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Philippe lançon, auteur d'une beauté littéraire rare

Philippe lancon

«J’ai fait le mort en pensant que peut-être je l’étais ou le serais bientôt»

© Mollona Opale
«Lorsqu’on ne s’y attend pas, combien de temps faut-il pour sentir que la mort arrive?» écrit Philippe Lançon.

Le journaliste se trouvait dans la salle de rédaction de «Charlie Hebdo», en compagnie de Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, Bernard Maris et une poignée d’autres, lorsque les frères Kouachi sont entrés. La séance hebdomadaire du journal satirique prenait fin quand les balles de kalachnikov ont fusé, fauchant douze personnes. Philippe Lançon, lui, faisait le mort, à terre. C’était le 7 janvier 2015, il était presque 11 h 30, il s’apprêtait repartir, à vélo, vers les locaux de «Libération», l’autre titre qui publiait ses chroniques culturelles. Comme d’habitude, la réunion s’était déroulée dans un joyeux bordel, entre débats, coups de gueule et bons mots. Mais les habitudes, comme bien d’autres choses, ont été balayées ce matin-là.

Revenir vers les vivants

Philippe Lançon s’en sort vivant, une partie de la mâchoire arrachée par une balle. Son hospitalisation va durer neuf mois durant lesquels il subira une vingtaine d’opérations. Sa lente et douloureuse reconstruction, il la raconte dans un livre, Le lambeau, paru en 2018 et couronné du Prix Femina. Il y détaille comment sa vie, tout son être, ont chaviré; il évoque la sidération et le long chemin qu’il lui a fallu parcourir pour revenir vers les vivants, les heures passées allongé dans un lit d’hôpital, suspendu au-dessus d’un gouffre.

Sept jours à peine après le drame, il rédige un billet, publié dans Libé, qui débute ainsi:

«Chers amis de Charlie et "Libération". Il ne me reste pour l’instant que trois doigts émergeant des bandelettes, une mâchoire sous pansement et quelques minutes d’énergie au-delà desquelles mon ticket n’est plus valable pour vous dire toute mon affection et vous remercier de votre soutien et de votre amitié.»

Suivront des chroniques de sa vie de patient dans «Charlie Hebdo», une préface du livre La légèreté, de sa consœur dessinatrice Catherine Meurisse, rescapée elle aussi de l’attentat du 7 janvier 2015. Écrire toujours, malgré l’épuisement, écrire contre la douleur, parce que parler lui est difficile, écrire pour échapper à ce corps abîmé qui se rappelle sans cesse à son souvenir. En juin 2017, il entame Le lambeau, récit d’une intensité rare, d’une poignante lucidité, qui nous plonge dans la cohabitation intime entre cet homme qui n’est «pas tout à fait mort» et cet autre qui «va devoir survivre».

Un «acte de gratitude»

Philippe Lançon s’aventure sur le terrain de l’indicible, dévoile la béance du lendemain, les tâtonnements vers un chemin qu’il doit se frayer au cœur de l’absurdité. Il raconte aussi ses liens avec chaque être qui franchit le seuil de sa chambre d’hôpital, la famille, les proches, les amis, les médecins, le personnel soignant, les policiers assignés à sa protection 24 heures sur 24. Il dira que ce livre est un «acte de gratitude» à l’égard de tous ceux qu’il a «embarqués» dans son récit. «Ce que j’ai été, il en reste des parties mais elles sont en lambeaux», confiera-t-il lors de sa première interview donnée six mois après le drame.

Le lambeau devient le titre de son livre, c’est aussi le nom de la technique chirurgicale dont il a bénéficié qui consiste à prélever un os (le péroné dans son cas), de la peau et des tissus vascularisés pour les greffer ailleurs. «Mon livre n’est pas un essai sur l’islamisme ou sur l’état de l’hôpital, sujets sur lesquels je suis incompétent: c’est un récit et une réflexion intimes.» C’est l’histoire de «quelqu’un qui est allé malgré lui à l’essentiel, entre la vie et la mort», pour reprendre les mots de l’écrivain Philippe Sollers. Son témoignage d’une redoutable sincérité est une leçon de vie et une leçon de littérature.

Pourquoi lui?

Parce qu’il a fait d’une expérience traumatisante un livre d’une puissance et d’une beauté littéraire rare.

Philippe lançon en 3 dates

  • 1963 Naissance à Vanves (F).
  • 2015 Le 7 janvier, il fait partie des survivants de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo.
  • 2018 Parution du livre Le lambeau, récompensé du Prix Femina.


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