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L’artiste suisse Maya Rochat doublement exposée à Paris⁠

Lartiste suisse maya rochat doublement exposee a paris

«Peindre s’apparente à une transe pour moi, c’est un état méditatif […] Je crois que l’art, c’est un peu magique.» - Maya Rochat

© MATHILDA OLMI

Maya Rochat a la tête dans les étoiles. Littéralement. Depuis quelques mois, elle s’évade en scrutant les astres avec son télescope. Cette vision d’immensité la bouleverse. «En observant l’espace, j’ai rapidement réalisé à quel point notre planète était belle et vivante. L’espace a un rythme plus lent mais il est ponctué de collisions violentes. Quand on voit les cratères sur la lune, elle a dû prendre deux ou trois bonnes comètes…» Contemplative des anneaux de Saturne et des lignes de Jupiter, l’artiste poursuit son œuvre terrestre dont le gigantisme et l’aspect immersif ne sont pas sans rappeler le cosmos.

Nous la retrouvons dans son atelier lausannois. Dans la cage d’escalier, les toiles monumentales enroulées et le stock de rétroprojecteurs annoncent la couleur. Chez Maya Rochat, les pigments se mélangent et se répandent en méandres comme un fluide magique. La veille, elle rentrait de Paris où elle vernissait son projet, «Poetry of the Earth». Une étape importante pour l’artiste, qui accomplit le coup double d’une exposition solo dans une éminente institution, la Maison européenne de la photographie (MEP), ainsi qu’à la Galerie C.

«J’ai fait pas mal de groupes shows ou des solos en galerie et petits «off spaces», mais en solo dans un musée à l’étranger, c’est une première. Comment gérer autant d’émotions positives? Je suis encore en train de digérer ce qui m’arrive», confie-t-elle.

Elle se réjouit de partager les étages de la MEP avec deux autres artistes, la Française Rosa Joly au studio et la Néerlandaise Rineke Dijkstra au premier étage, dont elle admire l’œuvre. «Quand j’apprenais la photographie à l’ECAL, j’étudiais son travail. Me retrouver aujourd’hui à exposer avec elle, c’est la grande classe. Mon travail et le sien ne se ressemblent pas. Pour moi, elle est l’une des meilleures portraitistes au sens de la photographie classique. Quant à moi, est-ce encore de la photographie?» questionne la plasticienne.

«Sans musique, il n’y a pas d’art»

Savourant humblement la reconnaissance de son travail, Maya Rochat n’en est pourtant pas à sa première expérience en dehors du pays. En 2018, la prestigieuse Tate Modern de Londres présente son œuvre dans l’exposition collective «Shape of Light». Déjà, la peinture en live fait partie de son travail, qu’elle intègre dans la performance «Living In A Painting», un show organique accompagné de l’artiste sonore Buvette. «Mon travail de performance est toujours basé sur de la musique. Sans musique, il n’y a pas d’art. Quand j’étais à la HEAD, j’avais écrit un morceau intitulé In Da Chaise Longue avec Cédric de Chasse, sur lequel je chantais sur un beat «auto composé» très pop. Mais j’ai rapidement compris que je ne pouvais pas être forte en tout. L’expérience était très cool, mais elle s’est arrêtée là.» L’association de l’artiste avec le musée britannique provoque un maelström médiatique. Le nom de Maya Rochat est sur toutes les lèvres.

Cette étape déclenche ce point de bascule particulier où l’aura de son art la précède. Elle ne s’encombre pas l’esprit de sa propre notoriété, mais son cœur bat face à certains témoignages: «Quand des jeunes femmes viennent me voir pour me dire qu’elles aiment ce que je fais et que ça les inspire dans leur propre vie, c’est le plus beau des compliments.»

Telle Alice au Pays des Merveilles, Maya Rochat entrouvre la porte de son univers onirique et invite qui le souhaite à la suivre. Ses projections envahissent les murs pour créer une nouvelle dimension qui n’appartient qu’à elle. Sa peinture, qu’elle maîtrise en flux tendu pour mieux la libérer et se confondre avec l’environnement dans lequel elle se trouve, tutoie les étoiles et convoque les éléments naturels. Comparable à une expérience hallucinogène, l’immersion dans son art fait aussitôt oublier les échelles de grandeur: chez Maya Rochat, le macro côtoie le micro en toute harmonie. Des géants et des lutins. À choix.

Quand elle performe en live, elle se met pleinement au service de son art.

«J’essaie de m’oublier, même si je sais qu’on m’observe. Peindre s’apparente à une transe pour moi, c’est un état méditatif.

D’ailleurs, je le vois sur mon visage qui devient plus concentré. Je m’évade physiquement, je suis un peu ailleurs. Je capte ce qui se trouve autour de moi et se matérialise dans la matière. Je crois que l’art, c’est un peu magique. Je me sens portée par une énergie qui vient d’un autre espace.»

© MEP/QUENTIN CHEVRIER

L’enfance de l’art

Maya Rochat passe son enfance au Vieux Moulin de Bavois, dans le canton de Vaud, en pleine nature. Un état de grâce qui a forgé son âme. «On a passé dix ans plus ou moins à l’écart de la société, vraiment paumés dans la forêt. J’étais en osmose avec la nature, je ne connaissais que ça! Les cabanes, les animaux, c’était mon délire. J’ai été choquée de découvrir le monde bétonné plus tard, je n’avais pas été préparée à la violence dans notre société.» Aujourd’hui, cette tension permanente entre la nature et l’urbanité s’en ressent dans son art. Loin de toute intention de greenwashing, elle est consciente des enjeux écologiques de notre époque.

«Une écologie sans éthique, ça n’existe pas.

Quand on sera capable de respecter les humains, alors deviendra-t-on peut-être capable de respecter la nature. C’est étrange de voir ce monde avec des ponts et des montagnes qui s’effondrent, des villes qui s’affaissent. C’est comme si notre monde bétonné était en train de se fissurer. Mais je refuse d’avoir peur, ce qui vient après ne pourra être que mieux que ce que l’on nous a proposé durant ces cent années de capitalisme.»

Autour d’elle, sa garde rapprochée veille sur elle. Car son art est avant tout une aventure humaine. Son fan-club autoproclamé inclut sa famille proche et quelques amies et amis. Sa fidèle amie Victoria a même créé la page Instagram @mayarochatfanclub. «On doit avoir environ 13 followers, dit-elle dans un éclat de rire. Pendant le vernissage, elle a fait un live et me disait: «Personne ne me suit!» je rigolais en lui répondant que le fan-club était au complet à la MEP. Il faut s’amuser un peu et ne pas prendre ces choses-là trop au sérieux!» 

Poetry of the Earth, MEP Paris, jusqu’au 1er octobre 2023. Universal Law of the Matrix, Galerie C, Paris, du 29 juin au 22 juillet 2023.

© MEP/QUENTIN CHEVRIER

Bio express

1985 Naissance à Morges

2009 Bachelor en communication visuelle, section photographie, avec mention très bien, ECAL

2012 Master avec mention, HEAD-Genève

2015 Première expo solo, «A Plastic Tool», Project Space, Centre d’art contemporain, Genève

2016 Expo collective, «Double Je», Palais de Tokyo, Paris

2017 Bourse Leenaards

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