Interview
MJF 2019: Suzane, histoires vraies, coups de gueule et électro
C'est ainsi qu'elle aime se définir: une conteuse d'histoires vraies sur fond d'électro. Et qui pourrait mieux raconter Suzane que l'artiste elle-même?
Ce prénom énigmatique, emprunté à sa grand-mère et tronqué de l'un de ses «n», cache une talentueuse jeune femme de 28 ans, passionnée de danse, qui stresse avant les concerts et arbore toujours sa fidèle combinaison tricolore, devenue sa marque de fabrique. «Je la porterais dans la rue, si j'osais», rigole-t-elle parfois, au micro des médias qui la bombardent de questions.
En 2018, l'intrépide Suzane montait sur l'immense scène de l'Olympia de Paris et réalisait le rêve le plus fou de chaque chanteur en herbe. Tous les mois, près de 45 mille personnes écoutent ses compositions sur Spotify, avec une légère préférence pour «L'Insatisfait», un morceau insolent de justesse qui vous reste immanquablement en tête.
Son EP, intitulé «Suzane», porte quatre titres très différents, mélanges inattendus de styles musicaux, mais surtout portés par des textes forts, des mots minutieusement choisis qui intriguent à coup sûr. Lorsqu'elle n'esquisse pas les personnages excentriques qu'elle a rencontrés derrière le bar de l'établissement où elle travaillait, Suzane se fait carrément narratrice de leurs pensées et en brosse des portraits marquants. On les connait, ses protagonistes, et c'est bien normal: Suzane conte des histoires vraies.
Interview
FEMINA Petite, vous étiez déjà passionnée de danse: en quoi ce premier amour a-t-il influencé vos débuts dans la chanson?
Suzane: À cinq ans, je suis entrée au conservatoire d'Avignon, où j'ai pratiqué la danse classique pendant des années, jusqu'à mes 18 ans: j'ai donc découvert la musique au-travers de mon corps. Aujourd'hui, je ne peux pas ne pas danser! C'est un peu comme les Italiens qui ne peuvent s'empêcher de parler avec les mains: c'est une partie de moi.
Alors comment est finalement née la passion de la chanson?
Elle est arrivée par plusieurs hasards, dans les couloirs du conservatoire. J'avais 13 ou 14 ans, je poussais la chansonnette sans me poser de questions... Et j'ai découvert que j'avais une voix. Je pense que j'avais besoin de liberté et que je cherchais un nouvel outil d'expression: la danse ne permet d'engager que son corps, et j'avais l'impression de faire toujours la même chose. J'ai toujours aimé lire et écrire, j'écoutais beaucoup Edith Piaf ou Daniel Balavoine. Mais je n'écrivais pas encore de chansons: ça, c'est arrivé plus tard.
Quand vous êtes-vous mise à écrire des chansons?
Lorsque je suis arrivée à Paris, pour y travailler en tant que serveuse. J'avais besoin de vivre des choses avant de pouvoir écrire des chansons. Je dis souvent que le spot derrière le bar est le meilleur lieu d'observation possible: personne ne fait attention à nous, mais on voit tout! On voit l'humain tel qu'il est, on regarde passer une infinité de personnages singuliers et extraordinaires, on sert des gens qui viennent de passer une très mauvaise journée ou qui ont vécu quelque chose de dingue. Je pense notamment au titre «L'Insatisfait»: je l'ai écrit après être tombée sur un client comme ça.
Ces expériences constituent-elles votre plus grande source d'inspiration?
Entre autres, oui: je parle aussi de mes proches ou je cherche en moi-même. Il y a toujours quelque chose d'assez intime dans ces morceaux. Je raconte des histoires du quotidien, mais il est important pour moi de ne pas tomber dans la caricature.
Dans le titre «Suzane», vous racontez votre propre histoire et décrivez les propos décourageants que l'on vous tenait parfois, lorsque vous faisiez part de vos rêves à vos proches. Que diriez-vous à ceux et celles qui vivent la même situation?
Cela peut paraître bizarre, mais je leur dirais de ne pas écouter tous les conseils qu'on leur donne. Souvent, le discours des personnes qui nous sont les plus proches peuvent s'avérer nocifs: par inquiétude, ils peuvent nous dire des choses qui, malgré eux, finissent par nous freiner. Alors je conseillerais à tout le monde de croire en son rêve de gosse, de s'écouter, et d'essayer de l'ancrer dans la réalité.
Votre chanson «SLT» formule un véritable coup de gueule au harcèlement sexuel que subissent les femmes au quotidien. D'où vient ce titre?
C'est l'abréviation de «salut», le message assez commun, d'apparence innocente et ordinaire, que peut nous envoyer un homme pour démarrer une discussion. Sauf qu'on ne sait pas du tout ce qui va suivre... et que les intentions que cachent ces trois lettres ne sont pas toujours très nettes.
On vous conseille de regarder le clip incroyablement marquant de ce morceau, dont les paroles risquent malheureusement de vous sembler familières:
Comment vous sentez-vous avant un concert?
Je suis hyper stressée, j'ai beaucoup de trac! Je me demande ce que je fais là, j'ai chaud, puis j'ai froid, je me dis que j'étais moins stressée lorsque je travaillais comme serveuse. Mais dès que j'ai posé un pied sur la scène, je me souviens immédiatement pourquoi je suis là.
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