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La Nouvelle Comédie de Genève: ses deux codirecteurs nous racontent

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«On aimerait que cette Comédie soit ouverte à tous pour venir lire, jouer de la musique, manger au restaurant, un lieu où les gens se sentiraient tous un peu chez eux. Son architecture transparente en verre signale d’ailleurs cette nouvelle philosophie.» - Denis Maillefer, metteur en scène et codirecteur de la Comédie de Genève

© Niels Ackermann

C’est comme un grand navire de verre flambant neuf qui attend désespérément ses premiers passagers. Mais cette fois, l’embarquement semble imminent. Si tout va bien, le grand bâtiment de la nouvelle Comédie de Genève devrait accueillir sa première saison à la rentrée 2021. Il faut dire que le timing s’était révélé cruel pour l’emblématique théâtre, censé déménager du boulevard des Philosophes au nouveau site des Eaux-Vives en 2020. La pandémie a mis entre parenthèses ce projet qui promet un virage remarquable dans la vie culturelle genevoise et romande.

Un espace moderne, plus vaste, plus polyvalent et non pas une, mais deux personnes à sa tête. La comédienne Natacha Koutchoumov et le metteur en scène Denis Maillefer se partagent la direction de cette Comédie pleine d’ambition et d’envies. Après avoir analysé le fonctionnement de dizaines de théâtres, de l’ouest de l’Europe aux confins de la Russie, après avoir écouté leurs rêves aussi, et pris le pouls de l’époque, les codirecteurs avaient proposé ce concept innovant d’un théâtre jetant un pont plus inclusif entre l’art et le public.

Un espace pour tous

«On voulait plus qu’un théâtre, explique Denis Maillefer. Il s’agit pour nous d’aller toucher à la fois les spectateurs habituels et ceux qui ne le sont pas encore. L’espace offrira deux scènes, mais sera aussi un lieu de vie, avec une série d’activités autour des spectacles, dont des ateliers, des expositions, des brunchs, des stages.

On aimerait que cette Comédie soit ouverte à tous pour venir lire, jouer de la musique, manger au restaurant, un lieu où les gens se sentiraient tous un peu chez eux. Son architecture transparente en verre signale d’ailleurs cette nouvelle philosophie.»

Le binôme confie avoir notamment été inspiré par le 104, un théâtre français un peu particulier, qui ne se limite pas à ouvrir ses portes entre 19 et 23 h pour les représentations. «On souhaite vraiment créer un lien presque affectif entre la Comédie et les visiteurs, confirme Natacha Koutchoumov. On espère que certains spectacles fédéreront davantage les générations, attirant les parents et leurs enfants.»

Et les deux directeurs de révéler un temps fort allant marquer l’automne: une adaptation libre de l’étonnant film Dogville, de Lars von Trier, dont la mise en scène minimaliste tenait sur un unique espace structuré par des tracés au sol. «Cette création de la Comédie fera d’ailleurs l’ouverture du Festival d’Avignon, en juillet, avec des acteurs suisses, brésiliens et français, souligne Natacha Koutchoumov. On est très fiers, car elle a déjà pas mal de dates de tournée prévues. Les spectateurs pourront ensuite la découvrir ici, en octobre.»

L’avenir des artistes

La crise due au coronavirus a été d’une violence rare pour le milieu culturel, mais la Comédie a pu résister. Certains spectacles ont été joués dans des lieux pas forcément pensés pour le théâtre. D’autres n’ont été vus par presque aucun public, alors que les effectifs de la Comédie continuaient à monter des représentations, à créer des décors et des costumes, à répéter… «Se rendre compte que l’équipe a tenu pendant cette période incertaine est rassurant, relève la codirectrice. Le rythme plus calme a aussi permis de mieux se préparer. Mais bien sûr on a très peur pour tous les métiers impactés. Avec la reprise, il y aura probablement un embouteillage de projets et ça rendra encore plus difficile de gagner correctement sa vie dans la profession.»

La Comédie de Genève sera néanmoins parée pour soutenir le secteur, selon Denis Maillefer: «On va par exemple proposer des stages de jeu rémunérés pour les acteurs, ce qui n'est pas l’habitude.

Cette crise questionne plus largement comment obtenir des revenus lorsqu’on est artiste. Elle accélère la réflexion sur leur place dans la société, sur le rôle des théâtres et nous confronte à des questions vertigineuses sur ce qui nous est nécessaire. 2020 nous a obligés à repenser la mission de l’art.»

Un duo de choc

D’ailleurs, être deux à la tête d’un théâtre, est-ce partir mieux armé pour affronter l’avenir? «Je vois en effet de la force dans ce modèle, affirme Denis Maillefer. Ça permet de challenger les idées et d’aller plus loin, tout en minimisant les erreurs. C’est un processus d’amélioration permanent passionnant. Bien sûr, il demeure cette nécessité de prendre des risques, même à deux. On propose des choses pas encore créées et ça ne peut pas marcher à tous les coups.»

Mais là encore, il y a «l’avantage de ne pas être seul et de pouvoir se soutenir», constate Natacha Koutchoumov. Deux têtes pour penser l’art de demain et quatre épaules pour supporter les projets, ça ne paraît pas de trop pour se lancer dans l’ère post-Covid.


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