Talent local
Rencontre avec Line Pfister, créatrice de la Maison Ohlala
Smallville. Dans une ambiance irrésistiblement déglinguée digne d’un film de Jeunet et Caro, on descend les quelques marches menant à cet espace unique, à la fois atelier et galerie d’exposition, situé au-dessus d’un garage de voiture à Neuchâtel. Le charme du lieu opère instantanément. Il y règne l’atmosphère d’une délicieuse utopie que seul l’art sait insuffler.
Line Pfister nous invite à visiter son atelier. On traverse la surface commune dans laquelle cohabitent des œuvres en devenir avec des objets fantasmagoriques. On arrive dans son espace, là où elle crée les prototypes de ses collections. Un short épinglé au mur rappelle le style pailleté universalisé par Farrah Fawcett, la star brushée de la série Drôles de dames.
Accroché à une fenêtre, le pendentif aux deux C entrelacés en carton ondulé saute immédiatement aux yeux. C’est un cadeau de son mari artiste. «Je lui avais dit que j’aimerais bien un collier Chanel. Il me l’a offert en me disant qu’un jour, j’en aurai peut-être un vrai!» déclare-t-elle en riant.
Reine du sweat-shirt
Depuis sa création en septembre 2019, Maison Ohlala a fait du sweat-shirt sa signature. Pièce forte et intemporelle, ce pull-over en coton emprunté au vestiaire sportif a la particularité de s’adapter à chaque saison. Au même titre que le T-shirt, le hoodie ou le jean, son caractère cool est immédiatement identifiable avec sa taille et ses poignets qui se terminent par un bord côtes.
Revers de la médaille de son aspect relax, il peut s’apparenter à une sorte de léthargie stylistique quand il se cantonne à son unique confort. C’est là que la magic touch de Maison Ohlala opère.
«Je pense à la femme un peu nomade, qui ne prend qu’un sweat dans sa valise et se rend à un dîner d’affaires suivi d’une soirée entre amies.»
Inspiration Véronique, Davina et Yoko
La maison propose entre cinq à huit modèles dans ses deux collections annuelles, toutes produites en petite quantité dans un atelier parisien. Une manche iridescente pour mieux fendre l’air comme un éclair sur le dancefloor, ou une emmanchure aussi basse que celle d’un kimono pour un effet ample, les modèles se distinguent par une ligne graphique minimaliste jusque dans les moindres empiècements irisés assemblés.
Ainsi transposé dans un univers glamour rutilant qui ne verse jamais dans le kitsch, le sweat-shirt selon Maison Ohlala digresse délicieusement de sa fonction basique, dans une gamme chromatique galactique. En guise de moodboard pour se mettre en piste, imaginez Véronique et Davina, les deux divinités made in France de l’aérobic des années 80, en plein entraînement sur les sons industriels de Kraftwerk. Ou Yoko Tsuno en roller skates.
Sous sa doudoune et son écharpe imprimée léopard, la créatrice laisse entrevoir un modèle de sa collection. Elle se souvient de sa vocation.
«On essayait de me décourager en me rétorquant que ce n’était pas un bon choix, que je ne gagnerai pas bien ma vie.»
Plutôt que la raison, Line se met en quête de poursuivre sa passion. Elle commence par façonner ses rêves de création par le biais de la technique, en apprenant la couture et le patronage à l’École d’art de La Chaux-de-Fonds, au début des années 2000. En 2003, elle part étudier le stylisme à Paris. Immersion totale dans la mode en participant aux défilés en tant qu’habilleuse. «Je me sentais toute petite au milieu de ces grands mannequins! Cette effervescence m’a nourrie, j’en garde un souvenir très vivant, joyeux et festif, comme un souffle de fraîcheur.»
Quatre ans après ses débuts, Maison Ohlala ne prétend pas être labellisée comme une marque écolo, mais la designer s’impose une éthique de travail visant à ne pas produire n’importe quoi, n’importe comment.
Totalement en phase avec les principes d’un nouveau monde respectueux des droits humains et de l’environnement, elle ne revendique pas moins le droit de s’amuser et de se faire plaisir. Sinon, quel ennui!
Vous avez aimé ce contenu? Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir tous nos nouveaux articles!