indépendant du désir amoureux.

C’est un film féministe parce qu’il parle de la liberté d’être soi, de faire ce qu’on veut en tant que femme.

La réalisatrice a voulu faire ressentir une sensualité hors des codes habituels de corps lisses. Est-ce qu’un film comme Rosalie peut faire bouger les lignes de la perception de notre société sur les poils des femmes?
J’espère que le film réussit à montrer une forme de sensualité à un endroit où on ne s’y attend pas et crée du désir ailleurs. Mais en fait, les poils ne constituent qu’une toile de fond, car ce film parle d’amour, de tolérance et de bienveillance envers la différence. Je suis une femme à barbe sur Instagram: Harnaam Kaur. Elle a décidé de ne pas se raser et parle d’elle avec une immense liberté. Elle est très courageuse, surtout à notre époque de violence des réseaux sociaux, où la lâcheté d’être derrière un écran permet plus facilement d’humilier et de lyncher les gens. D’autres femmes à barbe se rasent certainement de nos jours, et elles en ont le droit aussi.

Il faut accepter les différences, mais il faut aussi accepter que certaines personnes peuvent ressentir des complexes, d’autant plus que nous avons grandi dans une société tellement normée!

Les jeunes féministes s’élèvent contre ces normes et prennent à nouveau position (comme leurs aînées des années 70) pour assumer leurs poils…
Je suis épilée et je ne me sens pas moins féministe que celles qui ont les jambes poilues. Il ne faut pas s’épiler si on se sent obligées, mais on peut juste avoir envie de le faire! Idéalement, il faudrait pouvoir s’autodéfinir.

M’épiler n’influe pas sur ma force de conviction: je suis féministe par exemple dans le choix de mes rôles, qui questionnent le rapport hommes-femmes ou interrogent la féminité.

Pendant le casting, vous étiez une des rares à n’avoir pas eu de coquetterie d’actrice à «enfiler» la barbe. N’avez-vous jamais eu peur de mettre ainsi en jeu votre image et votre féminité?
J’ai d’abord vu le destin d’une femme, qui m’a bouleversée. Et l’histoire d’amour qu’elle vit. En fait, j’ai un plaisir fou à me transformer et je n’ai pas eu peur, car connaissant Stéphanie (ndlr: di Giusto), je savais qu’elle rendrait ce personnage beau.

Stéphanie di Giusto s’est inspirée d’une femme à barbe qui a existé: Clémentine Delait. Vous êtes-vous renseignée sur elle?
C’est surtout la photo de cette femme qui a inspiré Stéphanie. Moi aussi: sa fierté, son courage dans son regard. Ce n’est pas un biopic: Rosalie et Clémentine Delait ont seulement en commun de tenir un café. C’est davantage le personnage de Rosetta, des frères Dardenne, interprétée par Emilie Dequenne, qui m’a beaucoup inspirée, pour sa rage de vivre, son rapport instinctif, presque animal, à son corps.

Avec ces poils (qui renvoient notamment à la toison pubienne) sur le visage, avez-vous eu le sentiment de porter votre sexualité en plein milieu de la figure?
Je n’y ai pas pensé. Mais il est vrai que la pilosité des femmes est sexualisée, alors qu’on n’opère pas de même avec les hommes! J’ai incarné Rosalie, qui doit vivre avec la pilosité d’un homme. Et devant la différence, les gens ont tendance à fantasmer ou à détruire à cause de la peur.

Rosalie, de Stéphanie Di Giusto, avec aussi Juliette Armanet, Benjamin Biolay et Benoît Magimel, en salle le 10 avril 2024.

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